Eglises d'Asie

Goa : des catholiques réagissent face à la dégradation de l’ambiance sur des plages devenues un point de ralliement des routards

Publié le 18/03/2010




« Nous devons admettre que c’est une génération entière qui est perdue pour Goa. » Tels sont les propos tenus par le P. Maverick Fernandes, secrétaire du Conseil ‘Justice et Paix’ de l’archidiocèse de Goa, après les remous causés par l’assassinat d’une jeune Britannique sur une des plages de Goa, où se concentrent depuis de nombreuses années guest houses et restaurants destinés à une clientèle de routards.

L’affaire a débuté le 18 février dernier lorsque Scarlett Keeling, 15 ans, a été retrouvée morte sur une plage d’Anjuna, station balnéaire de Goa. La police a alors conclu à une mort par noyade, avant de rouvrir l’enquête à la demande insistante de la mère de la victime et de conclure à un assassinat. La jeune Britannique a sans doute été violée avant de mourir noyée. La police a interpellé deux suspects et cet incident s’est ajouté à d’autres.

Ainsi, depuis le début de cette année, dix citoyens britanniques sont décédés dans ce petit Etat du sud-ouest de l’Inde dont quatre dans des circonstances suspectes. La presse indienne a été prompte à réagir, demandant que Goa, riche d’une histoire « mêlant les traditions culturelles et religieuses », se débarrasse de sa réputation de havre « pour les personnes désocialisées », ainsi que l’a écrit The Times of India. Pour The Pioneer, Goa doit s’interroger sur le genre de tourisme qu’il souhaite voir se développer sur son territoire et, dans l’édition datée du 14 mars, un éditorial intitulé « Paradise Lost », se lamentait de voir échouer sur les plages de Goa « les rebuts de la civilisation urbaine occidentale ».

Pour le P. Fernandes, la mort de la jeune fille doit amener les Goanais à « l’introspection » et le gouvernement local à réfléchir à l’avenir. Aucune politique en matière de tourisme n’existe, explique-t-il, et « tout le monde est bienvenu ». Du « paradis pour les hippies » qu’il était dans les années 1960-1970, Goa – et notamment la plage de 13 km d’Anjuna – est devenu une halte obligée pour nombre de routards. Sur 2,5 millions de touristes reçus en 2007, 380 000 étaient des touristes étrangers. Des gangs appartenant à différentes nationalités ont pris le contrôle de certaines plages ; ils y achètent des terrains et vendent de la drogue. Le prêtre catholique explique que la jeunesse locale se trouve « pervertie » par un tel environnement où « l’argent est facile ». Le tourisme a un impact sur les valeurs traditionnelles et, chose impensable auparavant, on voit désormais des femmes hindoues fréquenter les bars.

Des catholiques témoignent des changements induits par ce tourisme de masse (1). Les disparités économiques ont explosé, notamment sur la bande côtière. « Ce à quoi nous assistons aujourd’hui est le fruit de cet afflux d’argent dans un milieu où les gens n’avaient jamais eu d’argent auparavant », explique ainsi Maria Ninette Peres, citant le cas d’un pêcheur qui faisait commerce de stupéfiants et est désormais le propriétaire d’un hôtel de 20 millions de roupies (350 000 euros). Agnelo Lobo, catholique lui aussi, dit avoir dû faire déménager sa famille de la proximité immédiate de la plage d’Anjuna, tant l’environnement était devenu peu propice à l’éducation de ses enfants.

En réaction à l’assassinat de Scarlett Keeling, le gouvernement a ordonné la destruction d’un certain nombre d’établissements construits sans permis et prépare un projet de loi interdisant aux étrangers d’acheter des terrains. Les débits de boisson pourraient également se voir obligés de fermer à minuit. Par ailleurs, le Center for Responsible Tourism de l’archidiocèse de Goa prépare pour septembre prochain un rapport consacré au tourisme ; des suggestions seront proposées afin d’améliorer la situation.