Eglises d'Asie

DOCUMENT ANNEXE – LES DROITS DE L’HOMME ET LE DEVOIR D’ÉTUDIER LA DOCTRINE SOCIALE DE L’EGLISE

Publié le 18/03/2010




L’engagement du chrétien au service des droits de l’homme entraîne pour lui deux devoirs prioritaires, celui de prier afin de se forger une âme vertueuse et celui d’étudier la doctrine sociale de l’Eglise pour acquérir un esprit éclairé. Deux priorités qui visent avant tout à valoriser les droits de l’homme en soi-même grâce à une conscience respectueuse des droits de tous.

Autrement dit, le chrétien authentique a le devoir de prier et d’étudier avant de se lancer dans des activités en faveur des droits de l’homme, car la prière et l’étude l’aideront à agir avec un esprit paisible et éclairé, avec une attitude respectueuse de la vérité de la justice, dans la charité fraternelle. La prière et l’étude lui éviterons aussi de se laisser motiver par la colère et par la haine, de suivre les voies d’un monde où les hommes s’opposent, s’excluent, se massacrent les uns les autres, ce qui est aussi une manière de violer les droits de l’homme.

 

Le mois précédent, nous avons parlé du devoir de prier. Ce mois-ci, je traiterai de l’étude de la doctrine sociale de l’Eglise.

 

I.) L’état de l’évolution au Vietnam

 

1.) Surmonter les conséquences de 30 années de guerre

 

De 1975 jusqu’à nos jours, le Vietnam s’est efforcé de surmonter les conséquences d’une guerre de trente ans, conséquences ressenties non seulement sur le plan matériel, mais aussi dans le domaine humain : plus d’un million de blessés de guerre, deux millions d’orphelins, deux millions de veuves, cinq millions d’handicapés…

 

Il existe en outre une autre blessure provoquée par cette guerre cruelle qui s’est prolongée de nombreuses décennies. Elle a marqué profondément notre peuple et s’est inscrite au fond du cœur de beaucoup. Elle a créé la division, a forcé nos concitoyens et nos compatriotes à s’opposer les uns aux autres, à s’éliminer les uns les autres. Pendant un temps, elle a isolé notre pays de la communauté internationale, affaiblissant ainsi les forces vives de notre peuple.

 

Beaucoup de membres de notre communauté nationale, alors qu’ils étaient au bord du gouffre, ont trouvé la force de panser leurs blessures, de progresser ensemble sur le chemin de la réconciliation, d’ouvrir les portes de l’intégration dans l’univers mondialisé d’aujourd’hui, de reconstruire l’unité comme une force de développement national. Malgré cela, cette blessure reste encore sensible et a encore besoin d’être prise en compte et guérie. Elle exige encore de nouveaux soins plus adaptés et plus efficaces.

 

2.) La transformation d’une économie centralisée en économie de marché

 

Les deux décennies écoulées ont vu la mutation d’une économie centralisée en une économie de marché, mutation dont les conséquences sur la famille et la société ont été à la fois positives et négatives. Le développement économique et social a été remarquable. Cependant, il n’a été ni global ni régulier. En outre, le manque d’expérience a entraîné des conséquences extrêmement négatives. Un certain nombre d’entre elles sont visibles dans les familles comme dans la société : la vague de migration de millions de personnes des campagnes vers les villes, l’écart croissant entre les riches et les pauvres, l’affaiblissement de la moralité chaque jour plus grave, l’apparition de nombreux fléaux sociaux (la fraude, la tricherie, la corruption, la violence à l’intérieur des familles, les avortements, le divorce, la prostitution, le trafic d’êtres humains, la drogue, le sida). Bien que de nombreuses mesures positives aient été prises pour les corriger, ces phénomènes négatifs continuent de se répandre dans l’ensemble du pays.

 

Ces conséquences négatives ont bouleversé l’ensemble des valeurs fondamentales de la tradition culturelle et morale dans nos familles comme dans la société. Elles ont contribué à l’apparition d’une « culture de la mort », antagoniste d’une culture de la vie et de l’amour, qui est par nature le chemin conduisant au développement du pays, à l’amélioration de la vie des familles et de la communauté nationale.

