Eglises d'Asie

DOCUMENT ANNEXE – « SOUS LE NOUVEAU RÉGIME, LE CATHOLICISME VIETNAMIEN A PROGRESSÉ EN NOMBRE ET EN QUALITÉ »

Publié le 18/03/2010




Ces derniers temps, l’attention de l’opinion internationale s’est plus particulièrement portée sur la question de la liberté religieuse. Il s’agit là de l’un des droits fondamentaux de l’homme, reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée en 1948. Ce droit à la liberté religieuse est reconnu par tous les pouvoirs du monde s’ils sont démocratiques et civilisés. Le président Hô Chi Minh l’a proclamé avant même la publication de la déclaration des Nations Unies, dès le 3 septembre 1945, lorsqu’il a parlé de « liberté de croyance et union des religions ». Voilà une prise de position correcte, mettant en pratique la priorité accordée au peuple (vi dân) par le nouveau pouvoir, récemment reconnu et soutenu par le peuple dans sa majorité. Cependant, à cause de la guerre de libération nationale, des faiblesses affectant l’économie et des capacités administratives de l’Etat, en certains moments et en certains lieux, il n’a pas été tenu compte d’une façon satisfaisante de ce droit de liberté religieuse. On peut pourtant affirmer que durant les 61 années de direction du parti du président Hô Chi Minh, l’Etat vietnamien a réalisé de nombreuses choses, répondant chaque jour davantage aux exigences de la liberté de croyance et de religion du peuple, et plus particulièrement après que notre pays eut entamé la période de rénovation (dôi moi). Ceci peut être prouvé par la progression du catholicisme au Vietnam, à tous les points de vue.

1.) Le développement rapide des infrastructures matérielles ainsi que du nombre des fidèles et des membres du clergéBien que le catholicisme ait été introduit au Vietnam il y a moins de cinq siècles et qu’il ait traversé de nombreux bouleversements historiques complexes, il n’a cessé de progresser en de nombreux domaines, comme la création d’un clergé vietnamien, le nombre de fidèles, les infrastructures matérielles, l’organisation de l’Eglise. Nous avons été des témoins privilégiés de cette progression depuis que le Vietnam a débuté son œuvre de rénovation (dôi moi).

 

Au début de l’évangélisation, naturellement, les premiers ecclésiastiques furent des étrangers. Cette situation a duré trop longtemps et provoqué un certain mécontentement dans la masse des fidèles. Tant que les colonialistes et les impérialistes détenaient à la fois le pouvoir religieux et profane, il fut difficile de réaliser le vœu profond de la population, à savoir de bénéficier d’une hiérarchie composée de Vietnamiens. Il a fallu attendre près d’un siècle après l’introduction du christianisme (de 1553 à 1668) pour que les quatre premiers prêtres vietnamiens soient ordonnés. En ce qui concerne l’épiscopat, il a fallu attendre 400 ans. C’est en 1933 que fut ordonné le premier évêque vietnamien, Mgr Nguyên Ba Tông.

 

Or, pour une période allant de 1975 à aujourd’hui, le nombre des membres du clergé vietnamien a augmenté très rapidement. Depuis 1975, 54 évêques ont été ordonnés. A la fin de l’année 2004, le pays bénéficiait de 3 126 prêtres en exercice. Pour la seule année 2005, plus de 100 prêtres (sans compter les 57 nouveaux prêtres ordonnés par le cardinal Sepe, préfet de la Congrégation de l’évangélisation des peuples, le 29 novembre 2005, à Hanoi). Durant la colonisation française, de 1863 à 1945, le nombre de prêtres catholiques n’avait progressé que de 153 unités. C’est en 1937 que le nombre d’ordinations fut le plus élevé avec dix nouveaux prêtres ordonnés. Habituellement, on ne comptait que cinq à six nouveaux prêtres par an.

