Eglises d'Asie

Lors d’un colloque visant à promouvoir la tolérance entre les religions, la réalité de la Shoah est publiquement affirmée

Publié le 18/03/2010




Une conférence visant à promouvoir la tolérance religieuse et à affirmer la réalité de la Shoah s’est ouverte le 12 juin dernier à Bali, associant des rabbins, des témoins de l’holocauste et des responsables musulmans, rapporte l’Agence France-Presse. Cette réunion se déroulant à Jimbaran se voulait être une « anti-conférence de Téhéran » : en décembre 2006, l’Iran avait organisé une conférence mettant en question le génocide des juifs durant la seconde guerre mondiale, ce qui avait suscité une indignation mondiale. Elle était financée par la Libforall Foundation, organisation américaine qui s’est donné pour tâche de lutter contre l’extrémisme islamique dans le monde musulman en soutenant des leaders religieux modérés.

Les médias se sont vu interdire d’annoncer cette conférence avant son ouverture, en raison de son thème sensible. Elle était présidée par l’ancien président indonésien Abdurrahman Wahid, figure majeure de la Nahdlatul Ulama, la plus importante organisation musulmane de masse d’Indonésie. « Même si je suis un bon ami du (président iranien) Mahmoud Ahmadinejad, je dois dire qu’il se trompe, a déclaré Abdurrahman Wahid. Il a falsifié l’histoire. » Tenu dans l’île à majorité hindoue de Bali, le colloque a vu la participation de personnalités telles que l’hindou Sri Sri Ravi Shankar.

La présence de rabbins s’exprimant publiquement en Indonésie est un événement rarissime. La présence d’un rabbin israélien l’est encore davantage. Le rabbin Daniel Landes, directeur de l’Institut d’études juives de Jérusalem, a expliqué se sentir à son aise même si l’Indonésie n’entretient pas de liens diplomatiques avec Israël. « Etant donné que la plupart des histoires relatives à l’holocauste se sont produites en Occident, rares sont les témoins naturels dans les pays musulmans qui peuvent dire : ‘Nous savons la véracité des faits’ », a-t-il déclaré à l’AFP. « Il s’agit d’une occasion unique de briser les stéréotypes qui sont enracinés dans le monde musulman », a estimé Abraham Cooper, un rabbin américain du centre Simon Wiesenthal. « La plupart des musulmans d’Indonésie ignorent ce qu’est l’holocauste, mis à part ceux qui ont étudié au Proche-Orient, a souligné Ahmad Suaedy, directeur du Wahid Institute, association prônant un islam modéré. Certains n’ont eu que la version diffusée par les universitaires égyptiens ou iraniens. »

 

Ce colloque est à replacer dans le cadre de l’actualité politique domestique. En mai de l’année dernière, Mahmoud Ahmadinejad était à Bali pour le sommet des grands pays musulmans (Iran, Egypte, Indonésie, Pakistan, Turquie, Nigeria, Bangladesh, Malaisie) et l’Indonésie siège en ce moment (en tant que membre non permanent) au Conseil de sécurité de l’ONU. Le jour même où s’ouvrait à Bali le colloque de la Libforall Foundation, l’Indonésie rejetait la résolution du Conseil de sécurité condamnant les propos du président iranien relatif à la destruction d’Israël (1). Selon le Jakarta Post, le président Susilo Bambang Yudhoyono a agi ainsi pour montrer aux musulmans d’Indonésie qu’il n’est pas aligné sur la politique américaine ou occidentale. Peu avant ce vote du 12 juin, l’Indonésie avait voté la résolution 1747 du Conseil de sécurité appelant à un durcissement contre le programme nucléaire de l’Iran. Susilo Bambang Yudhoyono s’était alors fait critiquer par les islamistes mais aussi par le Golkar et le PDI-P pour ce vote.