Eglises d'Asie

Andhra Pradesh : le gouvernement retire un projet de loi controversé relatif aux biens fonciers des Eglises chrétiennes

Publié le 18/03/2010




Le 17 décembre dernier, le ministre-président de l’Etat de l’Andhra Pradesh, Y. S. Rajasekhara Reddy, un protestant (1), participait à une célébration œcuménique de Noël à Hyderabad, capitale de cet Etat du sud de l’Inde où les 3,5 millions de chrétiens représentent 4 % de la population. Il a profité de l’occasion pour annoncer aux chrétiens que son gouvernement cédait aux revendications des principaux responsables d’Eglises chrétiennes de l’Etat, de voir retiré un projet de loi relatif aux biens fonciers des Eglises chrétiennes. Rajasekhara Reddy s’est engagé à ce que ce projet ne soit pas soumis au vote des parlementaires tant que les organisations chrétiennes concernées et l’Etat ne se seront pas mis d’accord sur le contenu de ce texte législatif.

L’affaire trouve sa genèse en mars 2005, avec la vente d’un terrain appartenant à une Eglise protestante à Kurnool, un district de l’Andhra Pradesh. Le Parlement de l’Etat s’est intéressé à cette occasion aux conditions dans lesquelles des Eglises chrétiennes sont amenées à se séparer de biens fonciers et une commission a alors été créée pour préparer un texte de loi. Au fil des auditions, des irrégularités ont été mises à jour dans la manière dont certaines transactions ont pu avoir lieu et, finalement, le 27 juillet 2007, un rapport final a été rendu public. Selon Christine Lazares, parlementaire et membre de cette commission, étant donné l’ampleur des sommes en jeu – elle a cité le chiffre de 20 milliards de roupies (350 millions d’euros) de terrains appartenant à des Eglises et vendus « pour trois fois rien », en Andhra Pradesh, au cours de ces vingt dernières années –, il était nécessaire de créer, par voie législative, un bureau des propriétés d’Eglises chargé de préserver ces biens de la convoitise d’intérêts privés.

 

Très rapidement, les responsables des Eglises chrétiennes ont dit leur opposition à la création d’une telle structure. Ils ont certes admis que des abus avaient pu être commis mais que ceux-ci ne devaient pas servir de prétexte à la création d’un bureau d’Etat ayant vocation à intervenir dans le fonctionnement interne des Eglises chrétiennes. Lorsque, le 4 décembre dernier, le texte du projet de loi a été rendu public, leur opposition a redoublé. Il y était notamment question que le gouvernement ait le pouvoir de démettre le responsable d’une organisation chrétienne dès lors qu’il était établi que celui-ci était alcoolique ou dépendant de substances illicites. « Comment le gouvernement peut-il s’ingérer dans pareil domaine ? Nous ne sommes pas au service de l’Etat ! », s’est indigné le P. Anthoniraj Thumma, prêtre catholique et secrétaire exécutif de la Fédération des Eglises de l’Andhra Pradesh, une organisation œcuménique.

 

Pour le P. Raju Alex, conseiller pour les affaires juridiques à l’archidiocèse de Hyderabad, ce n’est pas parce que des textes similaires sont déjà en vigueur pour les hindous et les musulmans qu’il doit en aller de même pour les chrétiens. Il explique que les membres de la commission parlementaire ont concentré leur attention sur une série de cas concernant de toutes petites Eglises et ont systématiquement écarté le point de vue des grandes dénominations protestantes ou de l’Eglise catholique. « Les suggestions faites par les dirigeants de ces grandes Eglises n’ont pas été retenues dans le texte final du projet de loi », regrette-t-il, car ce texte « ne reflète ni le paysage chrétien réel ni la manière dont les Eglises fonctionnent ».

 

Selon B. Danam, un des responsables de la Fédération des Eglises de l’Andhra Pradesh, il est peut-être « nécessaire » qu’une loi soit votée pour protéger et éventuellement récupérer des propriétés d’Eglises, mais un tel texte ne peut être rédigé que s’il existe un consensus quant à son contenu.