Eglises d'Asie

Document N °10 C/2007 : Attrait de la jeunesse vietnamienne pour la vie monastique

Publié le 18/03/2010




TÉMOIGNAGE SUR LE VÉCU DE LA COMMUNAUTÉ DE l’abbaye Notre-Dame de Phuoc Son

 par Frère Dominique Phan Van Hien, o.c.c.o,abbé de Notre-Dame de Phuoc Son (1) 
 

Un clin d’œil sur le passé 

Il faut revenir à l’histoire de la Congrégation cistercienne de la Sainte Famille au Vietnam pour examiner comment l’admission des vocations se déroulait. Cette histoire est pleine de vicissitudes à travers quatre-vingt-dix années de présence de la vie monastique dans ce pays. En 1918, pour la fête de l’Assomption de la Vierge Marie, le P. Henri Denis, qui prendra plus tard le nom religieux de Benoît, membre de la Société des Missions Etrangères de Paris, a inauguré la vie monastique à Phuoc Son, dans le vicariat apostolique de Hué.

De 1918 à 1933, année de la mort du P. Henri Denis, malgré la grande austérité de la vie cistercienne, beaucoup de jeunes, pour la plupart issus des grands séminaires du Nord et pour une partie issus des familles paysannes pauvres, ont frappé à la porte du monastère à peine fondé. Les jeunes paysans acceptent volontiers la vie d’un convers. Pourtant, juste au début de la fondation, le P. Henri Denis avait décidé qu’il n’y aurait qu’une seule catégorie de moines. Tous les frères vivaient harmonieusement dans l’esprit familial. Est-ce un pas avancé selon le concile Vatican II qui demandait de gommer toute différence entre les moines ? Je pense que c’est un très beau trait du monastère de Phuoc Son, qui attirait bien des vocations.

C’est aussi la personnalité même du P. Henri Denis qui fut un élément important expliquant l’attirance des âmes vers la vocation monastique. Dom André Drillon, abbé de Lérins, a déclaré que le fondateur de Phuoc Son était un homme rempli de l’Esprit Saint. C’est le Saint-Esprit qui lui a inspiré des initiatives dans l’adaptation de la vie monastique au milieu et à la mentalité du peuple vietnamien. Le P. Jean de la Croix Le Van Doan a présenté sa thèse au Centre Sèvres sur notre fondateur dans laquelle il a mis en relief l’attirance de la vie monastique, surtout chez la première génération de moines du monastère Notre Dame du Vietnam.

La sainteté du P. Benoît Thuân, qui s’est traduite par des sacrifices et une union intime au Christ avec une dévotion particulière à la Vierge Marie, a également permis de multiplier le nombre des candidats, à tel point qu’en 1936, trois ans après la mort du père fondateur, Phuoc Son créait une nouvelle fondation au Nord, dans le vicariat apostolique de Phat Diem, gouverné par Mgr Jean Baptiste Nguyên Ba Tong, premier évêque vietnamien.

C’est également en 1933 que le chapitre général de l’ordre cistercien a accueilli officiellement le monastère de Phuoc Son (octobre 1933). L’incorporation à la source monastique, avec sa très riche tradition de maîtres spirituels comme saint Etienne Harding et saint Bernard, renforce assurément l’attirance des candidats pour les valeurs monastiques. Grâce au rattachement du monastère de Notre Dame de Phuoc Son à l’Ordre cistercien de la Commune Observance, le rêve du père fondateur de se maintenir dans la tradition cistercienne tout en s’inculturant dans le milieu de vie vietnamien a pu se réaliser.

En 1954, le Vietnam est divisé en deux, du fait des accords de Genève. Une très grande partie des catholiques immigrent au Sud. Les moines du monastère de Phuoc Son ainsi que ceux du premier essaim (le monastère de Châu Son) ont dû tout abandonner pour s’installer au Sud. En apparence, cet événement pouvait sembler être une catastrophe ; pourtant, grâce à la Providence, il fut senti et vécu comme une chance pour le développement du Sud à plusieurs points de vue, y compris pour le catholicisme et la vie religieuse.

