Eglises d'Asie

Gujarat : les milieux chrétiens se réjouissent d’une décision de la Haute Cour de l’Etat interdisant le dépôt de plainte au nom d’une loi anti-conversion votée mais jamais promulguée

Publié le 18/03/2010




Au Gujarat, les milieux chrétiens ne cachent pas leur satisfaction après l’annonce d’un jugement dont les conséquences font que le dépôt de plainte au titre d’une loi anti-conversion ne sera désormais plus possible. La décision de justice a été rendue le 25 juin dernier par la Haute Cour de l’Etat, à Ahmedabad, qui se prononçait sur une affaire présentée par une coalition chrétienne formée du Conseil pan-chrétien de l’Inde (All India Christian Council) et d’une institution de formation biblique, l’Alpha Bible College. Mgr Vinod Kumar Malaviya, évêque de l’Eglise (protestante) du Nord de l’Inde, a déclaré que c’était là « une bonne nouvelle ». Lui et un pasteur de l’Alpha Bible College, le Rév. Verghese G. Kurien, se sont dits « très soulagés » pour tous ceux qui sont engagés dans la propagation du « message de la religion ».

A l’origine de l’affaire se trouve une plainte déposée contre deux responsables de l’institution de formation biblique, accusés par un certain Vijay Kumar Vankar d’avoir « converti de force » un jeune garçon de 15 ans, Raisinh Vasava, à la religion chrétienne. Ce dernier était inscrit à un cours d’une année pour étudier la Bible à l’Alpha Bible College, lequel est installé à Anand, une des grandes villes de l’Etat.

Les juges de la Haute Cour ne se sont pas prononcés sur le fond. Ils ont souligné que la loi au titre duquel la plainte avait été initialement déposée avait été votée mais non promulguée et que, par conséquent, nul ne pouvait s’en prévaloir pour porter plainte auprès de la police et aller ensuite en justice. De plus, les juges ont ordonné au chef de la police du Gujarat de faire passer dans ses services l’ordre selon lequel aucune plainte ne pouvait plus être déposée au titre de la Loi sur la liberté des religions (Gujarat Freedom for Religions Act).

Dans le processus législatif en vigueur, un texte voté par une Assemblée législative ne prend force de loi qu’après signature par le gouverneur de l’Etat, représentant du président de l’Union indienne, et après publication au Journal officiel. Dans le cas de la Loi sur la liberté des religions, votée par l’Assemblée législative du Gujarat en 2003 pour empêcher « les conversions forcées », le texte a été présenté au gouverneur Nawal Kishore Sharma, lequel, à son tour, l’a envoyé pour avis au président de l’Union, A. P. J. Abdul Kalam. Selon de hauts responsables de l’administration du Gujarat, ce dernier l’a transmis, pour consultation, au ministère fédéral de la Justice, d’où il n’est pas, à ce jour, ressorti (1).

Pour les responsables chrétiens, cette décision de justice est une victoire car, selon eux, la loi de 2003 était utilisée par les milieux hindouistes pour harceler et terroriser les missionnaires chrétiens. Mgr Malaviya a déclaré que les chrétiens engagés dans un travail de promotion humaine, tout particulièrement dans « les régions les plus reculées et où les aborigènes (tribals) sont nombreux », pourront désormais travailler sans la menace permanente de se voir interrogés par la police ou poursuivis en justice. La loi de 2003, a-t-il ajouté, avait créé un climat qui donnait l’impression que toute activité missionnaire était illégale.

Pour le P. Lancy Lobo, prêtre catholique, cette décision est effectivement bienvenue car elle est con-forme au « droit reconnu par la Constitution » de propager sa religion. Un autre prêtre catholique, le P. Jolly Nadukudiyil, estime que la décision empêchera certains groupes politiques d’instrumentaliser cette loi pour dresser la population contre les missionnaires chrétiens (2). Le Rév. Kurien, quant à lui, a réaffirmé que son institut n’avait rien à voir « avec un business de la conversion ». « Nous ne faisons qu’enseigner et propager le message de la Bible », explique-t-il, rappelant que l’institut est ouvert depuis juillet 2006 et propose des cours d’une année en hindi.