Eglises d'Asie

Tamil Nadu : l’Eglise catholique déplore la recrudescence des divorces chez les jeunes couples catholiques actifs dans le secteur des technologies de l’information

Publié le 18/03/2010




A Chennai (anciennement Madras), dans l’Etat du Tamil Nadu, les couples qui demandent le divorce avant la fin de leur première année de mariage ou dans les premières années de vie commune ne sont pas rares. Conséquence des changements de rythmes de vie et des conditions de travail, la relation entre les jeunes époux est mise à mal et fait l’objet d’une attention toute particulière de la part de l’Eglise catholique locale.

L’exemple d’un jeune couple de catholiques, Stephan Rajkumar, 27 ans, et Priya Sheela, 24 ans, est ré-vélateur. Tous deux sont ingénieurs dans une entreprise de développement de logiciels informatiques. Après seulement trois mois de mariage, ils ont demandé, d’un commun accord (1), le divorce. La rai-son était simple : « Nous n’avions pas de temps l’un pour l’autre à cause de nos horaires de travail et nous avions très peu de choses en commun », explique Stephan Rajkumar. Priya Sheela évoque la même histoire en des termes différents : « Le mariage devenait un fardeau pour moi. Je trouvais difficile de mener de front mon travail et mon rôle d’épouse. Trouver du temps pour notre couple était impossible, à tel point que nous en étions arrivés à ne communiquer qu’en chattant sur Internet depuis nos bureaux respectifs. »

Sœur Jayamary Fernandez, responsable de la Commission pour la famille de l’archidiocèse de Madras-Mylapore, explique que, chaque jour en moyenne, elle reçoit trois couples au bord de la rupture. « Nous sommes inquiets car la tendance est à un nombre croissant de ruptures parmi les couples de catholiques, tout particulièrement les couples qui travaillent dans le secteur des technologies de l’information (IT, Information Technology).» Chennai est connue pour être un des principaux centres de l’informatique et des technologies de l’information en Inde. L’activité y connaît un boom impressionnant et les emplois se multiplient dans ces secteurs.

Les données officielles corroborent la tendance à l’augmentation du nombre des divorces. En 2006, environ 3 000 divorces ont été enregistrés pour la ville de Chennai. Au mois de juin de cette année, ce chiffre était déjà atteint et 40 % de ces divorces concernaient des couples travaillant dans le secteur des technologies de pointe. Pour Geetha Ramaseshan, avocate spécialisée dans les affaires de divorce, « la révolution technique a changé la perception du mariage chez la jeune génération et, influencés par la culture occidentale, les jeunes perçoivent désormais le mariage comme une question pratique, purement matérielle ». Une conseillère conjugale, Sudha Raghuraman, confirme que « la pression au travail, les longues heures de séparation d’avec son conjoint et l’intimité avec les collègues de travail sont autant de facteurs qui peuvent mener un mariage à la ruine ».

Selon Sœur Jayamary Fernandez, les changements ont été très rapides. Aujourd’hui, des jeunes comme Stephan Rajkumar et Priya Sheela touchent des salaires qui sont facilement cinq fois supérieurs à ceux de leurs parents. Une telle croissance et l’acquisition rapide d’une réelle indépendance financière « créent chez certains un sens, mal situé, de supériorité et d’invulnérabilité. Leur égo est démesuré-ment gonflé et leur capacité de jugement amoindrie, y compris chez les jeunes femmes », note la religieuse.

Sœur Catherine Bernard, directrice de Service and Research Foundation of Asia on Family and Culture, estime que l’Eglise se doit de réagir. Les sessions de préparation au mariage, expédiées en trois jours, ne sont pas adaptées à ces couples, explique-t-elle. Il serait souhaitable que l’Eglise mette en place des préparations « mieux construites et plus réalistes », adaptées au monde d’aujourd’hui. Il y a urgence, selon elle, car seules les familles dotées de valeurs fortes éduquent leurs enfants à devenir de bons époux. Elle ajoute que les séminaires devraient former des prêtres capables d’accompagner les couples dans les crises qu’ils peuvent traverser.