Au début, comme dans les autres ordres, les monastères de la congrégation ont continué à admettre les candidats à la vie monastique grâce au juvénat. Pourtant, le résultat n’était pas satisfaisant : 10 % des juvénistes restaient pour devenir moines.

En 1975, les deux parties du Vietnam sont unifiées et le pays est désormais gouverné par le Parti communiste. Les activités religieuses sont restreintes. Plus aucun des instituts religieux n’a le droit d’admettre de nouvelles vocations. Certains monastères de la congrégation, en particulier le monastère de Phuoc Son, sont dans l’obligation de se séparer en petits groupes pour survivre.

En 1978, un événement catastrophique survient au monastère de Phuoc Son : le monastère est confisqué, les religieux sont incarcérés ! Après quatre mois d’enfermement, tous les religieux sont libérés, sauf le père prieur Dominique et un autre moine, qui seront retenus pendant six ans. Libérés, les frères se sont regroupés en petites communautés afin de continuer leur vie monastique dans des conditions difficiles, tant du point de vue matériel que spirituel. Dans cette situation, personne ne songeait à admettre de nouvelles vocations.

En 1986, le gouvernement pratique la politique d’ouverture commerciale avec les pays étrangers ; c’est grâce à cette politique que les activités religieuses deviennent plus faciles. En 1989, l’effondrement des régimes communistes dans les pays de l’Europe de l’Est exerce une certaine influence sur la situation politique du Vietnam, bien que le pays demeure gouverné par le Parti communiste. Le P. Dominique Pham Van Hien, autrefois prieur et père-maître, a décidé de retourner au monastère de Phuoc Son, après quelques années passées dans sa famille. Avec ses supérieurs, il a contribué à la réouverture du noviciat. Aujourd’hui, il existe encore bien des difficultés, mais les vocations augmentent de jour en jour, depuis les 14 premiers novices (dont huit ont été ordonnés prêtres) jusqu’42 postulants et huit novices actuels.

 Qu’est-ce qui attire les jeunes Vietnamiens vers la vie monastique ? 

Une rétrospective rapide sur l’histoire du monastère de Phuoc Son nous a permis de dégager de manière générale certaines raisons expliquant l’attirance de Vietnamiens pour la vie monastique.

Nous voudrions remarquer le fait que la surabondance des vocations ne se trouve pas seulement dans les monastères, mais presque dans tous les instituts religieux au Vietnam. Quelles sont ces causes ?

– Voici la première : la population est imprégnée par les religions telles que le bouddhisme, le confucianisme, le caodaïsme, religions qui ont une grande estime pour les valeurs de la vie religieuse et apprécient particulièrement ceux qui s’engagent dans cette voie. Nguyên Du, un des célèbres poètes de notre pays, l’a ainsi confirmé : « La vie religieuse est source de bonheur, tandis que l’amour profane est le lien qui nous attache au malheur. » Cette vénération constitue une tradition qui pousse les hommes et les femmes, assoiffés de bonheur absolu, à se réfugier dans les pagodes.

– Ceux qui mettent leur foi dans le Christ ressuscité voient dans le phénomène de la surabondance des vocations une vérification de la parole de Tertulien : « Sanguis martyrum, semen christianorum. » L’abondance des vocations à la vie consacrée est-elle le fruit des persécutions des siècles passés ? J’ose dire que la période des persécutions est pour le christianisme un hiver attristant. L’hiver passe puis vient le printemps où poussent les bourgeons et fleurissent les arbres.

Outre les deux causes citées ci-dessus, nous devons mettre en évidence l’attirance propre à la vie monastique contemplative.

1.) Profondément imprégnée du bouddhisme pendant plus d’un millénaire, la population vietnamienne possède naturellement l’aptitude à l’intériorité en pratiquant la méditation « Zen » et en choisissant de vivre dans la tranquillité. Donc, on peut affirmer que la plupart des jeunes chrétiens ont une disposition à la vie monastique.

