Eglises d'Asie

La Cour constitutionnelle a bloqué une demande visant à faciliter la polygamie

Publié le 18/03/2010




Le 3 octobre dernier, la Cour constitutionnelle a refusé de faciliter le recours à la polygamie et, tout en critiquant celle-ci, a laissé inchangées les dispositions qui font que, concrètement, il n’est pas malaisé pour un homme en Indonésie de prendre plusieurs épouses. La Cour, présidée par Jimly Ashidiqie, avait à se prononcer sur une plainte, déposée en mai 2007 (1), par un homme d’affaires musulman, Muhammad Insa, dont l’épouse lui avait refusé le droit de prendre une deuxième femme, en vertu de la loi de 1974 sur le mariage.

Les controverses sur la polygamie ne datent pas d’aujourd’hui et divisent la communauté musulmane du pays, en transcendant les lignes de division habituelles (2). Les deux grandes organisations musul-manes d’Indonésie ont des positions opposées sur le sujet et, si des figures éminentes du monde religieux musulman ont épousé plusieurs femmes, des organisations féministes ou bien encore le président de la République, Susilo Bambang Yudhoyono, la condamnent. Légale pour toute la population, à l’exception – assez théorique – des fonctionnaires, la pratique de la polygamie est encadrée par la loi de 1974 sur le mariage (3).

Le juge Jimly Ashidiqie a rejeté les arguments avancés par le plaignant, qui arguait du fait que les restrictions mises à la polygamie par la législation actuelle favorisaient l’adultère, le divorce et amenaient les veuves à se prostituer pour survivre. Dans les attendus du jugement, on peut lire que, selon la législation en vigueur, « le fondement du mariage est la monogamie » et que « la polygamie est permise à certaines conditions, lesquelles ne sont pas contraires ni à l’enseignement de l’islam, ni à la Constitution ». « Ces articles (…) ont pour objet de protéger les droits fondamentaux des épouses et des futures épouses des hommes qui choisissent la polygamie », peut-on encore lire.

Muhammad Insa s’est dit insatisfait de cette décision. « Je ne suis pas heureux. Avec de telles condi-tions, la polygamie ne peut pas être pratiquée », a-t-il déclaré, réitérant l’opinion que la polygamie fait partie des principes inscrits dans sa religion et doit par conséquent être facilement accessible.

Du côté des associations féministes du pays, la décision de la Cour constitutionnelle a été saluée, même s’il a été regretté que les juges ne profitent pas de l’occasion pour se prononcer contre la loi de 1974. « Le tribunal constitutionnel ne devrait pas reconnaître du tout la polygamie, a déclaré Rena Herdiyani, directrice exécutive de Kalyanamitra, organisation de défense de la cause des femmes, fondée en 1985. Bien que la majorité des Indonésiens soient musulmans, la loi sur le mariage s’applique à tous, quelle que soit la religion d’appartenance. » Dans la très grande majorité des cas, les maris polygames le sont devenus sans respecter les critères fixés par la loi, a-t-elle ajouté, et les femmes se retrouvent victimes de cette pratique.

Membre de la Muhammadiyah, l’universitaire Rahmawati Husein rappelle qu’aucun des membres diri-geants de cette organisation musulmane de masse ne pratique la polygamie, contrairement à son grand rival, le Nahdlatul Ulama (NU). « La plaisanterie qui a cours à la Muhammadiyah est que si vous voulez pratiquer la polygamie, vous devez passer au NU, commente-t-il. Nous, à la Muhammadiyah, considérons qu’une telle pratique crée plus de problèmes qu’elle n’en résout – même si cela ne veut pas dire que la Muhammadiyah interdise la polygamie. Notre organisation fixe de telles conditions que son exercice est quasiment impossible. »