 

En ce qui concerne l’organisation de l’Eglise, en 1659, le Saint-Siège avait créé au Vietnam deux vicariats apostoliques. En 1960, il avait érigé trois provinces ecclésiastiques, Hanoi, Huê, Saigon. Le nombre de diocèses et archidiocèses s’élève aujourd’hui à 26. Depuis que le Vietnam a été réunifié en 1975, pour la première fois, un Vietnamien a été élevé au cardinalat, l’archevêque de Hanoi, Mgr Trinh Nhu Khuê (le 24 mai 1976). En 2003, l’archevêque de Hô Chi Minh-Ville, Mgr Pham Minh Mân, a été lui aussi nommé cardinal. On compte aujourd’hui cinq Vietnamiens qui ont été nommés cardinaux, dont l’un fut président d’un conseil pontifical. Une telle ascension n’a pu se produire que parce que le Vietnam avait atteint un statut international.

 

Dans le domaine des infrastructures matérielles, il faut reconnaître que, sous le régime colonialiste, l’Eglise catholique possédait des biens considérables et de nombreuses églises de grande dimension ont été construites pendant cette époque. Mais il faut reconnaître aussi que c’était une période où l’Eglise, précisément à cause de cela, était marquée par beaucoup d’obscurités. Après le 30 avril 1975, Mgr Nguyên Van Binh prit la décision de permettre aux autorités civiles d’emprunter des établissements religieux et de les utiliser à des fins éducatives, médicales ou encore dans un but caritatif ou social. Beaucoup de personnes ont pensé alors que c’était là une bonne occasion pour que l’Eglise soit libérée de ses établissements et moyens matériels. Les prêtres et les religieux ainsi déchargés de la préoccupation des écoles et des établissements caritatifs et sociaux, pourraient désormais vivre en union avec le Seigneur dans la prière et se consacrer davantage à l’étude et à l’enseignement de la doctrine.

 

Au cours de la guerre, de nombreux établissements religieux ont été détruits par les bombes. La paix revenue, les besoins de construction et de restauration des lieux de culte furent davantage pris en compte. Les églises de villes comme Ninh Binh, Phu Ly, La Vang s’étaient effondrées sous l’effet des bombardements américains. Elles sont aujourd’hui reconstruites plus spacieuses, ou en train d’être reconstruites. Des milliers d’églises ont été édifiées ou réparées et cela étonne beaucoup les touristes étrangers. En de nombreux pays d’Europe ou d’Amérique, l’Eglise est obligée de vendre ou de fermer les églises par manque de personnel et de ressources. Au Vietnam, partout où l’on va, on aperçoit des églises nouvellement construites.

 

Le nombre des fidèles au Vietnam s’accroît régulièrement : en 1960, il y avait 2 094 450 fidèles, 5 789 religieux et religieuses, 1 914 prêtres. En 2000, on comptait 5 250 354 fidèles, 1 131 séminaristes, 9 986 religieux et religieuses, 2 422 prêtres. En 2004, le nombre des fidèles s’élevait à 5 776 972 (environ 7 % de la population totale), les séminaristes étaient au nombre de 1 249. Il y avait 14 413 religieux et religieuses, 3 126 prêtres, 53 887 catéchistes. C’est sur les hauts plateaux et le nord-ouest du Vietnam que le nombre des fidèles a augmenté le plus rapidement. Dans le diocèse de Kontum, en 1971, il n’y avait que 80 627 fidèles. En 2004, ce chiffre s’élevait à 203 723, soit 2,5 fois plus.

