Eglises d'Asie

Les cisterciens de Phuoc Son : histoire d’une résurrection

Publié le 18/03/2010




Au moment du changement de régime en 1975, le monastère des cisterciens de Phuoc Son se trouvait à Thu Duc, sur le territoire de l’actuel diocèse de Hô Chi Minh-Ville. En 1978, les bâtiments furent confisqués par le gouvernement, deux religieux furent emprisonnés et les autres, au nombre d’une centaine, furent dispersés. Ils se divisèrent alors en petits groupes et s’établirent en diverses régions du Vietnam. Des religieux allèrent travailler dans des fermes d’Etat ; certains d’entre eux furent même mobilisés et servirent sous les drapeaux.

En 1987, avec la mise en œuvre de la politique de dôi moi, la situation des communautés changea quelque peu. Elles se firent peu à peu reconnaître légalement et s’efforcèrent de s’organiser en abbayes et de recruter de nouveaux membres. Ainsi, comme l’a confié le P. Jean Marie Vianney de l’abbaye de Thông Nhât, la dramatique dispersion du monastère d’origine, en 1978, allait se révéler une chance puisqu’elle allait permettre d’implanter la vie contemplative dans le pays tout entier et d’assurer le développement de la congrégation. En effet, l’ancien monastère de Thu Duc (Hô Chi Minh-Ville) n’existe plus, mais désormais trois nouvelles abbayes ont été édifiées, où de nombreux et, pour la plupart, jeunes religieux mènent la vie cistercienne.

La communauté la plus nombreuse vit à l’abbaye de Notre-Dame de Phuoc Son, dans la province de Ba Ria-Vung Tau. Elle comporte 133 membres, 16 prêtres et 117 frères profès, auxquels il faut ajouter 27 novices, 22 postulants et 30 aspirants. Les deux autres abbayes sont moins fournies. On compte 60 religieux à Thiên Phuoc, dans la ville de Vung Tau, et 30 dans l’abbaye de Phuoc Vinh, dans la province de Tra Vinh.

Selon le père abbé de Notre-Dame de Phuoc Son, qui a passé quatre ans en camp de rééducation et quatre autres en résidence surveillée, l’une des raisons du succès actuel des monastères de son ordre est la connaturalité de l’esprit cistercien avec la culture familiale du Vietnam. Les religieux vivent avec un certain bonheur les relations filiales avec le père abbé et fraternelles avec les membres de la communauté.

C’est en 1918 qu’eut lieu la première fondation cistercienne au Vietnam, dans une région reculée de la province du Quang Tri, au nord du fleuve Ben Hai, qui, pendant un temps, après les accords de Genève de 1954, servira de frontière entre le Nord- et le Sud-Vietnam. Ce premier monastère appelé « Phuoc Son » (‘la montagne du bonheur’) fut créé à l’initiative du P. Henri Denis, prêtre des Missions Etrangères de Paris, qui se fit religieux sous le nom de P. Benoît pour mener à bien cette fondation et assurer la formation des premiers membres de la congrégation, dont il fut aussi le premier abbé. En 1920, comme il ne suffisait plus à la tâche, l’évêque de Huê fit appel au P. Mendiboure, un missionnaire de 43 ans, pour le seconder. Lui aussi se fit religieux et, après le décès du P. Benoît, mort d’épuisement, il fut consacré abbé en même temps qu’il prononçait ses vœux perpétuels. Un autre prêtre des Missions Etrangères vint les rejoindre en 1941, le P. Gilbert Barnabé. Le P. Mendiboure est mort de privation et de maladie, sans doute en janvier 1954, alors qu’il était détenu par le Vietminh depuis le mois d’avril 1953.

 

La jeune communauté, qui s’est très rapidement développée, fut d’abord érigée sous le nom de congrégation Notre-Dame par l’évêque de Huê, Mgr Allys. Elle demanda ensuite son affiliation à l’ordre de Cîteaux, ce qui lui fut accordé par les cisterciens en 1933 et par le Saint-Siège en 1934. Dès 1936, un deuxième monastère fut fondé à Phat Diêm. Les deux communautés furent obligées de se replier au Sud-Vietnam en 1954, après l’installation du régime communiste dans le Nord, celle de Phuoc Son dans le district de Thu Duc, près de Saigon, et celle de Châu Son dans la région de Dalat. Le monastère de Phuoc Ly fut fondé en 1950, à l’époque dans le vicariat de Saigon.

 

Les trois monastères cisterciens ont connu de très sérieuses difficultés dans les années qui ont suivi le changement de régime au Sud, en particulier celui de Phuoc Son, avant de ressusciter et reprendre leur développement à la fin des années 1980.