2.) Comme je l’ai présenté plus haut, le mode de la vie monastique à Phuoc Son est animé de l’esprit familial ; c’est pourquoi tout candidat venant au monastère apprécie hautement cet esprit. Plusieurs moines européens redoutent que les candidats cherchent des compensations affectives familiales qu’ils ont laissées dans le monde. Notre père fondateur, lorsqu’il a choisi l’appellation « Sainte Famille », voulait que ses moines s’élèvent comme dans une famille dans laquelle Jésus est le centre. Autrement dit, vivre l’esprit de famille consiste à réaliser l’idéal des premiers chrétiens de Jérusalem : « Ils ont un seul cœur et une seule âme » (Ac 4,32).

3.) La liturgie : les Vietnamiens aiment chanter, la langue vietnamienne ayant une tonalité de cinq notes différentes. Plusieurs étrangers, en écoutant parler les Vietnamiens, croient qu’ils interprètent une chanson. Après le concile Vatican II, le Chapitre de la congrégation a créé une Commission pour la Liturgie et la Musique sacrée afin d’adapter la liturgie monastique à la mentalité et à la langue autochtones.

Après trois décennies, les fruits de l’adaptation et de la rénovation d’un point de vue liturgique sont encourageants : les membres de cette Commission ont composé dix mélodies différentes pour chanter les psaumes, ils ont mis en musique des hymnes, antiennes, etc. Outre cela, des cantiques spirituels ont été composés sur des mélodies vietnamiennes. Les chrétiens en utilisent plusieurs.

Grâce aux efforts d’inculturation cités ci-dessus, et du fait de l’importance du nombre des moines, la solennité des célébrations liturgiques s’est accentuée. Les retraitants au monastère, surtout les candidats à la vie contemplative, sont touchés dès le début de leur séjour par les offices liturgiques. Selon l’aveu de plusieurs frères, le désir d’embrasser la vie monastique est né pendant ces moments. Est-ce une caractéristique de la tradition bénédictine, laquelle y a trouvé une attirance durant des siècles dans les monastères européens ?

4.) Schola dominici servitii : notre père, saint Benoît, appelle le monastère une école du service divin. Etant école, le monastère doit mettre en priorité la formation. Les monastères de notre congrégation ont beaucoup de vocations, mais, pour tenir dans la durée, une formation monastique est nécessaire. La tâche de former les jeunes devient une urgente nécessité car des candidats viennent au monastère avec différentes motivations. Leur choix de la vie monastique n’est pas toujours fondé sur la conviction de l’Evangile. Avec le temps et grâce à une formation progressive et patiente, ils reconnaissent les vraies valeurs de la vie religieuse pour parvenir à la maturité de la vocation contemplative.

Pour atteindre ce but, dès 1990 à l’occasion du 800ème anniversaire de la naissance de saint Bernard, une Commission pour la formation a été créée. Cette commission comprend les pères-maîtres et les responsables de la formation dans chaque communauté. En premier lieu, les membres ont élaboré un programme pour la formation de base et pour la formation permanente ; ensuite, ils ont rédigé les cours pour chaque matière, en particulier ceux de l’Ecriture Sainte, de la Règle de saint Benoît et du catéchisme de l’Eglise catholique. Grâce au dévouement des formateurs, les candidats se sentent transformés en découvrant plus en profondeur les valeurs de la vie monastique, leur zèle dans la recherche de Dieu croissant de jour en jour.

 Pour conclure 

Nous sommes convaincus avec le pape Jean-Paul II que la vie consacrée est un don du Seigneur à l’Eglise par le Saint-Esprit (VC, 1). C’est pourquoi, en rappelant les valeurs monastiques et les efforts entrepris au sein de notre congrégation, nous constatons que c’est le Seigneur qui a conduit les candidats dans nos monastères ; l’attirance n’est donc pas venue de nous-mêmes. Le Saint-Esprit est le vent, et « le vent souffle où il veut » (Jn 3,8). Aujourd’hui, la puissance de l’Esprit Saint explose au sein de l’Eglise du Vietnam, en particulier dans la Congrégation cistercienne de la Sainte Famille. Nous rendons grâce à Dieu et chantons l’amour du Christ, porteur de notre espérance.

« Que le Dieu de l’espérance vous donne en plénitude dans votre acte de foi la joie et la paix, afin que l’espérance surabonde en vous par la vertu de l’Esprit Saint. » (Rm 15,13).