 

2.) L’Eglise, autrefois étrangère, est devenue une Eglise liée à son peuple et collaborant avec luiParce qu’il avait été introduit à l’époque de l’expansion coloniale et qu’il portait avec lui une culture étrangère, le catholicisme, lors de ses débuts au Vietnam, suscita certaines réactions contre lui, car il était considéré comme un élément étranger à la culture nationale. Ainsi, au début, l’Eglise ne permettait pas à ses fidèles le culte des ancêtres. Les prêtres obligeaient les catéchumènes à se couper les cheveux, à abandonner le nom personnel donné par les parents, à ne plus porter le costume traditionnel. Alexandre de Rhodes, qui était un ecclésiastique ouvert à la culture orientale, n’approuvait pas ce genre de pratique. Il écrivait : « Je me demande pourquoi on exige des choses que notre Seigneur lui-même n’exige pas et qui les tiennent éloignés du baptême et du paradis. Pour ce qui me concerne, j’ai protesté vivement contre ceux qui obligent les catéchumènes à se couper les cheveux (ils ont pour coutume de porter les cheveux longs comme des femmes)… Je leur ai dit que l’Evangile les obligeait à chasser les erreurs de leurs esprits mais non pas à se faire couper les cheveux. »

 

La liturgie du catholicisme, au début, ne paraissait pas familière aux Vietnamiens. Les cérémonies étaient célébrées en latin et les églises construites dans un style européen. Les images religieuses et la musique venaient elles aussi de l’étranger. En particulier, une partie des fidèles et du clergé fut utilisée pour s’opposer à la nation et favoriser l’invasion et la prise de pouvoir des forces colonialistes et impérialistes. Pourtant, nous devons nous réjouir en considérant que, dans son développement au Vietnam, le catholicisme a finalement opté pour une orientation convenable, à savoir l’adaptation à la culture nationale et la participation à la vie du peuple. C’est une évolution qui s’est faite de bonne heure dans les milieux catholiques patriotiques, encouragée par les militants révolutionnaires, légitimée par le concile Vatican II. Une évolution qui s’est fortement amplifiée après l’unification du pays. Elle a été en effet préconisée par la première lettre commune de la conférence épiscopale en 1980 et la lettre commune de 2001.

 

Ce mouvement d’adaptation culturelle du catholicisme a connu de nombreux succès. Autrefois, on ne pouvait citer qu’un exemple d’église édifiée dans l’architecture et le style du pays : la cathédrale de Phat Diêm. Aujourd’hui, il en existe de très nombreuses, comme par exemple l’église de Ba Chuong, de Cua Nam, du Cam Ly… Beaucoup d’œuvres d’art, de cantiques composés par des Vietnamiens conformément au style traditionnel ont connu un grand succès non seulement dans le pays mais également à l’étranger. De nombreux éléments appartenant de la culture nationale ont été introduits dans la liturgie : la coutume consistant à se prosterner avec des bâtonnets d’encens devant la dépouille d’un défunt, l’utilisation des instruments de musique, des mélodies et les rythmes des chants populaires nationaux… Les missels, les catéchismes de l’Eglise universelle ont été traduits en vietnamien.

 

Si l’on considère la solidarité de l’Eglise avec son peuple, on constate les mêmes changements. Autrefois, le patriotisme s’est surtout manifesté à travers les actions particulières de certains catholiques. Après la révolution d’août 1945, le patriotisme des catholiques est devenu un vaste mouvement entraînant dans son sillage de nombreux fidèles qui ont participé à la révolution et contribué à son succès. Après que le pays a été entièrement réunifié (le 30 avril 1975), l’héroïsme de la résistance victorieuse de notre peuple a également animé les évêques vietnamiens qui ont rédigé un texte merveilleux : la lettre commune de 1980. Jamais l’Eglise n’avait eu d’affirmations aussi sublimes : « L’amour de la patrie et l’amour de ses compatriotes constituent, pour les catholiques, non seulement un sentiment naturel mais aussi une exigence de l’Evangile… Notre patriotisme doit être concret, ce qui signifie que nous devons avoir conscience des problèmes actuels de notre patrie, comprendre la ligne politique et la législation de l’Etat et, positivement, avec nos compatriotes de tout le pays, contribuer à défendre et à édifier un Vietnam prospère, libre, et heureux » (§ 10). Grâce à cette orientation, les catholiques ont été débarrassés de leurs inquiétudes et n’ont plus à choisir entre leur devoir de citoyen et leur devoir de fidèle.

