Eglises d'Asie

Andhra Pradesh : les Eglises chrétiennes disent leur opposition à une ordonnance de l’Etat interdisant aux non-hindous la fréquentation du temple de Venkateshwara, à Tirumala

Publié le 18/03/2010




Le 8 juin dernier, le ministre-président de l’Andhra Pradesh a annoncé qu’il avait pris une ordonnance pour interdire l’accès aux non-hindous du très fameux complexe de temples de Tirumala. Au nom du « respect des sentiments (religieux) des gens et de la défense de l’ordre public contre tout risque de désordres intercommunautaires », Yeduguri Sandinti Rajasekhara Reddy a déclaré que toute action de propagation d’une religion autre que celle pratiquée habituellement dans un lieu de culte était interdite. La mesure s’applique spécifiquement au temple de Venkateshwara, haut lieu de la religion hindoue, connu dans toute l’Inde où affluent les pèlerins (1), et est applicable aux sept collines de Tirumala (‘colline sacrée’), à dix temples hindous de la ville de Tirupati ainsi qu’à dix autres temples disséminés dans l’Etat. Selon le ministre-président, l’ordonnance, intitulée : « Andhra Pradesh Propagation of Other Religions in the Places of Worship or Prayer (Prohibition) Ordinance 2007 », a été prise parce que des accusations répétées font état des agissements de groupes chrétiens évangéliques visant à convertir des pèlerins au christianisme aux abords des temples de Tirumala.

La réaction du Conseil des Eglises (chrétiennes) de l’Andhra Pradesh a été immédiate. L’organisation œcuménique a rappelé qu’elle s’était déjà opposée à une mesure similaire prise par le gouvernement dirigé par Y. S. Rajasekhara Reddy. Elle a accusé ce dernier de se montrer prisonnier des intérêts des groupes issus de l’extrême droite hindoue qui n’hésitent pas à faire pression sur lui au motif qu’il est de religion chrétienne. Le ministre-président veut donner des gages à l’extrême droite car il a été soupçonné par certains de se montrer favorables aux minorités, a expliqué le P. Anthoniraj Thumma, prêtre de l’Eglise catholique et secrétaire exécutif du Conseil des Eglises de l’Andhra Pradesh. Or, a-t-il poursuivi, c’est le contraire qui se produit (2).

Toutefois, pour obtenir la révocation de cette ordonnance, l’organisation chrétienne a choisi de se placer sur le terrain juridique, plutôt que sur le terrain politique. En effet, une ordonnance tombe d’elle-même si elle n’est pas présentée dans un certain délai au vote de l’Assemblée législative de l’Etat. Membre du Parti du Congrès, le ministre-président a précisé qu’il comptait présenter son ordonnance lors de la prochaine session parlementaire. Le secrétaire du Conseil des Eglises de l’Andhra Pradesh, Jetti A. Oliver, a indiqué que l’ordonnance était contraire au droit, reconnu par la Constitution de l’Union indienne, de tout citoyen de propager sa religion. « S’il s’agit d’un problème d’ordre public, le pays dispose déjà d’un arsenal législatif pour y faire face et il n’y a pas besoin d’une nouvelle loi. Notre Conseil refuse la perspective d’un Etat compartimenté en une zone musulmane, une zone chrétienne, une zone hindoue et ainsi de suite », a-t-il déclaré.

Pour sa part, l’archevêque catholique de Hyderabad, Mgr Marampudi Joji, a déclaré qu’« aucun pouvoir politique ne nous empêchera de diffuser la Bonne Nouvelle », précisant que les Eglises chrétiennes avaient adopté « une position commune » et qu’il fallait, pour l’heure, se montrer patient et se garder de réagir de manière épidermique. Des contacts ont été pris avec le ministre pour le Bien-Être des minorités de l’Andhra Pradesh, Mohammed Shabir Ali, et celui-ci a répondu qu’il essaierait de convaincre le ministre-président de ramener le domaine d’application de l’ordonnance à seulement deux collines des temples de Tirumala.

En attendant un éventuel vote de l’Assemblée législative pour transformer l’ordonnance en loi, le président du Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), proche de l’extrême droite hindoue, pour l’Andhra Pradesh, Bandaru Dattattreya, a demandé que tous les non-hindous qui travaillent dans l’enceinte des temples se retirent des lieux et laissent la place à des hindous.