Eglises d'Asie

Un religieux bouddhiste disparu du Cambodge au mois de juin 2007 vient d’être condamné à un an de prison par un tribunal vietnamien

Publié le 18/03/2010




A la fin du mois de juin 2007, le vénérable Tim Sakhorn, religieux bouddhiste d’origine khmère Krom (appartenant à la population khmère vivant au sud-ouest du Vietnam), disparaissait soudainement de sa pagode située au Cambodge. Cette disparition avait soulevé des protestations de la part d’un certain nombre d’associations humanitaires et des milieux de l’opposition politique cambodgienne. Ces protestations et la polémique qui a suivi étaient dirigées contre les autorités cambodgiennes, accusées d’être à l’origine de cette disparition, puis contre le pouvoir vietnamien, lorsqu’on apprit assez rapidement que le religieux était détenu dans une prison du Vietnam. Le 9 novembre dernier, les médias vietnamiens publiaient une information selon laquelle le religieux avait comparu la veille devant un tribunal de la province d’An Giang. Il y a été condamné à un an de prison pour sabotage de la politique d’union nationale.

Selon les médias vietnamiens (1), le prévenu était accusé d’avoir reçu argent et documents d’une organisation réactionnaire opérant depuis l’étranger, d’avoir distribué 500 de ces documents ainsi que 300 CD-ROM contenant une propagande hostile à l’Etat du Vietnam, encourageant les Khmers de la province d’An Gian à manifester et à semer le trouble. Cependant, ajoutaient les comptes-rendus des journaux officiels, le tribunal aurait tenu compte de la franchise et du remords manifesté par l’inculpé et ne lui a infligé qu’une peine légère d’un an de prison.

Selon des témoignages recueillis par Radio Free Asia (2), l’inculpé n’était assisté d’aucun avocat et aucun témoin ne s’est présenté à la barre. Le religieux lui-même s’est vu refuser le droit à prendre la parole. Une dizaine de religieux khmers et une dizaine de laïcs assistaient au procès. L’acte d’accusation du parquet d’An Giang a exposé les raisons de la présence de ce religieux, citoyen cambodgien, dans un tribunal vietnamien. Il a précisé que le bonze avait été expulsé du Cambodge par le gouvernement de ce pays. Il avait été ensuite arrêté au Vietnam, au poste frontalier de Tinh Biên, dans la province d’An Giang, alors qu’il rentrait illégalement au Vietnam.

Avec quelques modifications, ce rapport des faits s’accorde en fin de compte aux accusations publiques qui avaient été lancées par des associations humanitaires au mois de juin dernier. Le vénérable Tim Sakhorn était responsable de la pagode de Phnom Den, dans la province de Takéo, au Cambodge. Le 30 juin 2007, les dirigeants religieux officiels du bouddhisme cambodgien enjoignirent au religieux khmer Krom de quitter l’habit religieux, l’accusant de saboter les relations avec le Vietnam. Le même jour, il fut emmené, sans que l’on sache vers quelle destination. Les associations humanitaires accusèrent alors le gouvernement cambodgien de violer sa propre Constitution en expulsant le religieux Tim Sakhorn hors de son pays vers le Vietnam. Le ministre de l’Intérieur avait alors publié un démenti public, déclarant qu’il n’y avait jamais eu d’expulsion de citoyens cambodgiens hors de son propre pays. Par la suite un député cambodgien, Son Chhay, appartenant au Parti Sam Raimsy, s’est vu refuser un entretien avec les responsables de l’ambassade du Vietnam à Phnom Penh à ce sujet.

Le 1er août 2007 les médias officiels du Vietnam reconnurent publiquement que les autorités de leur pays détenaient « provisoirement » le religieux. Les critiques des associations humanitaires comme celles de l’opposition politique au Cambodge se tournèrent alors contre le Vietnam, accusé d’avoir violé la souveraineté cambodgienne. La controverse devint publique et le Premier ministre Hun Sen fut obligé de négocier avec le chef du parti d’opposition à ce sujet. Dans une lettre écrite au roi Sihanouk à la fin du mois de septembre, Hun Sen déclarait, comme l’avait fait auparavant le ministre de l’Intérieur, que le départ du religieux au Vietnam avait été volontaire (3) et affirmait que, dans cette affaire, le Vietnam n’était pas coupable mais que toute la responsabilité incombait à la « Ligue khmère du Kampuchea Krom », association qui, depuis l’étranger, vise à saboter les relations entre le Cambodge et le Vietnam. Le Premier ministre ajoutait que le vénérable Tim Sakhorn était aux ordres de la ligue et lui attribuait encore d’autres fautes d’ordre personnel.