Eglises d'Asie

Pour éviter de voir sa maison détruite, un pasteur protestant accepte de ne plus y célébrer de service religieux

Publié le 18/03/2010




Le 16 avril dernier, un pasteur protestant installé à Kace, village de la province de Bangka, une île située sur la côte nord-est de Sumatra, a été contraint de retirer les principaux signes et objets qui identifiaient sa demeure privée comme un lieu de culte chrétien. Il en a ôté une grande croix et un autel, se conformant ainsi à la volonté de la majorité musulmane de son voisinage qui avait menacé, dans le cas contraire, de détruire sa maison.

L’affaire avait commencé le 13 avril lorsqu’une foule estimée à 300 personnes s’était rassemblée pour demander aux autorités locales de détruire la maison en question au motif qu’elle était utilisée comme un lieu de culte fonctionnant sans les autorisations nécessaires. Saisi du cas, le responsable du sous-district dont dépend le village de Kace a essayé de trouver un accord entre les parties concernées, c’est-à-dire le pasteur, les représentants de la population du village, les responsables musulmans locaux et le fonctionnaire local des Affaires religieuses. Le pasteur Lumban Sinaga persistant à affirmer que sa maison était le lieu d’habitation de sa famille, le responsable du sous-district n’a pu trouver d’accord satisfaisant et a transmis l’affaire au chef-lieu de la province, Pangkalpinang. Là, les autorités ont décrété que le pasteur devait retirer de sa maison tous les signes et objets l’apparentant à un lieu de culte. Elles ont également mis en demeure le pasteur de ne pas organiser de cérémonies religieuses chez lui en présence d’autres personnes que lui-même ou les membres de sa famille immédiate.

Selon les observateurs locaux, les autorités ont cédé à la pression de la majorité musulmane des habitants de Kace, dans une région où les non-musulmans représentent à peine 5 % de la population. A Kace, où vivent treize protestants et dix catholiques, une pétition a circulé demandant « la destruction de l’église » et promettant de prendre des mesures fermes au cas où les autorités n’accéderaient pas à cette demande.

Pour sa défense, le pasteur Sinaga a expliqué qu’il avait emménagé à Kace en 2001 en louant dans un premier temps une maison, pour lui et sa famille. « Des proches nous ont rejoints », a-t-il ajouté. Cinq ans plus tard, il a fait l’acquisition d’un terrain pour y construire sa maison. Il a emménagé avec sa famille et y a vécu de la manière dont il vivait dans sa première demeure, c’est-à-dire en priant régulièrement. « Sans doute que les villageois ont estimé que cette nouvelle maison était une église car elle était neuve et plus grande, mais je n’ai jamais considéré que c’était une église, s’est-il justifié. Tout le monde peut voir qu’elle n’a pas les caractéristiques d’une église et que ce n’est qu’une maison normale. » Regrettant la décision prise par les autorités, il s’est néanmoins déclaré résolu à continuer à vivre à Kace et, pour cela, il ira à la rencontre des villageois pour éviter de voir sa maison détruite. « C’est là que je vis avec ma famille », a-t-il conclu.

Selon les observateurs, l’affaire de Kace illustre une nouvelle fois les difficultés que rencontrent les communautés religieuses minoritaires à obtenir un permis de construire pour leurs lieux de culte. Face à l’impossibilité pour certaines communautés chrétiennes d’obtenir un permis en bonne et due forme, des habitations ou des locaux commerciaux sont utilisés comme lieux de culte. En 2006, à Java, des groupes islamiques radicaux ont forcé plusieurs dizaines de ces locaux à fermer (1). En mars 2006, une nouvelle mouture du décret de 1969 régissant la construction des lieux de culte a été publiée par le gouvernement (2), mais, comme cela était prévisible, les garanties que ce texte a mis en place pour défendre le droit des minorités religieuses à disposer d’un lieu de culte dépendent, dans leur application, de la volonté des autorités locales.

Récemment, à la pointe sud-est de Sumatra, des catholiques du diocèse de Tanjungkarang se sont vus refuser un permis de construire pour une chapelle paroissiale, en dépit du fait qu’ils s’étaient conformés à toutes les dispositions légales.