 (1)    Voir aussi EDA 467 (dans le Bulletin, à la rubrique Vietnam : « Les cisterciens de Phuoc Son : histoire d’une résurrection »)

QUELLES SONT LES VALEURS QUI ATTIRENT LES JEUNES A LA VIE MONASTIQUE ? 

par Mère Agnès Lê Thi Tô Huong,prieure de la communauté bénédictine de Thu-Dúc 


La vocation vient de Dieu 

La vocation fondamentale de tout chrétien est naturellement une vocation contemplative, car tout chrétien est appelé à rechercher et à voir Dieu qui souhaite notre bonheur. En ce qui concerne la vocation monastique, don gratuit de l’amour de Dieu, le moine possède l’opportunité de vivre cette dimension sacrée. Auparavant, les vocations religieuses étaient nombreuses en Europe et en Afrique. Mais aujourd’hui, c’est au Vietnam.

  1.) La situation actuelle de la société et ses impacts 

Nombreuses sont les observations qualifiant notre époque de course effrénée, du « tout, tout de suite ». L’homme contemporain doit offrir toutes ses forces et capacités pour répondre aux exigences des domaines économiques, technologiques et de la société de consommation.

L’homme ne vise alors plus que le rendement et l’efficacité qui ont pour conséquence d’effriter les relations et l’unité familiales. Les parents et les enfants n’ont plus de temps pour vivre ensemble, pour échanger, pour construire des relations profondes. Si cela existe encore aujourd’hui, c’est très rare. La société actuelle, société hédoniste, invite l’homme à la libre consommation pour finir dans le regret.

Le Vietnam se trouve également dans ce tourbillon, bien que le pays ne compte pas encore parmi les pays industrialisés. Pourtant, il est déjà touché par la mondialisation et a déjà pris cette voie.

 2.) Les jeunes au sein de la culture vietnamienne 

Provenant d’une culture centrée sur la vie rurale et l’aquaculture, le peuple vietnamien privilégie les vertus humaines et l’hospitalité… Les gens mènent une vie simple, proche de la nature et des uns des autres. Pour vivre en paix, ils cherchent constamment la communion entre les trois éléments suivants : le ciel, la terre et les hommes.

Les Vietnamiens sont riches en affectivité et en intuition, c’est ce qui peut leur permettre une prise de conscience profonde de la nécessité de faire communauté et d’être solidaires face aux calamités et au besoin de développer l’efficacité dans le travail. Il faut avouer, bien plus que d’autres peuples, les Vietnamiens sont très sentimentaux, intérieurs, sensibles et affectueux. Ils sont marqués par la piété filiale et l’amour de leur pays.

Possédant une intuition très profonde et mystique à l’égard de la nature et de la vie, les Vietnamiens ordinaires acceptent gaiement la double face de la vie : il y a du bien dans le mal, le yin et le yang se compénètrent et se complètent. C’est pourquoi, ils ne se désespèrent pas mais s’efforcent de remonter la pente. Ils sont prêts à s’aimer et à se protéger mutuellement. C’est leur manière de respecter la vie, d’honorer les vertus humaines et d’exclure la violence de leur conscience… Et la famille est le milieu privilégié de formation des vocations car ces valeurs sont une terre fertile propice au germe de la vie monastique.

Aujourd’hui, bien que les jeunes soient fortement séduits par le confort matériel, beaucoup parmi eux désirent cependant vivre de ces valeurs spirituelles. Celles-ci constituent un point essentiel de la vie monastique. Objectivement, il semble qu’il y ait aujourd’hui une augmentation très rapide des vocations au Vietnam. Pourquoi ?

 Au contact des moniales, qu’est-ce qui attirent les jeunes ? 

Voici les réflexions de nos jeunes sœurs : depuis toujours, la vie religieuse est très estimée de tous côtés. En fait, c’est un idéal de vie très élevé. Beaucoup de ceux qui ont la chance d’être en contact avec la vie monastique, reconnaissent que ses traits caractéristiques sont la simplicité et l’élévation provenant d’une vie de prière. Un visage reflétant ces valeurs frappe les jeunes, qui préfèrent un témoignage vivant plutôt qu’un discours.

