Eglises d'Asie

Des catholiques dénoncent les mauvaises conditions de vie en prison et souhaitent une réforme du système judiciaire

Publié le 18/03/2010




« Découvrir le visage du Christ au cœur des prisons » était le thème de l’assemblée générale des aumôniers et visiteurs de prison, qui a eu lieu du 27 au 30 novembre dernier. Deux cent trente délégués de 57 diocèses et de six ONG étaient présents au centre de formation de Taytay, dans la province de Rizal. Durant quatre jours de débats, les délégués ont dénoncé les conditions déplorables dans lesquelles vivent les prisonniers et souligné les limites du système judiciaire philippin.

Après 35 années de visites dans la prison de Dumaguete et celle de Bilibid, à Muntinlupa, Sr Felicina Gubuan, de la congrégation des Sœurs de Saint Paul de Chartres (1), a expliqué à l’assemblée que la plupart des détenus qu’elle rencontrait lui confiaient que, par-dessus tout, ils souhaitaient « retrouver leur dignité humaine ». En passant une journée par semaine avec eux, elle s’est rendu compte des nombreuses limites du système judiciaire philippin, à tel point, explique-t-elle, que « certains des prisonniers ont déjà purgé la moitié de leur peine avant de connaître le verdict définitif auquel ils sont condamnés ». Elle a ajouté qu’il n’était pas rare rencontrer des détenus ayant purgé six ou sept années de prison avant d’apprendre que le tribunal ne les condamnait qu’à une peine de cinq ans de détention. Et pendant toutes ces années, bien des prisonniers ne reçoivent aucune visite et aucune aide de leur famille, « trop pauvre » pour se déplacer, a déploré Sr Gubuan.

Il existe un vrai malaise dans les prisons, où les mauvais traitements, ajoutés à la surpopulation, rend la vie carcérale très difficile. Selon un rapport du National Statistical Coordination Board sur la situation des prisons en 2002, 25 002 détenus étaient incarcérés dans les sept prisons nationales et deux tiers d’entre eux dans le seul pénitencier de Muntinlupa. Ce centre de détention accueille aujourd’hui un nombre de détenus deux fois supérieurs à celui pour lequel il a été conçu.

A propos des conditions de vie en milieu carcéral, le P. Burton Villarmente, de la Commission épiscopale pour la pastorale des prisons (ECPPC), n’a pas hésité à parler de « traitements cruels » et a souhaité que les prisonniers puissent retrouver un environnement sain, des contacts avec l’extérieur par les visites, un droit à l’éducation, une nourriture équilibrée et des soins médicaux adaptés. Il a insisté sur le fait que « les bénévoles catholiques qui visitent les prisons ne peuvent répondre à tous ces problèmes ». Comme Sr Gubuan, il a déploré l’absence du soutien familial, très important en milieu carcéral.

L’assemblée générale a permis de mettre en évidence l’ensemble des problèmes qui touchent le milieu carcéral : un « système judiciaire trop lent et des centres pénitentiaires inadaptés aux besoins », le principal révélateur restant que le « système punitif par la prison » instauré dans le pays ne parvient pas à dissuader les criminels et les malfaiteurs, selon Rodolfo Diamente, secrétaire exécutif de l’ECPPC.

Le P. Otilio Arriola, du diocèse de San Carlos, sur l’île Negros, a passé 35 ans à travailler en milieu carcéral. La majeure partie des hommes qu’il a rencontrés ont été jetés en prison pour vol. Or, explique-t-il, « ces hommes ont volé pour que leur famille ait le minimum nécessaire pour survivre ». Selon lui, il faut reprendre le problème à la base et instaurer des réformes de fond, la réforme agraire par exemple, afin d’obliger « les familles les plus riches à partager avec les plus pauvres ».