Eglises d'Asie

L’Association des prêtres catholiques pour la justice est au centre du dévoilement d’un scandale de corruption lié au groupe Samsung

Publié le 18/03/2010




Si la scène médiatique et politique sud-coréenne est agitée ces jours-ci par un scandale de corruption lié au groupe Samsung, c’est en partie à une association de prêtres catholiques que la responsabilité en incombe. Le 29 octobre puis le 5 novembre dernier, à deux reprises, l’Association des prêtres catholiques pour la justice a tenu une conférence de presse dans les locaux de la paroisse Jeki-dong, à Séoul. Devant plusieurs centaines de journalistes de tous les médias sud-coréens, l’association a présenté à la presse un certain Kim Yong-cheol, ancien chef du service juridique du groupe Samsung, lequel a affirmé que son ex-employeur avait mis sur pied un vaste réseau de comptes bancaires et boursiers à des fins de corruption.

Le 5 novembre, Kim Yong-cheol a affirmé que, dans le cadre de ses fonctions au sein du groupe Samsung, il avait supervisé la distribution de fonds à des juges et à des procureurs. Il a ajouté que d’autres personnes au sein du groupe étaient chargées de soudoyer, lorsque cela s’avérait nécessaire, les services fiscaux ou bien encore le ministère de l’Economie et des Finances. Pour organiser le versement de ces dessous-de-table, des comptes, bancaires et boursiers, étaient ouverts auprès de différents organismes financiers au nom de salariés du groupe Samsung. Les salariés n’étaient pas informés de ces manœuvres et, lors de la conférence de presse du 29 octobre, l’Association des prêtres catholiques pour la justice a produit des preuves de l’existence de trois comptes bancaires et d’un compte boursier ouverts au nom de Kim Yong-cheol, dont l’un était crédité de la somme de cinq milliards de wons (3,8 millions d’euros). Un millier de comptes auraient ainsi été ouverts à l’insu de salariés du groupe Samsung, entretenant pour des sommes considérables une caisse noire à des fins de corruption.

L’affaire fait grand bruit en Corée, où la campagne pour les élections présidentielles du 19 décembre 2007 bat son plein. Les personnes et les institutions impliquées démentent les allégations de Kim Yong-cheol. Juste avant la conférence de presse du 5 novembre, le groupe Samsung a rendu public un communiqué de 24 pages pour démentir les faits allégués et s’interroger sur les motivations de son ancien salarié, insinuant que des difficultés personnelles liées à son récent divorce pourraient expliquer son comportement.

De son côté, Kim Yong-cheol a précisé qu’il n’était pas catholique, mais qu’il avait décidé d’approcher l’Association des prêtres catholiques pour la justice pour dire ce qu’il avait à dire car « les médias et les autres organisations civiques à qui j’ai demandé de l’aide m’ont ignoré ». « Je n’ai pu compter sur personne d’autres, a-t-il ajouté, et je remercie profondément l’Association des prêtres catholiques pour la justice de m’avoir fait confiance alors que je ne savais plus vers qui me tourner. » Avec une certaine emphase mais sans plus de précision, il a déclaré que sa « confession » pouvait être « [ses] derniers mots en ce monde ».

Lors de la conférence de presse du 5 novembre, le président de l’Association des prêtres catholiques pour la justice, le P. Simon Chun Jong-hun, a dénoncé l’attitude des autorités face aux révélations de Kim Yong-cheol. Le ministère public ne fait pas son travail d’enquête ; il se contente de dire que les révélations de l’ancien salarié de Samsung ne sont pas des preuves, « mais c’est à lui de rechercher les preuves », a affirmé le prêtre. Les médias, notamment les grands journaux, sont également coupables de présenter l’affaire comme un conflit entre Samsung et un de ses anciens employés, alors que leurs enquêtes devraient porter sur l’étendu du système de corruption mis en place par le conglomérat, a-t-il encore ajouté. Les Coréens ne comprennent pas l’attitude des médias « qui gardent le silence face aux malversations avérées des milieux d’affaires tout en prétendant être incisifs et critiques dès lors qu’il s’agit de la vie politique du pays », a expliqué le P. Chun.

L’Association des prêtres catholiques pour la justice est une association réunissant un certain nombre de prêtres de l’Eglise catholique. Sans lien avec la hiérarchie catholique, l’association s’est illustrée durant les années 1970 et 1980 par son engagement en faveur de la démocratisation de la vie politique et sociale du pays. Identifiée par des prises de position progressistes, voire gauchisantes, elle est perçue par les milieux catholiques sud-coréens comme étant en perte de vitesse, notamment parmi les jeunes prêtres, qui, tout en estimant justes les causes pour lesquelles elle s’est engagée, considèrent que ses modes d’action ne sont plus adaptés à la société actuelle (1). Dans son communiqué du 29 octobre, l’Association fait référence aux manifestations populaires déclenchées le 10 juin 1987 après qu’elle eut révélé la mort d’un étudiant entre les mains de la police, des manifestations qui conduisirent, en dé-cembre 1987, aux premières élections présidentielles au suffrage universel depuis 1971 (2). Aujour-d’hui, l’Association « lance un second mouvement pour la démocratie, pour la justice économique », est-il précisé.