Eglises d'Asie

DOCUMENT ANNEXE – Hindouisation de la communauté adivasi dans le Nord-Est de l’Inde

Publié le 18/03/2010




La communauté adivasi, les communautés de planteurs de thé, constitue le plus vieux groupe d’immigrés de l’Assam. Recrutés par des propriétaires terriens anglais dans les Etats actuels du Jharkhand, Chhattisgarh, Bihar, Andhra Pradesh, Orissa, Uttar Pradesh et Bengale occidental, de 1861 jusqu’au début du XXème siècle, ils ont été déplacés en Assam pour travailler dans les plantations de thé.

 Aujourd’hui, on compte cinq millions d’Adivasi qui continuent de travailler dans les zones montagneuses des plantations de thé faisant la renommée de la région. Les Adivasi représentent 20 % de la population de l’Etat, mais, malgré leur poids démographique et leur longue présence en Assam, ils restent exclus de la société indienne. Ils ne disposent pas du statut d’aborigènes, comme c’était le cas dans leurs Etats d’origine, qui, aujourd’hui, leur permettrait de pouvoir bénéficier des droits alloués aux OBC (Other Backward Classes, personnes économiquement et sociologiquement « arriérées »). 

Inquiétudes de la communauté 

Des interrogations sont régulièrement soulevées au sujet des Adivasi en Assam. Originaires principalement du Jharkhand, ils ont été dépouillés de leurs propres terres et chassés de leurs forêts du Jharkhand puis envoyés dans les plantations de thé en Assam, du fait du système zamindari (1).

 

La rancune des habitants de l’Etat trouve ses racines dès cette époque. Enrôlés de force, les Adivasi sont arrivés en Assam pour travailler dans les plantations de thé dans des conditions quasi-esclavagistes, après que les Anglais eurent saisi par la force ou par des moyens non équitables les terres des autochtones, c’est-à-dire les Ahom, Boro, Mishing et Kosh, afin de créer leurs plantations. Les Santals ont également été déplacés dans la région, avec une interdiction de retourner à Santal Parganas, au Bihar, pour les punir des révoltes qu’ils avaient menées contre les Britanniques en 1934 puis en 1954. Or, les habitants de l’Assam virent d’un mauvais œil l’arrivée de ces usurpateurs qu’ils percevaient comme des communautés aidant les colonisateurs, alors que ces derniers les avaient privés de leurs propres terres, si bien qu’ils ne furent jamais acceptés par la population locale.

 

Les conditions d’esclavage dans lesquelles vécurent les Adivasi pendant de nombreuses années dans les plantations de thé, développa une mentalité de dépendance vis-à-vis de la direction des plantations ; de plus, ils ne disposaient pas de terre, si bien qu’ils perdirent confiance en leurs capacités. D’un point de vue économique et social, ce sont eux qui, aujourd’hui, comptent le plus grand nombre d’analphabètes, d’apatrides et de pauvres dans l’Etat.

 

Dans les Etats du Nord-Est de l’Inde, et plus particulièrement en Assam, il existe une lutte acharnée pour acquérir les ressources naturelles qui se font rares, notamment les terres et les forêts. Dans ce contexte, les Adivasi sont perçus par les autres groupes de l’Etat, tels les Boro, comme des étrangers cherchant à se disputer leurs terres et autres ressources et, depuis ce temps, le conflit perdure.

 

N’ayant pas réussi à être reconnus comme un peuple d’Assam avec sa propre identité aborigène, bien qu’ils représentent 20 % de la population de l’Etat, les Adivasi ne détiennent aujourd’hui aucun pouvoir politique, et tant qu’ils seront considérés comme des étrangers, leur situation économique et sociale n’évoluera pas. La situation des Adivasi doit également être comprise dans le contexte actuel d’un nationalisme grandissant dans le Nord-Est de l’Inde. Chaque groupe affirme sa propre identité et s’en prend aux groupes « étrangers ».

 

 L’hindouisation de la communauté Adivasi 

Les dalits et les Adivasi sont régulièrement les cibles du BJP (Bharatiya Janata Party, Parti du peuple indien, le parti nationaliste hindou), du RSS (Rashtriya Swayamsevak Sangh, Corps national des volontaires), et d’autres organisations similaires, cette situation semblant être acceptée en Inde. Le Vishwa Hindu Parishad a élaboré un plan d’action pour « l’émancipation » des Adivasi à travers différentes activités régulant leur vie économique, sociale et culturelle. La fondation Ekal Vidyalaya, un groupe sous contrôle du RSS, a créé un ensemble d’écoles dotées d’un instituteur unique implantées dans les villages Adivasi de la région.