La vie monastique possède des points communs avec la vie religieuse. Mais elle a aussi des traits particuliers. Une solitude silencieuse est nécessaire pour aider le moine à vivre fidèlement sa vocation. Une vie ancrée dans le Christ, vécue au rythme monotone et tranquille, pourrait être ennuyeuse pour les séculiers.

En réalité, pour toute personne, qu’elle soit prêtre, religieux ou laïc, et même pour les non-chrétiens, il existe au fond du cœur de chacun une quête de sacré.

Un dicton vietnamien déclare : « Près de l’encre il fait noir, près de la lumière, il fait clair. » Ainsi, le milieu influence la vie de l’homme. Par manque de maturité et de force spirituelle, nous sommes aussi attirés par le milieu ambiant. Notre civilisation est remplie de bruits, d’images et d’innombrables informations. C’est pourquoi le moine doit nécessairement se donner l’habitude de réserver des moments de silence, d’intimité avec le Christ, afin de pouvoir servir les hommes.

La beauté de la vie monastique est entourée par la vie de prière. Elle a une force d’attrait et d’influence très grande. C’est une force d’amour dont la puissance vient de la prière. Le critère fondamental pour entrer dans la vie monastique, commun à tous sans distinction de race ou de niveau de vie ou de réussite professionnelle, c’est le désir de chercher Dieu en vérité. La motivation qui pousse les jeunes à s’engager dans la vie monastique, ce n’est ni la richesse (les moines ne sont pas riches), ni l’opportunité de promotion, ni la fuite de la société, bien que, dans les débuts, on puisse être tenté par ces tendances négatives. Au fond, ce qui attire c’est la haute paix provenant d’une vie de prière et d’un espace sanctifié. L’environnement extérieur a une valeur réelle quand il aide l’homme à élever son esprit vers le Seigneur. On peut reconnaître et contempler Dieu dans la nature…

Vraiment, le silence intérieur est une condition sine qua non pour que le moine puisse s’unir à Dieu au long des jours. Beaucoup font cette remarque : un moine authentique possède une force de séduction étonnante qui conduit l’homme à Dieu. Ce n’est pas l’éloquence ou le talent de prêcher, ni la capacité d’organisation ou de mener les hommes… Mais c’est l’homme spirituel répandant la paix du Seigneur ; c’est un appel d’amour vivant, car le Royaume de Dieu est ici.

Plusieurs moniales racontent qu’avant leur entrée au monastère, la plupart d’entre elles ne connaissaient rien de la vie monastique. Mais, par des intermédiaires et par les contacts directs avec le monastère, elles ont reconnu la simplicité et la paix intérieure, joyeuse, rayonnante sur le visage des moniales, en même temps qu’un espace de silence pur et doux. Tout semble immergé dans un monde mystique et épuré. Oui, tout semble « statique », mais en fait tout est « en mouvement », parce que ce monde reçoit et nourrit une force de vie intense en faveur de l’Eglise. De la communauté peut venir le réconfort pour ceux qui ploient sous le fardeau de la vie. Comme le grain qui pousse silencieusement, les moines et moniales coopèrent au Salut de l’humanité…

La force de vie de la communauté est maintenue dans une atmosphère familiale : un amour authentique, une acceptation totale dans le pardon et une collaboration pour construire le Corps mystique du Christ dans sa propre communauté… En réalité, c’est dans et à travers la vie quotidienne de la communauté – milieu de formation et d’entraînement efficace – qu’on contribue fortement à la vie de la communauté. Par là, se développent le sens des responsabilités et la maturité humaine dans la durée.

La communauté ressemble à une famille, mais exige de chacun de ses membres une foi plus forte, parce que tous sont des hommes imparfaits qui sont appelés à vivre ensemble toute leur vie par le vœu de stabilité. Ceci exige que chaque membre ait la maturité spirituelle afin de vivre harmonieusement ensemble, rayonnant d’amour grâce à la prière et à la fraternité. Ils répondent ainsi à l’amour de Dieu de manière libre et créatrice, purifiée de toute tendance séculière.

