Eglises d'Asie – Corée du sud
POUR APPROFONDIR – Que ferait Jésus pour la Corée du Nord ? – le témoignage d’un commando nord-coréen devenu pasteur protestant –
Publié le 18/03/2010
En attendant, il sera peut-être intéressé par le regard qu’un ancien commando nord-coréen, devenu depuis un fidèle disciple de Jésus, porte sur son pays. « Les Nord-Coréens et les Sud-Coréens sont un même peuple. Nous devrions nous aimer, mais aussi tenir compte du fait qu’au plan idéologique, nous restons des frères ennemis. C’est encore vrai aujourd’hui », déclare le Révérend Kim Shin-jo, 67 ans, dans une interview donnée dans son église, située à flanc de colline, sur le Mont Ungil (dans la ville de Namyangju, à l’est de Séoul).
En 1968, le Révérend Kim était alors le lieutenant Kim. Il fut le seul sur les 31 membres d’un commando nord-coréen envoyé à Séoul à avoir été capturé vivant. « Je suis venu ici pour décapiter Park Chung-hee » : cette déclaration terrifiante de Kim, au moment de son arrestation, avait fait la une de la presse internationale. Park Chung-hee était à l’époque président de la Corée du Sud.
Après avoir subi, pendant plus d’un an, les interrogatoires musclés des autorités sud-coréennes, Kim avait été relâché. Il s’est avéré qu’il n’avait pas tiré un seul coup de feu dans cette aventure meurtrière – au cours de laquelle son escadron s’était approché à 300 mètres du palais présidentiel – qui s’était soldée par la mort de 34 Sud-Coréens et de 29 commandos nord-coréens. Un autre commando avait réussi à s’enfuir et à regagner la Corée du Nord.
Aujourd’hui, 40 ans plus tard, Kim salue l’entrée en fonction du nouveau président Lee, tout en affirmant que le gouvernement précédent de Roh-Moo-hyun s’est montré naïf dans ses rapports avec la Corée du Nord : « Ils travaillent avec la Corée du Nord sans la connaître ». Et d’ajouter que lui, il connaît la façon de penser des Nord-Coréens parce qu’il en vient. Kim critique également certains hommes politiques qui tentent de s’emparer du « programme nucléaire nord-coréen » pour servir leurs propres intérêts politiques.
« Quelques politiciens se vantent d’avoir rencontré de hauts fonctionnaires nord-coréens. D’autres affirment que Kim Jong-il est un dirigeant de grande envergure. Paradoxalement, ils utilisent ces arguments pour essayer d’accroître leur visibilité politique au Sud. Ils devraient arrêter d’utiliser la Corée du Nord dans leurs manœuvres politiques », déclare Kim.
Kim vit en Corée du Sud depuis suffisamment longtemps pour s’exprimer sans aucune trace d’accent nord-coréen. Mais durant ses premières années, en Corée du Sud capitaliste, sa nouvelle vie n’a pas été facile.
Ainsi, quand son fils était à l’école élémentaire, ce dernier a découvert dans un manuel scolaire anti-communiste, un personnage noir, sinistre, avec des cornes sur la tête qui ressemblait à un démon : au dessous était inscrit le nom de son père. Ses camarades de classe le brutalisaient car il était « fils de coco ». Quand sa femme allait faire les courses, ses voisins la méprisaient et la traitaient de « femme de communiste ». Face à l’hostilité des habitants, la famille de Kim a dû partir s’installer dans une autre ville, mais des habitants ont appris son passé et sa famille est redevenue la cible de moqueries. Une fois de plus, ils ont été contraints de déménager.
Kim a été très affligé que sa famille souffre ainsi de son passé. Il a aussi appris qu’après avoir adopté la nationalité sud-coréenne en 1970, ses parents ont été exécutés sur la place publique et ses proches ont tous été envoyés en camps en Corée du Nord. Accablé par la réprobation publique dans le Sud, rongé par la culpabilité, Kim a pensé au suicide à maintes reprises. Finalement, il a trouvé la consolation dans la religion, sa femme l’ayant aidé à franchir ce cap.
« Un jour, c’était l’anniversaire de ma femme. Et elle m’a demandé de lui faire un cadeau original : elle voulait que j’assiste à une messe. » Kim accepte. Mais au début, la pratique religieuse le troublait, car nombre de rites pratiqués à la messe étaient similaires à ceux de la Corée du Nord. « Quand les gens priaient ‘Dieu’, cela me rappelait Kim Il-sung, considéré comme Dieu en Corée du Nord », raconte Kim. « Quand les gens parlaient de Jésus, le fils de Dieu, l’image de Kim Jong-il me venait aussitôt à l’esprit. Le mot ‘repentir’ me rappelait ‘l’autocritique’ du pays communiste. J’assimilais la quête aux ‘cotisations d’adhésion au Parti communiste” ». Kim ne savait pas que le communisme et le christianisme avaient autant de points communs.
Aujourd’hui, Kim est pasteur depuis 13 ans. A ce jour, il a prêché dans près de 3 000 églises en Corée du Sud et 180 aux Etats-Unis, au Canada et en Australie, témoignant de sa vie et partageant sa foi.
Kim espère aider les Nord-Coréens à découvrir Dieu. Aujourd’hui, il a deux petits-enfants, et jouit d’une vie stable. « Je veux que les fugitifs nord-coréens sachent que la Corée du Sud est un pays où l’on peut réussir si l’on travaille dur », atteste-t-il.
Il continue également à exprimer des opinions tranchées sur Kim Jong-il. « Kim Jong-il a le même âge que moi. Il doit abandonner l’idée d’étendre le communisme à la Corée du Sud : c’est une cause perdue. L’erreur est humaine. Il devrait ouvrir la Corée du Nord au monde extérieur : c’est ce que nous appelons de nos vœux. Pour cela, il faudrait qu’il prenne une grande décision. Nous ne voulons pas forcément la chute du régime nord-coréen, il s’écroulera de lui-même, car les habitants (de la Corée du Nord) ne veulent pas vivre en prison : ils veulent la liberté. »
Kim pense que l’aide internationale a ses limites et que le véritable changement doit venir de l’intérieur. Ainsi, il suggère que la Corée du Nord envoie des gens talentueux se former au Sud, pour qu’ils puissent ensuite retourner dans la société nord-coréenne et contribuent à améliorer la situation dans leur pays. Il assure que la Corée du Nord devrait même penser à envoyer des jeunes étudier aux Etats-Unis. « La Chine aussi l’a fait », précise-t-il.
Kim avoue qu’il aimerait se rendre dans sa ville natale en Corée du Nord. « Quand on quitte sa maison le matin, on est content de rentrer chez soi le soir. Toute ma vie, je n’ai cessé de me sentir coupable de ce qui est arrivé à ma famille et à mes proches », confie-t-il d’une voix apaisée.
Toutefois, Kim pense qu’à trop espérer, on risque d’être déçu et que son souhait mettra longtemps à se concrétiser. « J’envisage cette possibilité, cela se fera en temps voulu. Jésus nous a appris à être patients ».