Eglises d'Asie

Accueil mitigé de la position des évêques catholiques face aux pressions de la société civile demandant la démission de la présidente de la République

Publié le 18/03/2010




Le 26 février dernier, à Manille, à l’issue d’une session extraordinaire de la Conférence épiscopale, les évêques catholiques se sont exprimés sur les récents scandales politiques. Pressés de soutenir les mouvements de la société civile demandant la démission de la présidente de la République, les évêques ont adopté une position ne demandant pas explicitement le départ de la présidente. Position accueillie de façon mitigée par les fidèles.

La « Déclaration pastorale » de la CBCP (Catholic Bishops’ Conference of the Philippines), intitulée : « Rechercher la vérité et restaurer l’intégrité », fait référence au scandale de corruption dans lequel l’époux de Gloria Macapagal Arroyo semble être impliqué (1). Les 57 évêques philippins qui ont pris part à la session extraordinaire de la CBCP ont condamné l’actuelle « culture de corruption » et ont exhorté le chef de l’Etat et le gouvernement philippin à prendre des mesures pour lutter contre ce fléau. Ils ont demandé l’abrogation de l’Executive Order 464. Cette directive, mise en place en 2005 à la demande de Gloria Macapagal Arroyo, exige l’accord du président de la République pour que de hauts fonctionnaires puissent être auditionnés dans le cadre de certaines enquêtes. Les prélats demandent notamment à la présidente d’autoriser ses proches collaborateurs à pouvoir être auditionnés dans le cadre de l’enquête relative au scandale actuel, qui éclabousse la réputation de son époux, déjà entamée, ces dernières années, par différentes affaires de corruption.

 

Mgr Leonardo Legaspi, archevêque de Caceres, a lu la déclaration de la CBCP lors d’une conférence de presse, le 26 février. Interrogé le lendemain sur la position politiquement neutre de la CBCP, il a expliqué que les évêques « n’a[vaient] pas explicitement demandé la démission de la présidente, mais son implication dans la lutte contre la corruption ». « Le chef de l’Etat se doit de s’impliquer dans les réformes qui permettront à la nation de trouver le chemin menant à la maturité politique. » Savoir s’il existe suffisamment de raisons pour appeler la présidente à la démission n’est pas la question sur laquelle les évêques se sont penchés et ont discerné. « C’est au peuple de décider, cela ne relève pas de nos compétences », a-t-il précisé.

 

La réponse des évêques, soumis à de fortes pressions de la part de l’opinion publique dans cette nouvelle crise politique, peut être analysée de plusieurs manières. Elle semble tout d’abord confirmer le manque d’unité de l’épiscopat sur le fait de savoir si l’Eglise catholique doit prendre officiellement position dans les crises politiques à répétition que traverse le pays. Depuis une vingtaine d’années, les Philippins sont en effet habitués à voir l’Eglise catholique prendre position politiquement, jouant un rôle de guide dans les affaires temporelles de la nation. On se souvient du rôle déterminant de l’Eglise lors des manifestations « People Power » de 1986 et de 2001, notamment avec l’emblématique figure du cardinal Sin, invitant les fidèles à manifester pacifiquement et dans la prière pour obtenir sans effusion de sang la chute des chefs de l’Etat de l’époque.

 

Alors que des milliers de personnes ont manifesté, ces jours derniers, dans les rues de la capitale pour demander la démission de la présidente, tout en célébrant le 22ème anniversaire du « People Power » de 1986, et que des messes ont été célébrées, ce 25 février, à ce propos, force est de constater que l’Eglise catholique ne semble plus vouloir jouer ce rôle central sur la scène politique. « People Power, ce n’est pas simplement renverser un président, mais c’est aussi changer le système, notre société et nous-mêmes », a déclaré dans son homélie le curé du sanctuaire marial de Notre-Dame du Perpétuel secours, au sud de Manille, lors d’une messe célébrée pour « la vérité et la responsabilité », qui a rassemblé plus de 4 000 fidèles en ce jour anniversaire.

 

Pour nombre de groupes de la société civile, « la position insipide » des évêques philippins reste néanmoins décevante. « Nous avons besoin d’évêques qui s’engagent et osent dire au monde que quelque chose ne tourne pas rond avec notre gouvernement », a ainsi déclaré Alvin Peters, du mouvement Youth ACT Now ! Dans la presse locale, des observateurs ont rapporté le fait qu’en 2001, le cardinal Sin avait reçu des consignes du Saint-Siège allant dans le sens d’un désengagement de l’Eglise lors des manifestations anti-Estrada, mais que celui, alors cardinal-archevêque de Manille, était passé outre.