Eglises d'Asie

Selon un spécialiste australien de l’islam indonésien, les partis politiques islamiques demeurent peu populaires

Publié le 18/03/2010




Pour Greg Fealy, universitaire australien spécialiste de l’islam indonésien, les partis politiques islamiques en Indonésie restent relativement peu populaires (1). Un fait qui s’explique par la faiblesse de leur direction et le refus de prendre en compte les attentes de l’électorat, ce qui pourrait se traduire par un résultat relativement médiocre de ces partis lors des prochaines élections législatives, prévues pour 2009.

Chercheur à la School of Pacific and Asian Studies de l’Université nationale d’Australie, à Canberra, Greg Fealy se trouvait à Djakarta à l’occasion de la publication de la traduction en indonésien de son ouvrage Joining the caravan? The Middle East, Islamism and Indonesia, une analyse des influences venues du Moyen-Orient sur l’islam indonésien dans le contexte de l’après-11 Septembre 2001 et des attentats de Bali de novembre 2002. L’ouvrage en indonésien a été publié par l’Islamic Publishing House Mizan, maison d’édition fondée en 1983 pour promouvoir une vision plurielle de l’islam. Greg Fealy était invité à s’exprimer dans le cadre d’une conférence organisée par sa maison d’édition et par l’Institut indonésien des sciences (LIPI, Lembaga Ilmu Pengetahuan Indonesia), une institution publique.

 

« Sur la scène politique, tous les partis islamiques en Indonésie présentent une direction qui peut être caractérisée par sa faiblesse », a déclaré le chercheur, dont les propos ont été rapportés le 8 février dernier, par le Jakarta Post. Que ce soit au Parti du réveil national (PKB), le Parti de la justice et de la prospérité (PKS), le Parti du développement uni (PPP) ou bien encore le Parti du mandat national (PAN), le fait se vérifie. Greg Fealy a cité le cas du président du PPP, Suryadharma Ali, qui, au sein même de son parti, n’est pas considéré comme étant une personnalité d’envergure. « C’est là un handicap certain dès lors qu’il s’agira, en 2009, d’aller chercher des voix supplémentaires », a-t-il souligné. Une assertion que n’a pas démentie Irgan Chairul Mahfiz, secrétaire général du parti en question, et à laquelle il a répondu que lui et les militants du PPP feraient tout pour faire mentir le chercheur australien.

 

Selon Greg Fealy, ce problème de leadership n’est pas nouveau. La figure historique du PKB, l’ancien président de la République, Abdurrahman Wahid, domine de longue date le processus de prise de décision au sein de ce parti. « A terme, ce n’est pas une bonne chose car la démocratie interne au parti s’en trouve affaiblie », a-t-il expliqué, ajoutant qu’un parti tel que le PAN dépendait lui aussi trop exclusivement de la figure de son actuel chef, Sutrisno Bachir. « Au moment où Bachir se retire de la vie politique, l’avenir du parti est en question. »

 

Intervenant lors de la conférence, Syamsuddin Haris, observateur de la scène politique et membre du LIPI, a ajouté que le PKS souffrait lui aussi de faiblesse, non pas du fait d’un problème de leadership mais de positionnement politique. N’hésitant pas à prendre des positions tranchées, le parti « manque de personnalités fortes qui mettent l’accent sur les valeurs pluralistes ». A titre d’exemple, il a cité le fort engagement du parti en faveur du vote de la loi anti-pornographie (2). « Le PKS considère qu’il s’agit là d’un combat pour la défense des valeurs islamiques, mais il ne voit pas qu’une importante fraction de l’opinion considère sa position comme une limitation à la liberté d’expression dans la société. »

 

Comme en écho à ces propos, le PKS a publié un communiqué pour affirmer que sa ligne demeurait inchangée, des rumeurs laissant entendre que sa direction envisageait un virage vers une ligne politique plus ouverte. « Le terme ‘ouverture’ n’a jamais fait partie de notre programme (…). Le PKS est et demeure un parti qui prône l’islam et défend les principes de la morale islamique et de la charia », pouvait-on lire dans le communiqué rendu public le 6 février dernier.

 

Yudi Latif, de l’Institut pour la réforme, a toutefois exprimé des réserves sur la supposée faiblesse électorale des partis islamiques. En 2004, l’ensemble de ces partis a réuni 38 % des suffrages, en légère hausse en comparaison des 36 % de 1999. En 2009, les partis islamiques pourraient consolider, voire étendre, leur électorat s’ils parviennent à attirer à eux les électeurs indécis, qui ne définissent pas prioritairement leur choix électoral par un facteur idéologique. « En fonction de ce que feront les électeurs indécis, le PKS peut ainsi très bien dépasser les 7,3 % de voix obtenus en 2004 », a-t-il estimé.