Eglises d'Asie – Philippines
La Conférence épiscopale salue l’élection d’un prêtre au poste de gouverneur de province et précise qu’elle doit rester « une exception »
Publié le 18/03/2010
Le P. Panlilio doit « désormais se mouvoir sur un terrain pour lequel il n’a pas été préparé au séminaire », a encore déclaré Mgr Lagdameo. « Le champ politique est tissé de problèmes profonds, réels », tels les jeux d’argent illégaux, et, si le P. Panlilio a pris la décision de se présenter devant les électeurs et a vécu sa décision comme « un appel », son geste doit être compris comme « un défi » adressé « aux laïcs pour voir surgir de leurs rangs un nouveau type de dirigeant politique ». Rappelant la décision de l’archevêque de San Fernando de relever le P. Panlilio de ses obligations sacerdotales (1), Mgr Lagdameo a rappelé que cette décision avait été prise « de manière à s’assurer qu’il n’y avait pas de confusion possible entre la prêtrise et la politique, respectant ainsi le principe de séparation de l’Eglise et de l’Etat ». Quant à la perspective de voir le cas du P. Panlilio faire école au sein du clergé, le président de la Conférence épiscopale a dit clairement que les évêques dissuaderaient ceux de leurs prêtres désireux d’assumer une charge publique (2). Le sacerdoce est déjà en soi un ministère public, dont « la charge et la fonction visent à la sanctification et au salut du peuple ».
De son côté, le P. Panlilio, lorsqu’il a appris la nouvelle de son élection, s’est exclamé : « C’est un miracle ! ». Selon la commission électorale, avec 219 706 voix, le prêtre l’a emporté avec une très faible avance sur ses deux rivaux : 1 147 suffrages de plus seulement sur Lilia Pineda (218 559 voix) et 8 831 suffrages de plus sur Mark Lapid, le gouverneur sortant (210 875 voix). Parti dans la campagne électorale sans appareil partisan et sans ressources financières, le P. Panlilio a déclaré que sa victoire était le fruit du travail d’une armée de bénévoles. Cette victoire est « la manière que Dieu a de nous dire qu’il est temps que les choses changent, pour être au service de Son peuple, spécialement les pauvres », a-t-il poursuivi, promettant l’ouverture d’une « nouvelle ère dans la vie politique de Pampanga ».
Située à une petite centaine de kilomètres au nord de Manille, la province de Pampanga compte deux millions d’habitants. Bénéficiant de l’attrait suscité par la transformation de l’ancienne base militaire américaine de Clark en une zone économique franche, elle était dominée politiquement, jusqu’aux élections du 14 mai dernier, par les grandes familles politiques traditionnelles. Mark Lapid, gouverneur sortant, est impliqué, ainsi que son père, le sénateur et ex-gouverneur Lito Lapid, dans un scandale mettant en jeu des détournements d’impôts. Lilia Pineda, quant à elle, est l’épouse de Rodolfo Pineda, considéré comme un des barons des jueteng, loteries illégales très populaires aux Philippines.
Sur les ondes philippines de Radio Veritas, Mgr Edwin de la Pena, de la prélature de Marawi, sur l’île de Mindanao, a estimé que l’implication du P. Panlilio en politique était due à la situation « extraordinaire » de la province de Pampanga, où c’est le niveau atteint par « la concussion et la corruption » qui a amené le prêtre à entrer en politique. En agissant comme il l’a fait, le P. Panlilio a agi « en vrai chrétien », a ajouté l’évêque, membre de la Société des missions des Philippines.
Interrogé sur son avenir dans l’Eglise, le P. Panlilio a déclaré qu’il souhaitait revenir à son ministère sacerdotal une fois accompli son mandat de trois ans à la tête de la province. « La prêtrise est toute ma vie, et je compte bien rester prêtre jusqu’à la fin de mes jours », a-t-il précisé, ajoutant qu’il était prêt à faire face aux conséquences de ses choix. Mgr Oscar Cruz, archevêque de Lingayen-Dagupan et expert en droit canon, a laissé entendre dans la presse qu’il était difficile pour un prêtre ayant eu des responsabilités en politique de revenir à un ministère pastoral.