Eglises d'Asie

INTERVIEW DE MGR JOSEPH NGUYÊN CHI LINH, ÉVÊQUE DU DIOCÈSE DE THANH HOA

Publié le 18/03/2010




Ucanews : Pourriez-vous nous informer du programme des célébrations de l’anniversaire du diocèse, les 8 et 9 août prochains ?

Mgr Nguyên Chi Linh : Pour marquer son 75e anniver-saire, le diocèse a réalisé une enquête générale sur la population chrétienne. En 2000, Mgr Barthélemy Nguyên Son Lâm avait déjà pris cette initiative une première fois. Mais depuis lors, les années se sont écoulées et il est nécessaire de mener une nouvelle enquête pour faire le point exact sur la situation démographique du diocèse. A l’occasion de cet anniversaire, le diocèse a également lancé des sessions d’études catéchétiques sur tout son territoire, destinées à la formation chrétienne des jeunes. Des concours sont organisés dans les paroisses et les doyennés, qui déboucheront sur un concours général qui aura lieu le 8 août 2007. J’inaugurerai une maison de la tradition à cette occasion. Il s’agit d’une construction en bois de style vietnamien traditionnel, qui tente de montrer que la graine de l’Evangile a profondément pénétré le cœur des Vietnamiens et, plus particulièrement, celui de la population de Thanh Hoa.

Dans le cadre de votre pastorale, quels sont les domai-nes précis que vous voulez développer en priorité et pourquoi ?

La première de nos priorités, c’est le personnel d’Eglise. Par suite d’une situation politique et sociale compliquée, la formation sacerdotale s’est autrefois heurtée à d’importants obstacles. Non seulement, les prêtres faisaient défaut mais le personnel spécialisé aussi, aussi bien au plan diocésain que paroissial. Nous pensons que la condition décisive qui permettra de faire avancer notre diocèse dans l’avenir, c’est la formation du personnel d’Eglise.

Vous êtes particulièrement attentif à l’égalité dans la collaboration et la vie commune du clergé, des religieux et des laïcs. Que faites-vous pour améliorer la situation actuelle ?

Ut Unum Sint (‘Qu’ils soient un’) est ma devise épiscopale. J’essaie de la mettre en pratique dans des actions concrètes. Dans toutes les activités diocésaines et paroissiales, en permanence, j’encourage tout le monde à travailler et à collaborer avec les diverses composantes du peuple de Dieu. Prêtres, religieuses, séminaristes, candidats au sacerdoce et les laïcs doivent travailler en collaboration lors des activités pastorales et apostoliques. Après un repas pris en commun, tout le monde dessert la table. Les jours de retraite, les prêtres, l’évêque font la vaisselle à tour de rôle. J’encourage aussi les repas pris ensemble, où chacun peut parler à n’importe qui, sans tenir compte de son grade ou de son appartenance à une quelconque composante de l’Eglise. L’esprit de communion et l’accord mutuel doivent être placés au-dessus de tout et être rappelés sans cesse et partout.

Quelles sont les difficultés rencontrées par le diocèse et d’où viennent-elles ?

Les difficultés sont très nombreuses, mais le manque de prêtres et la pénurie des ressources financières sont les plus pénibles. Auparavant, à l’époque de la guerre, les établisse-ments de formation des diocèses du Nord avaient cessé leur activité, ce qui a conduit à cette situation de pénurie de per-sonnel dont nous souffrons encore aujourd’hui. Bien que la situation soit en voie d’amélioration, de nombreuses activi-tés ne peuvent encore être menées, faute de personnel spé-cialisé. Nos difficultés financières vont de soi. La popula-tion de la province de Thanh Hoa est une des plus pauvres du Vietnam. Plus de 90 % des quatre millions d’habitants de la province de Thanh Hoa vivent de la terre, de la culture du riz principalement, et le revenu par tête n’excède pas les 100 000 dongs (5 euros) par mois, bien en-dessous du seuil de pauvreté, fixé par le gouvernement à 200 000 dongs mensuels. La population catholique étant pauvre, le diocèse l’est aussi. Jusqu’à présent, le diocèse ne mène aucune activité à but économique. Tout nous vient de la générosité de nos bienfaiteurs proches et lointains. Ils sont pour nous comme une bouée de sauvetage particulièrement nécessai-re mais celle-ci nous permet seulement de flotter au gré du courant.

Le diocèse a-t-il des points forts et comment les dévelop-per ?

Selon moi, le point fort du diocèse se situe dans les potentialités enfouies au sein de notre jeunesse, je veux parler des catéchistes de nos paroisses et surtout des séminaristes du diocèse. Je remarque qu’ils sont ardents et capables. Si je les considère comme le point fort du diocèse, c’est parce qu’ils sont présents dans toutes ses activités. Pour les mobiliser, je ne cesse de mettre en place les conditions qui leur permettent de mettre en valeur leurs aptitudes et de vivre ensemble dans le cadre des activités du diocèse, comme, par exemple, la formation des catéchistes, l’organisation de rencontres de jeunes, la formation de maîtres de chœur, les campagnes pour les vocations, l’aide aux curés de paroisse dans leurs tâches pastorales.

Quelle est la situation spirituelle et économique de la population ?

