Eglises d'Asie – Vietnam
Les autorités essaient de se rallier le patriarche du bouddhisme unifié, mais lancent une campagne virulente contre son second dans la hiérarchie
Publié le 18/03/2010
Dans la matinée du 29 août dernier, le général de police Trân Tu, spécialement chargé, au niveau national, de la surveillance des religions, est venu rendre visite au patriarche du bouddhisme unifié, Thich Huyên Quang, en résidence surveillée dans la pagode de Nguyên Thiêu, province de Binh Dinh. Il était accompagné de personnalités policières régionales, d’un photographe et d’un cameraman. Dans les propos tenus par le policier durant l’entretien qui a duré 45 minutes, menaces et paroles positives se sont succédé. Le général a d’abord manifesté son irritation devant l’aide apportée par le vénérable Thich Quang Dô au mouvement des paysans spoliés (1), une aide, a-t-il précisé, visant à les inciter à manifester contre le gouvernement. Il a accusé le bouddhisme unifié de faire de la politique antigouvernementale, en appelant de ses vœux démocratie et pluralisme, ou en exigeant l’abolition de l’article 4 de la Constitution qui déclare « le Parti communiste, force dirigeante de la société vietnamienne », autant d’allusions à des déclarations du religieux datant de 1993 et de 2001. Par ailleurs, le général a interdit au patriarche d’organiser un congrès général du bouddhisme dans sa pagode de Nguyên Thiêu, comme cela avait été le cas en 2003 avec la participation d’une délégation de Saigon, menée par Thich Quang Dô. Il a aussi été signifié au patriarche que seuls des visiteurs se déplaçant individuellement avaient le droit de le rencontrer.
A la fin de l’entretien, le ton s’est radouci et le général Trân Tu a invité le patriarche à se rendre à Hanoi pour y rencontrer le Premier ministre Nguyên Tân Dung, spécifiant que cela pouvait se faire à plusieurs époques différentes et qu’il pourrait rester dans la capitale le temps qu’il voudrait. Il l’a ensuite invité à venir présider l’assemblée annuelle de l’Eglise bouddhiste du Vietnam, patronnée par l’Etat, qui est prévue pour la fin de l’année. Le patriarche ayant fait état de la faiblesse de sa santé actuelle, le général a répondu qu’un avion et une équipe médicale seraient à sa disposition.
Cette tentative de rallier le patriarche du bouddhisme unifié à ses côtés est loin d’avoir arrêté la campagne menée à l’encontre du recteur de l’Institut de propagation du Dharma, campagne initiée au mois d’août dernier avec un premier article dans le Nhân Dân. Plusieurs dizaines d’autres se sont succédé sur tous les grands titres de la presse vietnamienne, contrôlée par l’Etat. Ces journaux officiels reprochent au religieux d’encourager le mouvement des paysans spoliés à devenir un mouvement politique s’opposant à l’Etat. Ces attaques ont été accompagnées de prétendues révélations sur le passé du religieux visant à lui faire perdre son crédit.
Les réactions du bouddhisme unifié, dans le pays et dans la diaspora vietnamienne, ont été très nombreuses et passionnées ; des soutiens extérieurs de milieux diplomatiques, y compris l’ambassade américaine, lui ont été apportés. Les responsables bouddhistes ont mesuré les risques que faisait courir à leur Eglise une telle campagne et se sont assurés de l’avenir en créant un deuxième bureau de l’Institut de propagation du Dharma à l’étranger. Cette campagne contre le bouddhisme unifié a eu pour résultat de laisser dans l’ombre les derniers développements du mouvement des paysans spoliés.