Eglises d'Asie

Au Kerala, l’Eglise catholique s’inquiète de manœuvres dirigées contre elle et qu’elle attribue aux communistes, membres de la coalition gouvernementale

Publié le 18/03/2010




Selon des responsables de l’Eglise catholique au Kerala, la multiplication, ces derniers temps, des tensions entre l’Eglise et les communistes, membres de la coalition gouvernementale de l’Etat depuis juillet 2006, est significative de l’irritation que suscite, chez les communistes, l’opposition de l’Eglise à la politique du gouvernement visant à prendre le contrôle des institutions chrétiennes en matière éducative et de santé.

Ces dernières semaines, les médias au Kerala se sont fait l’écho d’une liste de 63 prêtres catholiques et pasteurs protestants qui auraient commis des « crimes ». Au début du mois d’octobre dernier, le secrétaire du Parti communiste d’Inde (CPI-M, Communist Party of India – Marxist) s’est indigné publiquement des propos tenus au mois de septembre dernier par un évêque catholique syro-malabar, selon lesquels Mathai Chacko, une figure historique du mouvement communiste au Kerala, était mort, le 13 octobre 2006, après avoir reçu l’extrême-onction des mains d’un prêtre catholique.

L’affaire des 63 membres du clergé, dont 52 sont catholiques, qui se seraient rendus coupables d’actes « criminels » a été lancée par un journaliste d’une chaîne de télévision locale, à qui la police a remis une liste compilant, à l’échelon de l’Etat, tous les membres du clergé chrétien impliqués dans de tels actes. Selon Charlie Paul, avocat auprès de la Haute Cour du Kerala et ancien président de la branche kéralaise de la Christian Life Community, les faits allégués contre les prêtres et les pasteurs sont tout sauf prouvés et « tout ceci s’apparente à une campagne calomnieuse dirigée contre l’Eglise ». Le porte-parole de l’Eglise syro-malabar, le P. Paul Thelakat, a pour sa part déclaré qu’il était facile de porter plainte contre un prêtre, mais que les catholiques dans l’Etat n’étaient pas dupes, sachant que rien n’était prouvé dans les malversations dénoncées.

L’affaire autour des derniers sacrements apportés à feu Mathai Chacko a pris une tournure plutôt vive, après que l’actuel secrétaire du CPI-M au Kerala, Pinarayi Vijayan, eut qualifié Mgr Mar Paul Chittilappilly, évêque du diocèse syro-malabar de Thamarasserry, de « créature misérable » pour avoir menti. « Un mensonge est un mensonge et ce n’est pas parce qu’il est proféré par un évêque qu’il devient un pieux mensonge », a-t-il déclaré. Le dirigeant communiste n’acceptait pas les propos tenus en septembre dernier par l’évêque et la révélation faite par lui concernant les derniers moments de la vie de Mathai Chacko. Le 17 octobre, à Thiruvambady, une foule de quelque 30 000 personnes, principalement catholiques, a demandé à Pinarayi Vijayan de présenter des excuses à l’évêque de Thamarasserry pour les qualificatifs employés à son endroit. En guise de réponse, le CPI-M a publié un communiqué pour dénoncer « des forces mystérieuses » à l’œuvre en coulisse visant à susciter des sentiments anti-communistes dans la population de l’Etat.

Selon les observateurs locaux, ces escarmouches verbales entre communistes et catholiques au Kerala sont à replacer dans le contexte de l’opposition de l’Eglise catholique à un certain nombre de mesures prises ces derniers mois par le gouvernement en place. De retour au pouvoir en 2006, les communistes ont pris l’initiative de politiques visant, estiment les responsables chrétiens, à limiter les droits des minorités et à prendre le contrôle des institutions privées d’éducation et de santé (1). Selon le P. Paul Thelakat, les catholiques ne doivent toutefois pas s’inquiéter outre mesure des manœuvres des communistes (2) ; ceux-ci, en effet, sont à la recherche d’une nouvelle identité et l’Eglise catholique a finalement toujours su s’accommoder de leur présence au pouvoir au Kerala, a-t-il confié (3).