Eglises d'Asie

Tamil Nadu : les tensions entre castes restent fortes dans la paroisse catholique d’Eraiyur

Publié le 18/03/2010




Au Tamil Nadu, le 24 mars dernier, d’importantes forces de police avaient pris position dans le village d’Eraiyur, où se trouve la plus importante paroisse catholique du diocèse de Pondichéry-Cuddalore. Près de 1 800 policiers étaient déployés pour assurer la sécurité d’un cortège funéraire. Une catholique dalit était décédée et, fait exceptionnel, ses proches ont pu emprunter la rue principale du village pour se rendre à l’église paroissiale, une première dans cette localité marquée par de très fortes oppositions de castes (1). Le 24 mars, vingt prêtres originaires d’Eraiyur ont pris part aux funérailles (2).
 Avant d’entrer dans l’église paroissiale, le convoi est passé par la rue principale. Après la messe, il a de nouveau emprunté la même rue, pour gagner le cimetière des dalits. « Nous avons vécu un moment historique et je suis fier d’avoir eu le privilège d’y prendre part », a témoigné un des prêtres présents à la cérémonie, qui a ajouté que cet événement n’avait pu avoir lieu que parce que la police était « massivement » présente dans le village. Auparavant, les dalits n’avaient jamais pu accéder à l’église par la rue principale, mais devaient y entrer par des rues adjacentes. Le déroulement de la messe n’a pas été sans anicroche. L’alimentation électrique de l’église avait été coupée, le système de sonorisation rendu inopérant, et le responsable des catéchistes et celui chargé de sonner les cloches avaient boycotté la cérémonie. « Pire encore », a ajouté le prêtre, les catholiques de la caste des Vanniyars ont lessivé l’église et la rue principale après le passage des dalits « pour purifier » ces lieux « souillés » par le passage du cortège funéraire de dalits. « Parce que nous avons utilisé le thoomba (chariot funéraire), les catholiques de caste l’ont rejeté hors du périmètre de l’église et l’ont brisé », a-t-il encore témoigné. Quelques jours plus tôt, l’archevêque de Pondichéry-Cuddalore, Mgr Antony Anandarayar, avait publié un communiqué pour dire qu’il avait rencontré certains de ses prêtres et des représentants de la communauté dalit afin de trouver une solution à la situation créée par la flambée de violences à Eraiyur. Il s’était notamment engagé à ce que la rue principale menant à l’église paroissiale soit ouverte aux deux communautés, celle des Vanniyars ainsi que celle des dalits, que la paroisse ne compte plus qu’un seul chariot funéraire et que celui-ci soit placé sous le contrôle du curé ; il avait également annoncé que, dorénavant, les processions mariales emprunteront aussi les rues du quartier dalit et que la paroisse se dotera, « dès que les conditions seront réunies », d’un cimetière unique.  Ces mesures avaient été plutôt bien accueillies par les mouvements dalits, notamment le Dalit Christian Liberation Movement for Tamil Nadu and Pondicherry. Ce mouvement avait organisé le boycott de la messe des Rameaux, le dimanche 16 mars, en diverses paroisses de l’archidiocèse et des drapeaux noirs avaient été dressés à cette occasion afin de protester contre « les pratiques discriminatoires » des catholiques de castes. Ses responsables veulent que l’archevêque de Pondichéry-Cuddalore inscrive par écrit son engagement à appliquer le programme de développement dalit en dix points que le Conseil régional des évêques catholiques du Tamil Nadu a adopté en 1990 et réaffirmé en 2004. Ce programme vise à éliminer les discriminations organisées sur la base de l’appartenance de castes dans les lieux de culte et les cimetières ; il vise également à encourager la participation des dalits dans la vie des paroisses et des structures diocésaines. A Eraiyur, la tension reste vive. Après les incidents de ces dernières semaines, l’archevêque de Pondichéry-Cuddalore a nommé un nouveau curé, mais les catholiques Vanniyars n’ont pas voulu discuter avec lui. Le vicaire général de l’archidiocèse, qui est un dalit, a alors annoncé que l’église paroissiale sera fermée « jusqu’au retour à la paix » (3). Des représentants de la communauté catholique des Vanniyars ont menacé de « passer à l’hindouisme » (4). Selon certains observateurs locaux, le conflit a pris d’autant plus d’ampleur que des politiciens des deux camps se sont saisis de l’affaire, et cherchent à en tirer un profit politique.