Pour comprendre vraiment à quel point la foi peut consti-tuer la vie même des milieux populaires, il me semble qu’il faut venir le constater ici, dans les régions du nord du Vietnam. Il me semble qu’il s’agit de la foi chrétienne dans sa plus grande authenticité, une foi qui ne dépend pas de connaissances théologiques ou scripturaires. Elle naît du cœur des hommes et des femmes qui font confiance à Dieu sans condition. Cette foi se manifeste avec le plus de naturel, lors des fêtes de l’adoration perpétuelle du Saint-Sacrement, des processions les offrandes de fleurs, autant de manifestations religieuses particulièrement répandues et appréciées dans la partie nord du Vietnam.

La situation économique de la population a déjà été mentionnée. Dans leur majorité, les catholiques de Thanh Hoa sont des paysans au niveau de vie très bas. Leurs res-sources sont insuffisantes pour répondre aux besoins quoti-diens. C’est pour cela que de nombreux jeunes cherchent à gagner le sud pour y trouver emplois et subsistance. Les établissements industriels sont plus nombreux dans les provinces du sud que dans celles du nord. Cette situation risque de perdurer si l’industrialisation de Thanh Hoa n’adopte pas une allure plus rapide que celle d’aujourd’hui.

Le diocèse a-t-il mis en œuvre des projets destinés à fortifier la foi, élever le niveau de l’éducation, améliorer la santé et la situation économique de la population ?

Jusqu’à présent, nous nous sommes contentés d’aider, dans une certaine mesure, le peuple de Dieu à vivre sa foi, à travers des activités pastorales paroissiales. Sur le plan éducatif, l’Eglise catholique a seulement l’autorisation d’ouvrir des écoles maternelles. L’enseignement, du primaire au supérieur, ne lui est pas autorisé. Nous accueillons volontiers les initiatives d’un certain nombre d’associations caritatives pour accorder des bourses d’études aux enfants pauvres. Dans le domaine de la santé, nous ne pouvons mentionner qu’un petit nombre de centres de distribution de médicaments. Nous espérons que cette année, il nous sera possible de créer des dispensaires catholiques pour des consultations médicales gratuites destinées aux pauvres. Sur le plan économique, à l’exception d’une « caisse d’épargne » à fonds limités et d’un certain nombre de projets de développement agricole, comme la mise en place d’un poste d’irrigation, l’ouverture de routes locales, nous sommes réduits à l’impuissance car nous n’avons pas trouvé de sources de financement pour des travaux d’assistance envers la population.

A Thanh Hoa, de nombreuses personne émigrent vers les villes pour y chercher un emploi, surtout vers Saigon. Le diocèse prévoit-il un accompagnement pastoral pour ces personnes-là ?

Voilà trois ans que nous organisons une rencontre pour nos compatriotes de Thanh Hoa qui travaillent dans le sud. La première année, 500 d’entre eux ont participé à cette rencontre. L’année suivante, ils étaient 1 200. Cette année, leur nombre s’est élevé à 1 500 et sera plus élevé dans les années à venir. Cette rencontre ne dure qu’une journée. Mais, grâce à elle, de nombreuses personnes se réjouissent de pouvoir rencontrer leurs compatriotes et surtout d’entendre parler de la façon de vivre leur foi loin de leur région d’origine. Le diocèse de Thanh Hoa possède aussi une procure à Hô Chi Minh-Ville. Elle a pour mission de faire le lien entre le diocèse et ses enfants dispersés dans tout le sud.

Avez-vous l’intention d’inviter des congrégations reli-gieuses à venir travailler dans votre diocèse ?

Je désire vivement la présence d’ordres et de congrégations religieuses dans mon diocèse, qui, comme un jardin, s’embellit quand les couleurs se multiplient. Avec la floraison supplémentaire que lui apporterait la présence de congrégations et de mouvements divers, le niveau spirituel du diocèse s’élèverait plus rapidement. Nous sommes un peu tristes de voir que, jusqu’à présent, notre diocèse ne bénéficie que de la présence d’une unique congrégation, celle des Amantes de la Croix, fondée par Mgr Lambert de la Motte, et d’une communauté de religieuses de Saint-Paul de Chartres travaillant à l’archevêché. J’ai invité au moins cinq congrégations à créer des communautés à Thanh Hoa, mais jusqu’à présent, aucune ne m’a présenté de projet. Je ne peux faire autrement en attendant que se présente une occasion propice.

Quel est le nombre actuel des prêtres, religieux, séminaristes et laïcs du diocèse ? Est-il suffisant pour répondre aux besoins pastoraux ?

Actuellement, il y a 50 prêtres dans le diocèse. Quelques-uns poursuivent des études à l’étranger, un d’entre eux est retraité. Seuls 46 prêtres travaillent réellement sur le terri-toire du diocèse. Heureusement, le 9 août 2007, à l’occasion du 75e anniversaire du diocèse, dix nouveaux prêtres s’ajouteront au clergé existant. La seule congrégation religieuse, les Amantes de la Croix, comporte 188 sœurs professes. Les séminaristes, formés sur place ou à l’étranger, sont 67. Quant aux fidèles, ils sont 130 000, répartis en 46 paroisses. Certes, les effectifs ne sont pas suffisants pour répondre aux besoins, mais nous avons grand espoir que le diocèse s’enrichira bientôt en personnel. En 2010, nous espérons que le diocèse comptera un peu plus d’une centaine de prêtres.