Eglises d'Asie

Deux livres de catéchisme permettent un coup de projecteur sur une réalité mal documentée : le catholicisme en Corée du Nord

Publié le 18/03/2010




De l’Eglise catholique en Corée du Nord, de ses prêtres et de ses fidèles, on ne sait que très peu de choses. Dans ce pays où le seul culte autorisé semble être celui de Kim Il-sung, fondateur et dirigeant de la Corée du Nord de 1948 jusqu’à sa mort, en 1994, il existe un seul lieu de culte catholique, l’église de Changchung, à Pyongyang, de 150 à 200 places, où sont célébrés des services religieux en l’absence de prêtre (1). Des 3 000 catholiques qui existeraient en Corée du Nord, on ne sait quasiment rien et la juridiction exercée par des évêques catholiques de Corée du Sud sur les territoires ecclésiastiques du Nord n’est que nominale. C’est dire tout l’intérêt que revêt l’étude de deux livres de catéchisme, écrits et imprimés en Corée du Nord, qu’un prêtre catholique sud-coréen a en sa possession depuis peu.

Les deux ouvrages ne sont pas datés, ne portent pas de lieu de publication, ni de nom d’éditeur et aucune indication n’est disponible quant à leur tirage. L’un, de 206 pages, est intitulé : Apprendre le catholicisme, et l’autre, de 173 pages, Etapes de la vie religieuse. Ils ont été remis au P. Joseph Jung Sung-hyon, professeur de théologie dogmatique et ancien secrétaire du Comité pour la catéchèse de l’épiscopat catholique sud-coréen, par le secrétaire général de la Conférence coréenne pour la religion et la paix, un organisme œcuménique sud-coréen fondé il y a une vingtaine d’années qui entretient des contacts avec la Corée du Nord. L’existence de ces livres était connue en Corée du Sud depuis plusieurs années mais seules des photocopies en avaient été faites.

Pour le P. Joseph Jung, aujourd’hui supérieur du grand séminaire de Gwangju, ce qui est frappant à la lecture de ces deux livres, c’est l’accent mis sur la formation des catéchumènes, signe que l’Eglise est vivante, de même que sur les sacrements et le ministère sacerdotal. Il est particulièrement touchant de lire qu’il est demandé de « constamment prier Dieu d’envoyer de bons pasteurs », explique le prêtre sud-coréen. De même, les sacrements de l’Eglise sont décrits précisément, peut-être justement « parce que les catholiques nord-coréens n’y ont pas accès, faute de prêtres ».

L’auteur des Etapes de la vie religieuse – une femme – précise que l’objet de son livre est d’enseigner les catéchumènes. « Cela suggère qu’il existe des catéchumènes et que les catholiques nord-coréens ont à cœur de les instruire dans la foi catholique », commente le P. Joseph Jung, qui rappelle à ce propos que le Comité pour la réconciliation de la Corée, de l’archidiocèse de Séoul, avait été sollicité, il y a trois ans, par les responsables de l’église de Changchung pour mettre sur pied une école du dimanche. Selon le prêtre sud-coréen, Etapes de la vie religieuse semble s’être assez largement inspiré du catéchisme publié par l’Eglise en Corée du Sud peu après le concile Vatican II, intitulé Catéchisme catholique : chemin du Christ. Les sacrements y sont toutefois expliqués plus en détail et très correctement. L’Eucharistie est ainsi décrite comme le plus grand des sacrements : « Les autres sacrements nous apportent la grâce, mais l’Eucharistie nous permet de recevoir notre Seigneur Jésus, qui est une source de la grâce (…). L’adoration du Saint Sacrement achève la messe, qui est le centre de toutes les liturgies. » Dans l’explication de ce qu’est le sacrement de l’ordre, il est écrit que les fidèles doivent prier Dieu avec constance afin qu’il envoie de bons pasteurs pour son troupeau. « Cette phrase m’a ému aux larmes. Elle m’évoque la prière que récitaient nos ancêtres qui ont vécu leur vie de foi en l’absence de pasteurs pendant les grandes persécutions du XIXe siècle », confie le P. Joseph Jung. Enfin, une annexe donne un aperçu assez complet du Saint-Siège et de son organisation, des différents types de documents écrits par le pape (constitutions apostoliques, motu proprio, encycliques, messages, etc.) ainsi que de la hiérarchie de l’Eglise. La liturgie et le déroulement de l’année liturgique sont également fidèlement décrits.

Le deuxième livre, Apprendre le catholicisme, est introduit par un texte de Samuel Chang Jae-on, le président de l’Association des catholiques (nord-)coréens, qui explique que cet ouvrage a été publié car « les êtres humains doivent connaître la source de la vie et du bonheur ». Par son style, ce deuxième livre s’apparente plus au catéchisme tel qu’il était enseigné en Corée du Sud avant le concile Vatican II (1962-1965). Les dix commandements sont explicités et, pour chacun d’entre eux, la référence biblique correspondante est citée. A chaque citation de la Bible, c’est le texte de la traduction œcuménique utilisée en Corée du Sud, de 1977 à 2005, qui est repris. « Il est très significatif que le catéchisme nord-coréen cite la Parole de Dieu dans une traduction claire, correcte et sans y apporter de modification », souligne le P. Joseph Jung, qui remarque aussi que la figure du pape (« Sa Sainteté est le Vicaire de Jésus-Christ. ») et la notion d’infaillibilité sont expliquées sans erreur.