Eglises d'Asie

Selon le vice-président de la Conférence épiscopale, les résultats des élections du 14 mai dernier indiquent un désir de réforme et une « désaffection » à l’endroit de la président Arroyo

Publié le 18/03/2010




Dans une interview à l’agence Ucanews (1), le 5 juin dernier, le vice-président de la Conférence des évêques catholiques des Philippines a déclaré que les Philippins avaient, par leur vote, indiqué à la présidente du pays, Gloria Macapagal-Arroyo, que son administration avait à regagner la confiance du peuple. Les électeurs ont montré « leur désaffection » à l’endroit de la présidente, a expliqué Mgr Antonio Ledesma, archevêque de Cagayan de Oro, et ils souhaitent que de vraies réformes soient enfin engagées pour sortir le pays de l’ornière dans laquelle il se trouve. L’archevêque a ajouté que, pour l’Eglise catholique, parmi les priorités, figuraient l’application de la réforme agraire et l’arrêt des exécutions extrajudiciaires, ainsi que la réforme des opérations électorales et celle des forces armées.

Mgr Antonio Ledesma s’exprimait la veille de la publication officielle des résultats des sénatoria-les (2). Le lendemain, la COMELEC (Commission électorale) proclamait le nom de dix des douze nouveaux élus au Sénat : six pour le Genuine Opposition (GO) parti, deux pour Team Unity (TU), le parti présidentiel, et deux indépendants. Avec un tel résultat, la chambre haute, dont les membres sont très influents en raison de leur petit nombre et de leurs pouvoirs, passe assez nettement dans l’opposition. Le dépouillement du scrutin pour la Chambre des représentants n’était pas achevé, mais la tendance qui se dégageait était que le parti de la présidente, le Lakas-CMD, et son allié, le Kampi, obtenait la majorité des 235 sièges.

Selon le vice-président de la Conférence épiscopale, « le message » qu’ont fait passer les électeurs à la présidente est qu’ils ne soutiennent plus la politique de son administration. Les Philippins ne donnent plus crédit à la présidente lorsqu’elle répète sans cesse que « tout va bien ». Pour regagner la confiance du peuple, ajoute l’évêque, la présidente doit « demander la démission » de la COMELEC. En effet, affaiblie par les accusations portées contre elle au sujet de l’achat d’un million de votes lors des présidentielles de 2004, la présidente doit se défaire d’une commission électorale entachée par des soupçons de corruption et de fraude. Ces élections du 14 mai ont été un « nouveau pas en arrière », a affirmé Mgr Ledesma, le gouvernement ayant failli à sa promesse de mettre en place l’informatisation du dépouillement des bulletins de vote. « Les opérations de décompte sont primitives et lentes, ouvrant ainsi la porte à toutes les fraudes possibles », a expliqué l’évêque, dont le diocèse est situé à Mindanao, une région pointée du doigt pour les fraudes qui y ont été commises (report du scrutin dans treize villes de la province de Lanao del Sur, achat massif de voix, collusion entre des membres locaux de la COMELEC et des candidats). La COMELEC a annoncé que, dans la province de Maguindanao, située juste au sud de Cagayan de Oro, les électeurs revoteraient le 20 juin et que les résultats devraient être rendus définitifs le 30 juin.

Pour les deux sénateurs dont les noms ne sont pas encore connus – du fait, notamment, des fraudes constatées à Mindanao –, un des candidats qui paraît le mieux placé pour l’emporter est le lieutenant de marine Antonio Trillanes IV. Cet ancien officier est aujourd’hui en prison pour avoir été l’un des leaders de la rébellion d’Oakwood, qui a eu pour objet de dénoncer la « corruption massive organisée par Gloria Arroyo » dans les rangs de l’armée. Le 27 juillet 2003, il avait pris la tête de plusieurs centaines de soldats pour un coup d’Etat manqué lancé à partir du quartier commercial de Makati, dans la banlieue sud de Manille. Très populaire dans les rangs de l’armée, il a fait campagne de derrière les barreaux et n’en a pas moins recueilli huit millions de voix. Selon Mgr Ledesma, une telle popularité et un tel résultat « résument l’urgence qu’il y a à mener une réforme au sein des forces armées ».

Au sujet des violences extrajudiciaires et des 800 assassinats recensés depuis que la présidente Arroyo est au pouvoir, Mgr Ledesma a lancé un appel à l’administration. Les évêques sont très soucieux de cette situation, ils estiment qu’il est de « la responsabilité » des autorités de trouver les commanditaires et les auteurs de ces crimes et d’« assurer le respect des lois dans le pays ». Les évêques, a-t-il ajouté, sont particulièrement inquiets des violences dont les paysans sont victimes, notamment là où les paysans veulent travailler les terres qui leur ont été allouées dans le cadre de la réforme agraire (3). Deux jours avant la proclamation des résultats pour les sénatoriales, les médias rapportaient que deux paysans avaient été tués et six autres blessés lors d’une confrontation avec les hommes de main de la plantation de canne à sucre de l’hacienda Velez-Malaga, dans la province de Negros Occidental, au centre du pays.