Eglises d'Asie

L’attitude d’une mission américaine sur la liberté religieuse est critiquée par le pouvoir vietnamien

Publié le 18/03/2010




Une délégation de la Commission américaine pour la liberté religieuse dans le monde a mené une mission d’enquête au Vietnam, du 26 octobre au 1er novembre dernier. Durant ce voyage, le groupe américain, placé sous la direction du président de la Commission, Michael Cromartie, a rencontré un grand nombre de personnalités, les unes appartenant aux instances dirigeantes du Parti et de l’Etat, les autres à diverses communautés religieuses reconnues ou non reconnues et aux milieux dissidents. Les propos échangés dans la plupart de ces entretiens ont été souvent rapportés par la presse officielle vietnamienne ainsi que par des communications diffusées sur Internet, ou encore sur les ondes de radios internationales.

Les interlocuteurs officiels de la délégation étaient nombreux. Les délégués ont rencontré successive-ment le Premier ministre Nguyên Tang Dung (1), le très influent responsable de la Sécurité publique Nguyên Van Huong (2), le directeur du Bureau des Affaires religieuses, ainsi qu’un certain nombre d’autres membres du gouvernement ou du Parlement. La liste des personnalités non gouvernementales interrogées par la délégation est également longue. La délégation s’est entretenue avec l’archevêque de Hanoi, Mgr Joseph Ngô Quang Kiêt, avec le vénérable Thich Quang Dô, second dans la hiérarchie du bouddhisme unifié (3), ainsi qu’avec des pasteurs responsables d’Eglises évangéliques dans le Nord et le Sud du pays.

La presse vietnamienne officielle s’est intéressée de près à ce voyage. Bien que le ton de certains articles de la presse officielle rapportant les diverses étapes du voyage ait été le plus souvent modéré, la mauvaise humeur provoquée par les rencontres de la délégation américaine avec certaines personnalités dissidentes s’est donné libre cours à plusieurs reprises. L’ancienne présidente de la Commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale, Mme Ton Nu Thi Ninh, a ainsi déclaré : « Je n’aime pas ce groupe des USA venant enquêter sur la liberté religieuse ici. Pourquoi l’Amérique se donne-t-elle le droit de nous surveiller ? » (4). La critique la plus acerbe a été exprimée dans l’organe de la Sécurité publique du 27 octobre. On y dénonçait le voyage de la délégation comme une stratégie utilisant la question religieuse pour saboter les relations entre le Vietnam et les Etats-Unis.

Depuis son retour du Vietnam, la délégation n’a pas encore rendu publique les conclusions de sa mission d’enquête. Cependant, selon Roger Mitton du Straits Times (5), il faut s’attendre à ce que le rapport présenté au Congrès américain par la délégation soit fortement critique et condamne des limitations imposées par le gouvernement aux groupes religieux. Il devrait souligner les difficultés rencontrées par les confessions religieuses pour obtenir un enregistrement officiel auprès des autorités. Il se pourrait même, affirme le journal singapourien, que la commission recommande le retour du Vietnam dans la liste des pays particulièrement préoccupants en matière de liberté religieuse. Le Vietnam avait été retiré de cette liste au mois de novembre dernier, lors de la visite du président George W. Bush à Hanoi, à l’occasion du sommet de l’APEC. Le même journal ajoute cependant que certains milieux américains ont été sensibles à plusieurs changements récents de la politique religieuse, dont les principales manifestations ont été la visite du Premier ministre au pape Benoît XVI au mois de janvier dernier, l’ouverture de négociations en vue de l’établissement de relations diplomatiques avec le Vatican et la reconnaissance officielle d’un certain nombre de groupes religieux, en particulier protestants.