Cette mesure fait partie d’un large programme visant à incorporer ceux qui sont traditionnellement exclus de la hiérarchie sociale hindoue dans un hindouisme politique. La création d’une nouvelle identité religieuse est au cœur de ce projet, et elle se concrétise par la transformation des pratiques quotidiennes de ces communautés. Les lieux de cultes des Adivasi et des dalits sont transformés en des temples hindous. Des déesses brahmaniques viennent remplacer les divinités et déesses locales. En agissant ainsi, le Sangh Parivar fait appel au potentiel sanskritisant de l’hindouisme envers les dalits et les Adivasi. Son intervention agressive dans les villages de ces communau-tés a deux conséquences. D’une part, elle entraîne la perte de la culture traditionnelle de ces groupes et, d’autre part, elle augmente les tensions envers les chrétiens de la région qui œuvrent déjà auprès de ces groupes.

 

Toutes ces influences brahmaniques sur la vie des aborigènes ne sont pas nécessairement récentes. Elles ont commencé à apparaître lorsqu’une partie des aborigènes a quitté les régions montagneuses pour s’installer dans les plaines et lorsque les gens des plaines ont commencé à exploiter les forêts et les montagnes. En fait, les traits primitifs essentiels qui permettent de définir l’ethnicité et l’identité d’un groupe aborigène ont été soumis à un changement continu, irréversible et systématique, que les anthropologues ont baptisé « méthode hindoue d’absorption des aborigènes ». A partir du moment où les groupes aborigènes ont interagi avec les habitants des plaines, ces derniers ont commencé à leur inculquer des traits brahmaniques.

 

En plus de ces tactiques systématiques, insidieuses et très bien orchestrées, le Rashtriya Swayamsevak Sangh et ses nébuleuses développent désormais les rites hindous, les pooja (2), afin d’assujettir l’identité des aborigènes. Bien que des changements aient émergé au sein de leurs croyances et coutumes, les Adivasi sont, jusqu’à présent, restés fidèles à leur identité marquée par le système clanique. L’agressive famille de l’hindutva (3) s’efforce à présent de couper ces racines. En développant et en réinterprétant les points communs qui peuvent exister entre l’hindouisme et l’animisme afin d’accélérer le processus de « sanskritisation » (4) de ces groupes.

 

L’Etat en tant qu’institution est en train de devenir un instrument entre les mains du Sangh Parivar. Pendant ce temps, des partis politiques comme le Parti du Congrès, la gauche et le Janata Dal, ont choisi de rester à l’écart du « business » du Sangh Parivar. De rumeurs diffamatoires en littérature blasphématoire, le Sangh multiplie les demi-vérités et les mensonges manifestes afin d’étendre son réseau et son influence parmi ces populations en grande partie illettrées. Brochures, prospectus, calendriers et magazines « impriment » leur propre version de la vérité pour les esprits influençables de la région, où le taux d’alphabétisation est très bas et où la vie est une lutte sans fin contre la misère.

 

L’hindutva et ses conséquences  

Rien n’est plus alarmant que la résurgence du fanatisme de l’hindutva qui est progressivement passé d’une contre-idéologie cherchant à déstabiliser le colonialisme à une idéologie dominante qui cherche à consolider son pouvoir politique. Les ramifications de sa croissance se font sentir quotidiennement de manière concrète.

 

Les minorités religieuses et ethnoculturelles en Inde font face à une grande variété de menaces. Les Adivasi se retrouvent plongés dans une longue lutte pour résister aux diverses forces d’homogénéisation et d’hégémonisme des ramifications de l’hindutva, qui, avec force, assoit son pouvoir dans la région. Or, il est de notre devoir d’être immergé dans cette résistance en faveur des minorités et de s’efforcer, de manière constructive, à protéger la vision culturelle et religieuse des Adivasi, en mettant également leurs traits culturels au service de la construction d’une société pluraliste.

 

La domination croissante du nationalisme hindou en tant que force sociale et politique a des conséquences qui se mesurent bien au-delà de la vie des minorités religieuses en Inde. En plus de bouleverser l’autorité de la loi, cette idéologie nationaliste contribue à alimenter un cycle de représailles et de violences communautaires au-delà des frontières.