 

3.) Les transformations relatives aux religions

 

Pour des raisons historiques et en conséquence de conceptions et de partis-pris, dans les précédentes décennies, l’Etat avait adopté une attitude fort négative à l’égard des religions pendant les précédentes décennies. C’est pourquoi celles-ci ont rencontré de nombreuses difficultés et restrictions dans leurs activités. Depuis que le Vietnam s’est ouvert au monde et s’est doté d’une économie de marché, la situation s’est progressivement améliorée. Autrefois, les organisations religieuses étaient considérées comme des forces d’opposition à l’Etat. Peu à peu, elles ont été reconnues comme des forces spirituelles contribuant à l’édification et au développement du pays ainsi qu’au progrès de la vie des familles, de la société et de la communauté nationale.

 

Cependant, aujourd’hui encore, les organisations religieuses sont obligées de supporter un certain nombre de limitations et d’injustices. Selon les médias de notre société, les pouvoirs publics eux-mêmes l’ont reconnu et nos concitoyens et leurs compatriotes dans de nombreux endroits du monde attendent avec impatience que l’Etat surmonte les injustices commises à l’égard des organisations religieuses ainsi qu’à l’égard de nombreuses autres composantes de la communauté nationale.

 

II.) Les orientations données par l’enseignement de l’Eglise catholique en matière sociale

 

1.) Les valeurs fondamentales

 

C’est en s’appuyant sur la parole de Dieu, sur l’enseignement du concile Vatican II ainsi que sur l’expérience des divers régimes dans l’histoire du développement de l’humanité, que la doctrine sociale de l’Eglise s’est formée et a traversé les siècles. Aujourd’hui, cette doctrine a été systématisée pour mettre en relief des valeurs spirituelles et morales comme la vérité et la justice, la fraternité universelle et l’esprit de solidarité, l’amour de charité, créateur de paix et au service de la vie et de la dignité humaines.

 

L’objectif de cette systématisation de la doctrine est de fournir des fondements à une mise en valeur des droits de l’homme ainsi qu’à l’édification et au ferme développement du pays et de la communauté nationale.

 

2.) Les normes d’un développement intégral et durable

 

Les valeurs spirituelles et morales de la doctrine de l’Eglise, citées ci-dessus, doivent être les normes de développement dans les domaines économique, social, politique, familial, éducatif, domaines qui ont tous pour but de conduire au développement de l’homme tout entier. En même temps, ces normes visent à aider les pouvoirs publics comme les organisations économiques et sociales, à éviter les anciennes impasses, qui, dans l’histoire, ont transformé l’homme en moyen de production et en instrument au service des ambitions des détenteurs du pouvoir, de la puissance et des ressources de la société.

 

La responsabilité qui incombe aux diverses composantes de l’Eglise catholique est de transférer ces valeurs fondamentales depuis la doctrine sociale jusque dans la vie familiale et sociale, contribuant ainsi à l’édification d’une communauté nouvelle, une communauté vivant dans la vérité et la justice, dans la communion et la paix, dans l’amour et le service de la vie et de la dignité de tous les hommes, leurs frères, leurs concitoyens et leurs compatriotes, tous des enfants du même Père dans une même famille.

 

III.) Des applications pratiques

 

Le Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, commencé par le Conseil pontifical ‘Justice et Paix’ à l’époque où le cardinal François-Xavier Nguyên Van Thuân en était le président, a synthétisé la doctrine sociale de l’Eglise à travers les siècles pour en faire un « compendium » de la doctrine de l’Eglise en matière sociale. Aujourd’hui, l’ouvrage est achevé et a été traduit dans de nombreuses langues, dont le vietnamien.

 

Programmes de formation et de recyclage : aujourd’hui, cette doctrine sociale doit être mise au programme de formation et du recyclage de toutes les composantes du peuple de Dieu et de tous les hommes de bonne volonté, en particulier de tous ceux qui ont une responsabilité dans les domaines éducatifs, économiques, sociaux et politiques.

 

Ces formations sont avant tout destinées à préparer les intéressés à devenir le sel, le levain et la lumière qui permettront à ces valeurs de devenir le fondement de la société. Elles leur donneront la capacité de contribuer à la formation d’une culture de la vie et de l’amour et, en même temps, au développement solide du pays, qui conduira les hommes, les familles, la communauté sociale vers l’abondance de la vie, vers le bien et le bonheur durable.

 

 

Le 29 août 2007,
en la fête du martyre de saint Jean-Baptiste,
exécuté pour la vérité et la justice,
Jean-Baptiste Pham Minh Mân, cardinal archevêque.