Eglises d'Asie

Selon le ministre des Affaires religieuses, l’islam, par nature, privilégie fondamentalement la monogamie

Publié le 18/03/2010




« Par nature, l’islam privilégie fondamentalement la monogamie et, dans certains cas limités et rares, la polygamie est tolérée. » Tels sont les propos tenus par Muhammad Maftuh Basyuni, ministre des Affaires religieuses, le 27 juin dernier, après une audience à la Cour constitutionnelle, suite à une plainte déposée, en mai dernier, par un musulman, après que son épouse lui a refusé le droit de prendre une deuxième femme, en vertu de la loi de 1974 sur le mariage.

Le musulman en question, M. Insa, affirme que les articles 3, 4, 9, 15 et 24 de la loi de 1974 sur le mariage, qui fixent notamment les conditions requises pour qu’un musulman puisse pratiquer la polygamie, sont discriminatoires puisqu’ils l’empêchent de devenir polygame alors que cette coutume fait partie des principes inscrits dans sa religion. L’article 4 définit les cas pour lesquels la polygamie est acceptée, à savoir lorsque la première femme n’est pas en mesure de satisfaire à ses devoirs conjugaux, si elle est physiquement affaiblie, souffre d’une maladie incurable ou n’arrive pas à avoir d’enfant. Selon l’article 5, afin d’obtenir d’un tribunal religieux l’autorisation de prendre une épouse supplémentaire, le mari doit recueillir le consentement de sa ou de ses femmes et s’engager à subvenir à leurs besoins ainsi qu’à ceux de leurs enfants.

D’après Muhammad Maftuh Basyuni, le gouvernement considère que la nature de l’islam implique la monogamie du fait des versets 3 et 129 de la lettre An-Nissa du Coran : « (Si) vous craignez de ne pouvoir être juste (avec elles), alors seulement une… », et « (Vous) ne pourrez être juste et équitable avec vos femmes, même si c’est votre souhait le plus cher… » (1). Par conséquent, la polygamie est légalement interdite si le mari n’est pas en mesure d’être juste avec ses femmes ou s’il leur porte tort physiquement ou psychologiquement, a précisé le ministre des Affaires religieuses, dont les propos s’inscrivent dans un contexte politique où le gouvernement étudie la possibilité d’étendre l’interdiction de la polygamie – interdiction qui s’applique aujourd’hui aux seuls fonctionnaires – à l’ensemble de la fonction publique, y compris aux forces armées (2).

Le ministre a ajouté que la Turquie, la Tunisie, l’Egypte ou la Jordanie ont des lois plus strictes que l’Indonésie en matière de polygamie, cette pratique pouvant être passible de sanctions pénales dans certains pays. « Nos lois sont plus indulgentes que celles de ces pays », a précisé, durant l’audience, Nasaruddin Umar, directeur du Bureau des Affaires musulmanes au ministère des Affaires religieuses, ajoutant que la polygamie ne saurait être considérée comme un droit fondamental de l’être humain. « La polygamie n’est pas obligatoire (…), bien qu’elle puisse être recommandée si elle est pratiquée comme (au temps du) Prophète, pour venir en aide aux femmes qui ont perdu leur mari à la guerre. »

Pour Nursyahbani Katjasungkana, conseillère juridique auprès de la Chambre des représentants, l’article 4 de la loi sur le mariage de 1974 est dépassé car « il juge les femmes principalement en fonction de leurs capacités reproductives et de leur utilité sexuelle. Un changement de mentalité est nécessaire, le mariage ne se réduisant à la seule procréation ». Elle a ajouté qu’« un amendement à cette loi devait être une priorité ».

D’après le ministre des Affaires religieuses, la loi de 1974 ne sera toutefois pas révisée, mais le gouvernement délibèrera prochainement sur un projet de loi relatif aux tribunaux religieux, actuellement à l’étude à la Chambre des représentants. Ce texte « éclairera la loi de 1974 », notamment en matière de polygamie, en aidant les tribunaux religieux à juger les litiges relatifs au mariage et en donnant un cadre juridique aux mariages qui ont été célébrés par des autorités religieuses sans être enregistrés à l’état-civil, et qui sont donc considérés comme illégaux par la loi indonésienne.

« Une fois la loi votée, les gens ne pourront plus se marier aussi facilement. Ils encourront des amendes et des peines de prison (…). Il est important de comprendre que la loi de 1974 ne ferme pas la porte à la polygamie, mais qu’elle ne lui laisse pas non plus la porte grande ouverte », a conclu le directeur du Bureau des Affaires musulmanes au ministère des Affaires religieuses.