Eglises d'Asie

Parti travailler en Arabie Saoudite, un Philippin, témoin de Jéhovah converti à l’islam, a été exécuté pour meurtre

Publié le 18/03/2010




Marié et père de six enfants, Reynaldo Cortez faisait partie de ces dizaines de milliers de travailleurs philippins qui ont trouvé du travail en Arabie Saoudite. Installé dans le royaume wahhabite depuis 1993, il y a été décapité, le 13 juin dernier, pour le meurtre d’un chauffeur de taxi pakistanais en mai 2002. Selon Melody Cortez, sa veuve restée aux Philippines pour y élever leurs enfants, Reynaldo Cortez, un chrétien appartenant aux Témoins de Jéhovah, s’était converti à l’islam en prison, dans l’espoir que son geste lui apporterait « une protection ». En vain. Elle déplore également le peu de soutien reçu de la part des autorités philippines.

Aux Philippines, Reynaldo Cortez était soudeur et rapportait à la maison une moyenne de 4 000 pesos par mois (63 euros). Après son départ pour l’Arabie Saoudite, en 1993, il envoyait 6 000 pesos tous les deux mois à sa famille, le reste de son salaire lui servant à vivre dans le royaume et à rembourser la dette contractée pour partir travailler hors des Philippines. En 1995, raconte sa veuve depuis sa maison du village de San Pablo, dans la province de Pampanga, au nord-ouest de Manille, il a commencé à améliorer son salaire en travaillant comme collecteur de paris clandestins, « même si cela était illégal ». Les transferts au pays sont alors montés à 7 000 pesos par mois. A l’issue de son premier contrat, il a pu renouveler deux fois son permis de travail en Arabie Saoudite, ne revenant à la maison que tous les deux ou trois ans pour un séjour d’un mois à chaque fois. Melody Cortez précise qu’il était décidé à mettre fin à cette vie et à rentrer définitivement aux Philippines à l’issue d’un contrat qui devait s’achever en juin 2002. Il prévoyait d’ouvrir un garage automobile, ajoute-t-elle.

En mai 2002, Reynaldo Cortez a tué un chauffeur de taxi pakistanais. Arrêté, il a toujours affirmé qu’il ne faisait que se défendre car le chauffeur tentait de le violer. Puis, en prison, il s’est converti à l’islam. Dans un pays où « la base du système juridique et du gouvernement » est l’islam et où la pratique d’aucune autre religion n’est autorisée, il pensait que cette conversion aiderait son cas. Melody Cortez raconte que, de sa prison, il a essayé de convertir sa famille. Lors de la dernière visite de sa mère en prison, il lui a remis un exemplaire du Coran et des écrits invitant sa femme et ses enfants à se convertir. Elle précise qu’elle a refusé parce qu’elle ne voyait pas que la conversion de son époux avait contribué à améliorer son cas devant les juges.

Melody Cortez dit encore qu’elle n’a reçu qu’une aide minimale des autorités philippines. Entre le meurtre, en mai 2002, et le début de l’année 2003, elle n’a reçu aucune nouvelle de son mari et l’avocat assigné à l’affaire par le Département des Affaires étrangères philippin ne lui a rien communiqué. Depuis l’arrestation de son époux, Melody Cortez assume seule la charge d’élever ses enfants, dont le dernier ne connaît son père que par des photos. En 2005, ajoute-t-elle, un service social l’a « dépannée » en lui donnant une somme de 10 000 pesos et l’équivalent de deux mois de consommation de riz. La même année, un fonctionnaire du Département lui a demandé de ne pas informer les médias de la situation de son mari afin de ne pas gêner les négociations avec l’Arabie Saoudite pour obtenir sa grâce. L’annonce de l’exécution de son mari ne lui a été communiquée que par Migrante International, une coalition d’ONG travaillant au service des Philippins émigrés. Auprès du responsable du Département qu’elle a contacté pour avoir confirmation de la nouvelle, Melody Cortez n’a obtenu que des « condoléances ».

A Manille, le 13 juin, le P. Edwin Corros, secrétaire exécutif de la Commission épiscopale pour la pastorale des migrants, a célébré une messe pour Reynaldo Cortez et sa famille dans la chapelle de la Conférence des évêques catholiques des Philippines. Il a déploré le fait que les Philippins qui partent travailler à l’étranger « ne sont pas conscients des dangers auxquels ils s’exposent en partant pour des pays aussi différents que ceux du Moyen Orient ». Aux partants, la Commission propose des formations, où il est rappelé que les travailleurs migrants « sont tenus d’obéir aux lois » des pays où ils partent travailler. Des bénévoles y expliquent que, « là-bas, les choses sont menées différemment » qu’aux Philippines, où les travailleurs sont habitués à être traités selon « des procédures démocratiques ».

Selon Migrante International, au moins trente-trois Philippins émigrés ont été condamnés à mort à l’étranger, dont quatorze dans les pays du Moyen Orient.