Eglises d'Asie

Une ONG demande à la Conférence épiscopale des Philippines d’appeler à la création d’un Tribunal pénal international pour juger les meurtres extrajudiciaires

Publié le 18/03/2010




Dans une lettre du 6 juin dernier, adressée à la Conférence des évêques catholiques des Philippines (CBCP), l’association Concerned Citizens a appelé les évêques à demander la création d’un Tribunal pénal international pour juger les crimes extrajudiciaires commis dans le pays. Le tribunal « permettra de condamner les responsables et de mettre un terme à l’assassinat de militants politiques aux Philippines », écrivait dans cette lettre l’avocate Josefina Lichauco, déléguée de l’ONG et ancienne sous-secrétaire des Transports et à la Communication.

Forte de plus de mille membres, Concerned Citizens, créée par Josefina Lichauco en 2005, rassemble des personnes de milieux variés qui souhaitent se mobiliser contre la recrudescence des meurtres extrajudiciaires. Selon l’association, le pays « fonctionne de fait sous la loi martiale » puisque les citoyens ne peuvent faire confiance à la justice philippine et qu’ils n’ont d’autres moyens que de recourir à la justice internationale pour obtenir gain de cause. Déclarant que « la condamnation des exécutions extrajudiciaires n’est pas suffisante », la lettre souligne le fait que, malgré la visite aux Philippines de Philip Alston, rapporteur spécial du Haut Commissariat de l’ONU pour les droits de l’homme, en février dernier (1), les assassinats et les disparitions continuent.

Dans son rapport, l’avocat australien déclarait que la réponse du gouvernement aux exécutions – la plupart de ces meurtres concernent des militants d’extrême-gauche ou des journalistes – « était forte sur le papier », mais que « dans la pratique, il y avait peu d’actions entreprises », « les militaires, la police et quelques ministères » étant peu empressés « à affronter la réalité et la gravité du problème ». Concerned Citizens rappelle dans sa lettre du 6 juin, que le rapporteur de l’ONU partageait les mêmes conclusions que la Commission Melo (2) au sujet de la large implication de l’armée dans ces assassinats. Cette dernière recommandait également la création d’une « cour spéciale » pour juger les responsables présumés de ces meurtres.

Selon l’association de défense des droits de l’homme Karapatan, au moins 863 personnes ont été victimes d’exécutions extrajudiciaires depuis la nomination de Gloria Macapagal Arroyo à la présidence de la République en janvier 2001, et 199 personnes ont été kidnappées et sont toujours portées disparues.

Dans un communiqué du 18 juin dernier, publié par la CBCP, Mgr Angel Lagdameo, archevêque de Jaro et président de la Conférence épiscopale des Philippines, a déclaré que les évêques étaient « attristés » par le nombre de disparitions mystérieuses et qu’ils en « avaient honte ». Il a demandé au gouvernement de mener des enquêtes pour tous les cas de disparition, y compris ceux concernant des militants et des membres suspectés d’appartenir à des groupes d’extrême-gauche, prétendument kidnappés par des personnes censées protéger les citoyens. Les autorités du pays « devraient être capables de traduire en justice les commanditaires de ces meurtres » avec le même « zèle et dévouement », déployé pour retrouver le prêtre italien kidnappé le 10 juin dernier (3), a-t-il précisé.

Selon des observateurs locaux, la question se pose de savoir si le gouvernement souhaite réellement se donner les moyens de traduire en justice les auteurs de ces assassinats, au risque de perdre le soutien d’une partie de la hiérarchie militaire, ou s’il préfère l’inaction, préservant ainsi ses jeux d’alliance politique et militaire, au détriment des principes démocratiques et du respect des droits de l’homme.