Eglises d'Asie

Des responsables religieux chrétiens et musulmans ont demandé aux Pays-Bas de bloquer la sortie d’un film néerlandais sur l’islam

Publié le 18/03/2010




Parmi les vives réactions provoquées par la sortie du film contre l’islam du député populiste néerlandais Geert Wilders, des responsables religieux indonésiens ont fait entendre leur voix. Dans une lettre ouverte au Premier ministre néerlandais, Jan-Peter Balkenende, ils ont exprimé leur « rejet du film Fitna, diffamatoire envers l’islam et son livre saint, le Coran », disant leur inquiétude quant aux conséquences pour les relations entre les croyants de la diffusion d’un tel film.

Le film en question, Fitna, mot arabe utilisé pour désigner une querelle ou une discorde, a été réalisé par Geert Wilders, homme politique d’extrême-droite. D’une durée de 17 minutes, il a fait couler beaucoup d’encre avant même sa diffusion qui a finalement eu lieu le 27 mars ; ce jour-là, un site d’échanges de vidéos l’a mis en ligne su Internet, malgré les appels du gouvernement néerlandais à la retenue (1). L’annonce de sa diffusion a suscité de vives réactions dans le monde musulman et embarrasse le gouvernement néerlandais.

En Indonésie, ancienne colonie hollandaise, les milieux chrétiens ont décidé d’agir de manière préventive afin de désamorcer tout éventuel embrasement semblable à celui qu’avait provoqué la publication, au Danemark, en 2006, de caricatures du prophète Mahomet. Début mars, à l’occasion de la visite en Indonésie du secrétaire général de l’Eglise réformée des Pays-Bas, le Conseil des Eglises d’Indonésie, qui réunit 87 dénominations protestantes, a demandé à l’Eglise protestante des Pays-Bas de faire pression sur le gouvernement hollandais pour qu’il intervienne et permette ainsi d’éviter « de graves problèmes ».

Quelques jours après cette démarche, ce sont les principaux responsables religieux chrétiens et musulmans du pays qui se sont associés dans une démarche commune similaire. La lettre ouverte au Premier ministre hollandais, datée du 13 mars, a été signée, côté musulman, par Hasyim Muzadi, président de la Nahdlatul Ulama (NU), et par Din Syamsuddin, président de la Muhammadiyah (2), et, côté chrétien, par Mgr Situmorang, président de la Conférence des évêques catholiques d’Indonésie, et le Rév. Andreas Yewangoe, président de la PGI, le Conseil des Eglises d’Indonésie.

Lors de la conférence de presse organisée à l’occasion de la diffusion de la lettre ouverte, Mgr Situmorang a exprimé l’espoir que « pour le bien de l’harmonie entre les croyants », le gouvernement néerlandais prêtera attention aux propos des responsables religieux indonésiens. Il a ajouté que ce film ne heurtait pas seulement les sentiments religieux des musulmans mais également ceux de tout croyant, quel qu’il soit. Pour le secrétaire général de la PGI, il n’est pas possible de laisser « un tel film ruiner les initiatives prises pour parvenir à l’harmonie interreligieuse telle qu’elle existe aujourd’hui » en Indonésie. Muzadi, quant à lui, a précisé que si le film était diffusé, les musulmans pourraient penser qu’il a été produit par des croyants ayant l’intention de nuire à l’islam, alors qu’il est important qu’ils sachent que l’auteur est un homme faisant profession d’athéisme.

Par ailleurs, le ministère indonésien des Affaires étrangères a dénoncé ce film « trompeur et aux accents racistes », produit de manière « irresponsable » et « sous couvert de la liberté d’expression ». Le porte-parole du ministère a invité les Indonésiens à ne pas répondre à la provocation, rappelant que les manifestations qui avaient eu lieu dans le pays contre la guerre en Iraq et en Afghanistan avaient le plus souvent été pacifiques et qu’en comparaison avec d’autres pays musulmans, les réactions à l’affaire des caricatures de Mahomet avaient été plutôt mesurées.