 

En plus des directives énoncées ci-dessus, l’Eglise a proposé des orientations concrètes aux laïcs en divers domaines, préconisant des naissances responsables, le développement des activités caritatives, éducatives et médicales, ou encore la participation au mouvement : « Harmonie du religieux et du profane ». Grâce à de telles orientations, certains catholiques ont été exemplaires et ont bénéficié des honneurs publics, comme, par exemple, la sœur Mai Thi Mâu qui, pendant quarante ans, s’est consacrée au service des lépreux de Di Linh et, pour cela, a été déclaré « héroïne du travail », ou encore Mme Nguyên Thi Mai, qui, avec courage, s’est jetée à l’eau pour sauver une personne entraînée par le courant, sacrifiant sa vie et méritant ainsi d’être élevée au rang des « morts pour la patrie ». Le Comité d’union du catholicisme vietnamien, une association patriotique des catholiques, a reçu la médaille de l’indépendance de première classe en 1983 et la médailles de Hô Chi Minh en 2000…

 

A l’heure actuelle, les milieux catholiques gèrent 96 dispensaires et hôpitaux, 128 centres de soins pour lépreux et malades du sida, près de 1 000 jardins d’enfants, écoles et centres culturels. Ils acquièrent ainsi un grand prestige et manifestent publiquement leur capacité à travailler dans le domaine social.

 

A Hô Chi Minh-Ville, en 2004, les catholiques ont recueilli 15 milliards de dôngs (26 000 dollars) pour les programmes caritatifs et sociaux. Le diocèse de Xuân Lôc a dépensé 30 milliards de dongs en 2004 et 60 en 2005 pour ses œuvres caritatives et sociales. Si l’Etat et la société n’avaient pas créés des conditions favorables, l’Eglise n’aurait pu obtenir de tels résultats.

 

Pour garantir l’exercice des activités religieuses conformes à la loi et en accord avec le développement social, l’Etat vietnamien a publié de nombreux textes législatifs concernant la croyance et la religion, comme le décret 234/SL de 1955, l’arrêté 297/CP de 1977, l’arrêté 69/HDBT de 1991, l’arrêté le 26/CP de 1999 et, plus récemment, l’ordonnance sur la croyance et la religion, en 2000. Au fil des années, ces textes ont été de plus en plus libéraux et ouverts, apportant des conditions favorables à l’exercice des activités religieuses des fidèles et des ecclésiastiques appartenant aux Eglises des diverses religions. De nombreuses fêtes, comme, par exemple, le rassemblement annuel de Notre-Dame de La Vang qui attire des dizaines de milliers de participants, peuvent être organisées avec soin, dans la joie et la sécurité. Les voyages annuels de la délégation du Saint-Siège au Vietnam et, tout récemment encore, la visite pastorale du cardinal Sepe sont autant de témoignages de la vie et de la liberté de l’Eglise catholique.

 

Manifestant leur esprit d’ouverture, dans un certain nombre de régions, les autorités locales ont considéré qu’il fallait rendre aux catholiques de nombreux établissements religieux qui avaient été empruntés auparavant, comme le centre culturel catholique, le centre Paul Nguyên Van Binh, le centre Alexandre de Rhodes à Hô Chi Minh-Ville. Beaucoup d’évêchés, de paroisses ont collaboré positivement avec les autorités pour donner une solution aux besoins légitimes d’activités religieuses, ce qui a rempli de confiance et d’enthousiasme l’esprit des fidèles.

 

La question religieuse a toujours été un domaine sensible et complexe, mais nous sommes persuadés : si nous adoptons une conception correcte et conforme à l’ordonnance sur la croyance et la religion, les activités religieuses au Vietnam seront tous les jours plus riches, plus vivantes et se développeront toujours davantage. Il n’y aura pas de réponse plus éloquente aux accusations portées par des organismes privés, dépourvus de bonne volonté à l’égard du Vietnam en ce domaine.