Eglises d'Asie

Décès du P. Dominique Marie Trân Dinh Thu, fondateur d’une congrégation et témoin héroïque de son temps

Publié le 18/03/2010




Le 21 juin 2007, le P. Dominique Marie Trân Dinh Thu a quitté cette vie, à l’âge de 101 ans, alors qu’il était soigné à l’hôpital Nguyên Tri Phuong de Hô Chi Minh-Ville. Fondateur et longtemps supérieur général de la Congrégation de Marie co-rédemptrice, il s’était trouvé, avec quelques autres, aux premiers rangs des affrontements dans lesquelles l’Eglise catholique au Vietnam a été engagée en certaines périodes récentes de son histoire, les années 50 et les années 80 du siècle dernier.

Sixième d’une famille de dix enfants, il était né en 1906 à Dông Quan, dans la province de Thai Binh. Trente-et-un ans plus tard, il était ordonné prêtre pour le diocèse de Bui Chu. Pendant quelque temps, il songera à entrer chez les cisterciens. Mais, finalement, le 4 avril 1941, il fondera un groupe missionnaire qui, peu à peu, deviendra une congrégation. Dans son esprit, elle devrait être un instrument adapté à la sanctification des Vietnamiens. Elle s’appellera à partir de 1948 « la communauté de Marie co-rédemptrice ». La vie et le destin du P. Thu seront désormais entièrement liés à elle pour le meilleur et pour le pire jusqu’à la fin de son existence. Les épreuves commencèrent très vite, dès 1954, époque à laquelle la petite communauté de frères dut quitter le Nord-Vietnam, se mêler à l’exode vers le Sud et, finalement, s’installer près de Saigon, à Thu Duc. Là, pendant une vingtaine d’années, la congrégation se développa aussi bien en nombre de religieux qu’en nombre de fondations. Avec l’arrivée du pouvoir communiste au sud en avril 1975, la communauté fut de nouveau placée devant un choix déchirant. Une partie des prêtres et des frères quittèrent le Vietnam pour les Etats-Unis, où ils s’installèrent à Carthage, dans le Missouri. Le P. Thu resta au Vietnam avec l’autre partie de la communauté. Dès le mois de juin, avec de nombreux confrères, il fera un premier séjour en prison, d’une durée de deux ans, à Di Linh. Revenus dans leur maison de Thu Duc, les membres de la communauté de Marie co-rédemptrice reprendront leurs activités parmi lesquelles l’animation de cessions de formation de laïcs.

Le P. Tran Dinh Thu fût de nouveau arrêté, le 20 mai 1987, quelques jours après que les forces de police eurent fait intrusion dans le monastère de Thu Duc, où s’était regroupée la congrégation. Ayant appris que la police avait pénétré dans le couvent et s’était emparé des biens des religieux, en particulier d’une réserve de 20 tonnes de riz, la population catholique des paroisses environnantes accourut pour défendre les religieux et s’opposa aux forces de l’ordre avec des armes de fortune. Trois agents de la Sûreté furent sérieusement blessés au cours de cet affrontement qui dura plusieurs jours. Après l’affaire, vingt religieux furent arrêtés ainsi que des dizaines de laïcs ayant participé à la défense du monastère (1).

 

Le procès du P. Thu, de quatorze membres de la congrégation et de huit laïcs eut lieu quatre mois après leur arrestation, au mois d’octobre 1987. Un premier jugement condamnait le supérieur et le frère Nguyên Châu Dat à la prison à perpétuité. Les 21 autres accusés étaient condamnés à des peines allant de quatre à vingt ans de prison (2). Devant l’indignation de l’opinion internationale, la peine de réclusion à perpétuité affectant le supérieur et le frère Nguyên Chau Dat était ensuite commuée en une peine de vingt ans.

 

Au témoignage de tous, le P. Thu a fait preuve, durant sa détention, d’une très grande dignité. Ces dernières années, de nombreuses interventions ont eu lieu en sa faveur, provenant d’organisations internationales ou de personnalités en visite au Vietnam. A plusieurs reprises, le religieux a refusé les propositions de libération qui lui étaient faites plutôt que d’accepter les conditions qui les accompagnaient. Il lui était demandé en particulier de se reconnaître coupable publiquement.

 

Le supérieur général de la congrégation vietnamienne de Marie co-rédemptrice a finalement été libéré, sans condition, le 18 mai à quatre heures de l’après midi, après six années de détention. L’ordre de levée d’écrou était signé du Premier ministre Vo Van Kiêt. Après la libération de leur supérieur, le frère Nguyên Châu Dat et onze autres religieux de la congrégation restaient encore en détention. Ils furent libérés bien plus tard.

 

Au mois de juin de l’année dernière, à quelques mois de son centenaire, le P. Thu avait transmis ses fonctions de supérieur général au P. Doàn Phu Xuân (3).