Eglises d'Asie

Pour les responsables des minorités religieuses, un projet de loi sur les religions représente une limitation de la liberté religieuse

Publié le 18/03/2010




Les représentants des religions minoritaires du Tadjikistan ont écrit une lettre ouverte au président Emomali Rakhmon et au Parlement à propos d’un projet de loi sur les religions. Une vingtaine de représentants d’Eglises protestantes, un de l’Eglise catholique et un autre de la communauté bahaïe se sont rencontrés à Douchanbe, la capitale, le 28 juin dernier, pour rédiger cette lettre. L’Eglise russe orthodoxe, qui représente 3 % des 6,5 millions d’habitants de cet Etat d’Asie centrale, n’avait pas envoyé de délégué. Les catholiques, dont le nombre n’excède pas les 250, forment la plus petite de ces minorités religieuses (1).

La lettre, qui sera envoyée sous peu au président et au Parlement, évoque la « profonde inquiétude » de ses signataires face à un texte qui « contient de nombreuses mesures contraires aux droits fondamentaux de l’homme ». Les responsables religieux contestent notamment la clause relative à l’enregistrement des organisations religieuses. Une communauté non musulmane doit compter au moins 400 membres dans une région rurale, 800 en ville et 1 200 à Douchanbe, pour prétendre être enregistrée et donc à avoir une existence légale. La loi en vigueur jusqu’ici n’en demandait que 10 pour être enregistrée comme organisation religieuse non musulmane.

Le P. Carlos Avila, responsable de l’Eglise catholique au Tadjikistan, s’inquiète : « Notre Eglise est trop petite et je ne sais pas comment nous pourrons nous faire enregistrer si le projet est adopté. » Pour Igor Samiev, président de l’Association des baptistes du Tadjikistan, les seuils retenus sont inacceptables : « De telles exigences sont une barrière à notre existence légale. » Le projet de loi précise que les musulmans aient un minimum de 2 000 membres pour construire une mosquée, un seuil élevé mais qui ne pose pas de difficulté dans un pays où les musulmans forment 96 % de la population.

S’agissant de l’enseignement des religions, l’article 10 du projet demande que ceux qui enseignent la religion coordonnent leurs activités avec le comité d’Etat pour les Affaires religieuses. « C’est très difficile, voire impossible, parce que les membres de ce comité n’ont pas la qualification nécessaire pour juger de la qualité des enseignants catholiques », affirme Kwiatkowskaya, catéchiste. Cet article décrète également que les enfants commencent leur formation spirituelle à l’âge de 7 ans et seulement si les parents l’autorisent. Les catholiques répondent que les enfants de moins de 7 ans participent déjà aux activités de l’école du dimanche.

Autre point d’inquiétude, l’article 11 stipule qu’un étranger ne peut diriger ou fonder des communautés ou organisations religieuses. Pour l’Eglise catholique, dont tous les prêtres sont argentins et appartiennent à l’Institut missionnaire du Verbe incarné, la menace est réelle. « Ce n’est peut-être pas dramatique pour les dénominations protestantes parce que leurs responsables sont russes ou tadjiks, mais c’est absolument inacceptable pour l’Eglise catholique parce qu’aucun de nos prêtres n’est de ce pays et que, si le texte est voté, nous ne pourrons pas être responsables d’une paroisse », explique le P. Avila. La loi actuelle sur la religion, ont rappelé les représentants des Eglises chrétiennes, existe depuis 1994 et avait été inspirée d’une ancienne loi, rédigée du temps où le Tadjikistan faisait partie de l’Union soviétique. Cette loi était « presque acceptable », estime Saidsharaf Saidsharapov, de l’Eglise évangélique, parce qu’elle permettait aux missionnaires de travailler sans trop de tracas.

Enfin, l’article 7 du projet de loi interdit toute activité religieuse en vue de convertir quelqu’un à une autre religion que la sienne. C’est une disposition qui est contraire à l’article 26 de la Constitution, qui affirme que quiconque peut décider par lui-même de son appartenance religieuse, fait valoir un avocat protestant.

La première tentative en vue de changer la loi actuelle remonte au mois de mai 2006. Le directeur du Comité pour les Affaires religieuses, Murodullo Davlatov, avait déclaré que la loi n’était pas conforme à la réalité du Tadjikistan moderne.