Néanmoins, il existe un aspect négatif : l’idée que la vie religieuse pourrait être une occasion de promotion personnelle. Elle existe encore aujourd’hui et peut effleurer de quelque manière le cœur et l’esprit des candidats à la vie religieuse.

Un autre aspect a été relevé : après une longue période de vie difficile depuis la réunification du pays, la jeunesse vietnamienne a soif de promotion et de connaissance intellectuelle. La majorité vise une profession stable avec un haut salaire pour avoir une vie confortable en phase avec la société de consommation. Cependant, cette possibilité n’est pas à portée de main des pauvres et des ruraux. C’est pourquoi, d’une certaine façon, la vie religieuse apparaît à leurs yeux comme une opportunité naturelle pour accéder à une vie signifiante et plénière. Peut-être est-ce une raison qui pousse les jeunes à la vie monastique ?

La vie monastique est aussi imprégnée de ces éléments né-gatifs. Bien que les moines ne travaillent pas à l’extérieur, la mentalité des jeunes moines et moniales en est imbue. Entrant dans la communauté, ils apportent avec eux toute leur énergie et leur ancien style de vie, avec une éducation qui n’est pas adaptée aux besoins de développement des pays du monde. Les jeunes dans la société actuelle sont atteints par l’affaiblissement de la conscience morale, du sens de la responsabilité, un manque de capacité à penser… Peut-être tout cela existe-il aussi dans la vie monastique ?

 Problème qui se pose aujourd’hui et dans l’avenir 

Bien que le Vietnam dispose des conditions favorables à l’épanouissement de la vie monastique, la société actuelle permet-elle aux moines et moniales de vivre fidèlement leur vocation ?

Il faut que la vie monastique conserve et fortifie la vie communautaire, le but étant d’« absolument ne rien préférer au Christ ». De plus, la formation profitera à la communauté et à l’Eglise si elle est faite et se développe sur une base solide, c’est-à-dire le Christ.

Si les jeunes se sentent respectés et sincèrement encouragés, ils se considèreront comme membres authentiques de la communauté. Ils n’auront certainement plus cette mentalité de comparaison, de dépendance ou d’exigence excessive. Mais parfois, les jeunes oublient leurs origines, ils adoptent une mentalité de bourgeois, deviennent exigeants et ne savent plus du tout économiser, bien qu’au fond de leur cœur ils aient soif d’une vie spirituelle. Sinon, ils se seraient déjà retirés de ce milieu austère.

Oui, les responsables et les aînés devraient être avant tout des personnes spirituelles pour aider les jeunes à s’engager totalement dans la vie monastique. Face au développement économique et social de la société, la formation monastique doit nécessairement faire face à des épreuves. C’est pourquoi, on doit suivre la pédagogie de Jésus Christ de manière plus radicale.

En premier lieu, il faut aider les candidats à la vie monastique à devenir des disciples authentiques de Jésus. De cette façon, la formation ne se limite pas à des connaissances livresques mais à une formation de vie, un processus d’expérience d’après le modèle de Jésus dans « l’école du service de Dieu ». Seul l’Esprit Saint peut mouler notre « homme intérieur » d’après Jésus. La communauté devrait être un espace d’accueil rempli d’humanité, où chacun puisse grandir et s’avancer vers la maturité en Jésus Christ.

Finalement nous sommes toujours invités à prier le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers, des jeunes qui veulent encore répondre avec générosité à l’appel du Christ.

 Conclusion 

Dans vingt ans, est-ce que les jeunes Vietnamiens désireront encore s’engager dans la vie monastique ?

Les jeunes sont des êtres dynamiques, vivant dans un milieu très bruyant et courant après les modes et les biens matériels. Comment les conquérir ?

En réalité, il est très difficile de s’épanouir dans la vie monastique et contemplative si l’on manque d’une forte motivation spirituelle, un foyer stable rayonnant dans le cœur – c’est l’amour absolu offert uniquement à Jésus Christ. Tous ces éléments devraient être nourris et forgés par la vie de prière elle-même, dans une intimité avec Dieu. C’est seulement grâce à ce feu que le moine peut faire ce que Jésus a enseigné : réchauffer et éclairer le monde !