Eglises d'Asie – Inde
Goa : soutenue par l’Eglise catholique, l’opposition à la politique de développement économique menée par l’Etat prend de l’ampleur
Publié le 18/03/2010
Le P. Fernandes explique que l’Eglise a été la première à s’élever contre les conséquences probables de la stratégie de développement économique choisie par les autorités de l’Etat. En 2005, « nous avons organisé un symposium à ce sujet et, dès cette date, nous avons informé le gouvernement que sa politique n’était pas favorable aux intérêts des habitants de Goa. Aujourd’hui, notre point de vue n’a pas changé et les gens sont de plus en plus nombreux à partager notre analyse », poursuit-il.
La politique de développement des SEZ n’est pas propre à l’Etat de Goa. Initiée par New Delhi, menée dans divers Etats de l’Union indienne dans une optique de développement économique, elle consiste en l’octroi de dispositions favorables aux entrepreneurs privés, pourvu que ceux-ci investissent dans des régions classées comme défavorisées. Dans les faits, cette politique se traduit par des réaffectations de terrains, qui, de terres agricoles, deviennent constructibles pour des projets d’urbanisme ou de parcs industriels.
Les opposants à cette politique affirment que les entreprises privées récupèrent ainsi à peu de frais des terres agricoles à des petits paysans qui se retrouvent sans rien pour vivre, sinon une modeste indemnisation. Entre 1997 et 2005, le taux de suicide des paysans a augmenté de 52 %, les défenseurs des plus pauvres parlant de « Special Elimination Zone », par référence aux « Special Economic Zones », notamment pour les grands Etats que sont le Maharashtra, l’Andra Pradesh, le Karnataka et le Madhya Pradesh.
A Goa, les opposants au développement des SEZ mettent en avant les bouleversements humains auxquels aboutira la politique économique du gouvernement si elle est menée à son terme. Dans un Etat peuplé de seulement 1,3 million d’habitants, les autorités disent que les SEZ vont créer 900 000 nouveaux emplois. Pour Joaquim Gracias, journaliste goanais et membre du Front d’opposition aux SEZ (« SEZ Virodhi Manch »), Goa ne compte que 100 000 chômeurs ou personnes en situation de sous-emploi ; il faudra donc recourir à des apports extérieurs de main-d’œuvre et, à raison de quatre personnes par famille, la population de l’Etat sera multipliée par quatre. C’est toute la réalité sociale et environnementale de Goa qui sera transformée, affirme Joaquim Gracias, en mettant en avant des problèmes relatifs à l’approvisionnement en eau ou à l’évacuation des déchets ; d’autres opposants aux SEZ rappellent que l’Etat a connu, en mars 2006, des violences intercommunautaires (1).
Le 6 décembre, ce sont quelques centaines de personnes qui, accompagnées par un membre du Parlement local, ont obtenu l’arrêt des travaux du « Rajiv Gandhi Information Technology Habitat », un projet immobilier entrepris à Dona Paula, localité proche de Panaji, capitale de l’Etat de Goa. Trois jours plus tard, une foule de 5 000 personnes réclamait l’arrêt définitif des travaux. Le 7 décembre, ce sont les villageois de Keri, dans le district de Ponda, à 20 km au sud-est de Panaji, qui ont envahi le chantier de la SEZ locale et en ont expulsé les 400 ouvriers au travail ce jour-là. Le 10 décembre, dans le village de Verna, à 22 km au sud de Panaji, « des tours de garde » ont empêché une centaine d’ouvriers de reprendre le travail. Deux jours auparavant, le ministre-président de l’Etat avait pourtant déclaré que, « cédant à la pression publique », les travaux étaient arrêtés.
Pour les opposants aux SEZ, l’engagement de l’Eglise catholique a été décisif pour obtenir la mobilisation de la population. Ils rappellent que, dans bon nombre de paroisses, le sujet a été abordé en chaire par les curés. Ramakrishna Jalmi, de religion hindoue et coordinateur des actions menées à Keri contre la construction d’une unité de production de produits pharmaceutiques, explique que l’Eglise n’a pas hésité « à nous guider ».