Eglises d'Asie

Le soutien accordé par le bouddhisme unifié aux manifestations de paysans spoliés irrite les autorités qui y voient une tentative de récupération

Publié le 18/03/2010




L’arrestation d’un religieux bouddhiste à Hanoi vient de donner une nouvelle dimension politique aux manifestations de paysans spoliés de leurs biens ou injustement indemnisés, communément appelés « dân oan » (‘victimes d’injustices’), et suscite des manifestations à Saigon comme à Hanoi depuis déjà plus de deux mois. A la suite de cette arrestation, la presse officielle vietnamienne a entamé une campagne d’une rare violence contre les principaux responsables du bouddhisme unifié qui apportent depuis quelque temps leur soutien public au mouvement des paysans.
Le 23 août dernier, le vénérable Thich Lhông Tanh, venu à Hanoi à la tête d’une délégation chargée d’une mission d’assistance auprès de manifestants, a été arrêté par la police alors qu’il était en train de distribuer une aide financière de 300 millions de dongs (13 800 euros) aux manifestants, devant le Bureau des plaintes où les paysans spoliés viennent présenter leurs requêtes et manifester. La police a cerné les lieux et est intervenue avec une certaine violence. Le religieux a été conduit au poste de police puis transporté en voiture vers un local policier que le religieux n’a pas pu situer précisément. Il y a été confronté à des cadres policiers puis au secrétaire d’Etat à la Sûreté, le général Nguyên Van Huong, qui a dénoncé devant lui l’action politique du bouddhisme unifié et la duplicité des participants des manifestations. Il a même proposé au religieux de remettre son argent au Front patriotique. La confrontation prenait fin dans la soirée et, le lendemain matin, le religieux était de retour dans sa pagode du deuxième arrondissement de Saigon.

 

Depuis déjà plus d’un mois et demi, le bouddhisme unifié avait manifesté son soutien aux paysans de nombreuses provinces du Vietnam, venus présenter leurs requêtes et manifester devant le bureau de l’Assemblée nationale à Saigon. Le 13 juillet, une première délégation de religieux était venue sur les lieux de rassemblement des manifestants pour témoigner leur solidarité et leur apporter une aide financière. Le 17 juillet, le deuxième plus haut responsable, le recteur de l’Institut de la propagation du Dharma, le vénérable Thich Qiang Dô, prenait contact à nouveau avec les manifestants et leur adressait la parole pour exprimer son approbation à l’égard des revendications exprimées. Le 8 août, le même religieux envoyait une lettre ouverte, appelant tous les fidèles bouddhistes à aider et soutenir le mouvement des « dân oan » (1).

 

Il semble que ce soutien ait passablement irrité les autorités civiles. Dès le surlendemain de l’arrestation du vénérable Thich Không Tanh, le 25 août, l’organe officiel du Parti communiste, le Nhân Dân, donnait le signal d’une campagne de presse de grande envergure, qui met en cause principalement le vénérable Thich Quang Dô et en fait l’instigateur d’une tentative d’utilisation du mouvement de revendication des paysans à des fins politiques d’opposition à la République socialiste du Vietnam. Le quotidien du Parti accuse les religieux bouddhistes d’avoir voulu enrôler les manifestants dans un mouvement d’opposition à l’Etat, sous prétexte de les aider. Dans les quelques jours qui ont suivi, le ton de la campagne de dénonciation du bouddhisme unifié a monté et la plupart des grands titres de la presse officielle ont publié un article reprenant les mêmes arguments.

 

Voilà plus de vingt ans que paysans et gens du peuple, victimes de traitements injustes, vont présenter leur plainte au Bureau des requêtes et manifester dans le jardin Mai Xuân Thuong à Hanoi. Le 23 juin dernier, venant de la province de Tiên Giang, un groupe de 300 paysans décida de se rassembler devant le bureau de l’Assemblée nationale à Saigon, au 194 de la rue Hoang Van Thu. Ils arboraient des banderoles sur lesquelles étaient inscrites leurs diverses plaintes. Ils furent bientôt rejoints par d’autres paysans spoliés venant de diverses provinces du centre et du sud. Ces manifestations se répétèrent sporadiquement jusqu’au 28 juillet dernier, date à laquelle la police procédait à la dispersion des manifestants, tandis que le pouvoir central donnait l’ordre aux autorités provinciales de régler cas par cas les requêtes paysannes. Cependant, les autorités locales n’ayant apporté aucune solution aux divers problèmes, dès les premiers jours du mois d’août, les manifestants sont revenus dire leur mécontentement à Saigon comme à Hanoi.