Eglises d'Asie

Le prêtre qui s’est présenté devant les électeurs pour le poste de gouverneur de la province de Pampanga explique les raisons de sa décision

Publié le 18/03/2010




C’est « la décadence morale » constatée autour de lui qui a poussé un prêtre catholique de l’archidiocèse de San Fernando à se présenter devant les électeurs pour le poste de gouverneur de la province de Pampanga, située à 60 km au nord-ouest de Manille. Ordonné il y a 26 ans, le P. Eddie Panlilio, âgé de 53 ans, était jusqu’à récemment curé de paroisse à Guagua, ville de cette province connue pour être un havre des jueteng, loteries illégales très populaires dans le pays. Selon le prêtre, cette décadence morale se traduit par « une corruption et une concussion toujours plus fortes ».

Avant de prendre sa décision et de faire officiellement acte de candidature pour le poste de gouverneur de la province, le P. Panlilio a discuté à plusieurs reprises avec son évêque, Mgr Paciano Aniceto. Celui-ci l’a découragé de se lancer dans cette voie, mais, après « un long discernement », il a décidé de « suivre sa conscience » et de se porter candidat. Le P. Panlilio ajoute qu’il a conscience d’avoir causé « de la peine » à son évêque et c’est aussi pour cela qu’il a tenu à effectuer les choses dans l’ordre. Le 28 mars au matin, après avoir célébré la messe, il a demandé par courrier à son évêque à être « relevé de ses devoirs sacerdotaux » (1) et c’est seulement ensuite qu’il a fait acte de candidature auprès de la COMELEC, la commission électorale.

Les élections ont eu lieu le 14 mai (2) et 45 millions de Philippins ont été appelés aux urnes pour ces élections de mi-mandat, au cours desquelles la Chambre des représentants (230 membres) et la moitié du Sénat (soit douze sénateurs) seront renouvelées ainsi que 17 500 gouverneurs, maires et élus lo-caux. Dans la province de Pampanga, le P. Panlilio s’est trouvé en compétition avec le gouverneur sor-tant, Mark Lapid, et une autre candidate, Lilia Pineda, épouse de celui qui est présenté comme l’un des organisateurs des jueteng, Rodolfo Pineda. Mark Lapid est impliqué dans un scandale – où apparaît également le nom de son père, le sénateur et ex-gouverneur Lito Lapid – mettant en jeu des détourne-ments d’impôts.

A l’évêché de San Fernando, l’évêque auxiliaire, Mgr Pablo David, témoigne du fait que Mgr Aniceto est « terriblement désolé » de la décision prise par le P. Panlilio et qu’il a essayé de le dissuader jusqu’au dernier moment (3). Il ajoute aussi qu’il est indéniable que la vie politique dans la province est « contrôlée par l’argent » et que le clergé s’est montré « peu zélé » à former des responsables acceptables. Il précise également que lui et le P. Panlilio ont cherché des laïcs prêts à se présenter contre Mark Lapid et Lilia Pineda, en vain. « Lorsque le P. Panlilio a dit qu’en désespoir de cause, il allait se présenter, j’ai cru qu’il plaisantait. Je me suis trompé », commente-t-il, ajoutant que le prêtre est un des plus actifs pasteurs de San Fernando et qu’il est très apprécié. « Il est aimé de tous, mais je persiste à penser que son rôle n’est pas d’entrer dans la vie politique », conclut-il.

Sur le fond, Mgr Pablo David ne cache pas que l’Eglise, parce qu’elle parle dans un sens et agit parfois dans l’autre, a sa part de responsabilité de « la situation terrible » dans laquelle se trouve la province. Si les jueteng sont à la racine de bien des problèmes, comment se fait-il que, tandis que des prêtres s’élèvent contre ce phénomène, une trentaine d’entre eux se présentent lorsque Rodolfo Pineda les invite à célébrer la messe ? Lorsque des prêtres « retournent chez eux avec de lourdes enveloppes, que dire à nos fidèles ? », s’interroge l’évêque auxiliaire (4).

En période électorale, la famille Pineda ne se montre pas avare en intentions de messe et aucune église ou chapelle n’est oubliée à l’heure de la distribution des enveloppes, témoigne encore Mgr Pablo David. Selon diverses sources ecclésiales, Mgr Aniceto prépare une « exhortation pastorale » au sujet des élections et des jueteng.

A la Conférence des évêques catholiques des Philippines, Mgr Deogracias Iniguez, évêque de Kalookan et président du Bureau pour les Affaires publiques, a déclaré que le P. Panlilio a pris sa décision après un examen de conscience méthodique et a agi selon les procédures prévues par le Code de droit canon. Il n’encourt donc pas de sanction canonique.