Eglises d'Asie

Une étude souligne la prégnance des divisions de castes au sein de l’Eglise catholique au Tamil Nadu

Publié le 18/03/2010




Les divisions dues à l’appartenance de castes et à l’appartenance linguistique – celle-ci étant liée à celle-là – continuent de « hanter » les communautés religieuses au Tamil Nadu et ont « un impact sur leur spiritualité, leur unité et leur avenir ». Tel est le constat dressé par un religieux catholique, après une étude menée auprès de 53 congrégations religieuses, locales et internationales, actives au Tamil Nadu, un Etat du sud de l’Inde. Seule une politique volontariste d’éducation et d’ouverture « multiculturelle » permettra de « contrer les effets liés à ces identités de groupe » afin de permettre « une croissance saine et équilibrée des communautés religieuses catholiques », explique Frère Paul Raj, 45 ans, des Frères de Saint-Gabriel, une congrégation de la famille spirituelle fondée par saint Louis-Marie Grignion de Montfort.

Le 16 février dernier, Frère Raj a rendu les conclusions de son travail, mené dans le cadre d’études doctorales à l’Université publique de Madras. Sur les 13 000 religieux et religieuses du Tamil Nadu, 550 noms avaient été choisis au hasard parmi 41 congrégations féminines et 12 congrégations masculines (28 congrégations fondées en Inde et 25 congrégations internationales) pour répondre à un certain nombre de questions.

 

Selon l’étude, 43 % des religieux et religieuses interrogés disent que des discriminations de castes sont « manifestement à l’œuvre » dans les nominations, les transferts et autres décisions. Pour huit sur dix des personnes sondées, la pensée et les actes des religieux, hommes et femmes, sont affectés par « des attitudes influencées négativement par l’appartenance linguistique et de castes ». Et ces tendances sont « exprimées au Tamil Nadu plus ouvertement qu’ailleurs ». Toutefois, avant de choisir la vie religieuse, près de 80 % des religieux et religieuses interrogés n’avaient pas conscience du fait que ces aspects liés à la caste jouait un rôle si important dans la vie des congrégations religieuses. L’auraient-ils su, ils sont 54 % à affirmer qu’ils n’auraient pas choisi l’engagement qui est désormais le leur.

 

Pour 70 % des sondés, le problème des castes dans l’Eglise n’est pas limité à la seule vie interne des congrégations religieuses. Il se constate dans l’ensemble de la vie de l’Eglise au Tamil Nadu et l’exemple de la paroisse de Thachur est cité à cet égard (1). Les conséquences sur la vie de l’Eglise sont « une perte d’énergie et de vitalité évangélisatrice ». Six sur dix des personnes interrogées expliquent qu’au sein des congrégations, des groupes s’organisent sur la base d’une appartenance de castes et constituent des réseaux parallèles « de solidarité et de soutien » à la poursuite d’objectifs séculiers, tels que l’argent ou le pouvoir. Pour les deux tiers des sondés, les consultations menées avant les nominations de supérieurs de congrégations « ne constituent plus un exercice sain » dans la mesure où « les appartenances linguistique et de castes influent sur ces décisions ». Tout ceci a « de graves répercussions » sur le témoignage que l’Eglise donne à la société indienne, écrit Frère Raj, et ce sont là des tendances qui se trouvent renforcées par l’émergence récente sur la scène politique du Tamil Nadu de partis politiques fondés sur l’appartenance de castes ou liés à un territoire particulier.

 

Pour s’opposer à cette situation, Frère Raj recommande diverses mesures. Tout d’abord, la Conférence des supérieurs majeurs en Inde sera informée de la teneur de son travail. Ensuite, seul un travail en profondeur d’éducation et d’apprentissage « multiculturel » peut amener les congrégations religieuses à mieux « témoigner du message de Jésus Christ ». Mais 62 % des sondés constatent « des résistances » dès lors qu’il est question de renforcer « le multiculturalisme ». Frère Raj recommande que les supérieurs des congrégations « identifient des personnalités prophétiques pour les promouvoir et contrer ainsi les forces de division ». Les nominations faites sur la base d’une appartenance de castes doivent être bannies et chaque congrégation doit s’interroger sur sa fidélité à son charisme d’origine.