Eglises d'Asie

La Cour suprême a infirmé un jugement interdisant aux institutions religieuses de venir en aide aux chrétiens, victimes d’extrémistes hindous en Orissa

Publié le 18/03/2010




« La Cour suprême a finalement reconnu le droit à la vie. » Tels sont les propos tenus par Mgr Raphael Cheenath, archevêque de Cuttack-Bhubaneswar, après la décision rendue, le 8 avril dernier, par la plus haute instance judiciaire du pays. « L’Eglise (catholique) va enfin être en mesure de venir en aide à ses fidèles qui souffrent depuis quatre mois », a ajouté l’évêque. Bhubaneswar est la capitale de l’Etat de l’Orissa.

Durant quatre jours de violences, juste avant Noël dernier, les chrétiens du district de Kandhamal, à 330 km au sud-ouest de Bhubaneswar, avaient été attaqués par des fondamentalistes hindous. Cinq personnes avaient été tuées. Les habitants des villages attaqués, des aborigènes pour la plupart, avaient dû fuir ; cinq cents maisons avaient été incendiées, 68 lieux de culte, catholiques et baptistes, vandalisés. La police n’était pas intervenue pour s’interposer. Des chrétiens ont, par la suite, été accusés de s’en prendre à des hindous et ils ont été emprisonnés pour cela. Ces attaques avaient provoqué les protestations des plus hauts responsables de l’Eglise catholique, le président de la Conférence des évêques indiens rencontrant pour cela le Premier ministre Manmohan Singh. Mais, sur le terrain, les organisations caritatives de l’Eglise étaient interdites de présence (1).

 

Sœur Nirmala, supérieure générale des Missionnaires de la Charité, avait pu, en janvier, rendre visite aux victimes des émeutes antichrétiennes mais elle n’avait pu le faire que sous escorte policière. Officiellement pour des raisons de sécurité, les associations d’entraide n’ont pas été autorisées à secourir les victimes. En effet, dès le 11 janvier, un magistrat local avait interdit à tout organisme religieux, ONG ou autres, d’intervenir à Kandhamal, au motif que leur travail pourrait exacerber les tensions dans la région. Le 28 janvier, la Haute Cour de l’Etat confirmait cet arrêté.

 

C’est donc cet arrêté que les juges suprêmes, saisis par un groupe d’avocats, Human Rights Law Network, agissant à la demande de Mgr Cheenath, ont infirmé. Devant la Cour suprême, le groupe d’avocats a reproché aux autorités de l’Orissa d’ignorer le sort des chrétiens victimes des violences et d’empêcher les secours de leur parvenir. A ce jour, au moins 3 500 chrétiens, aborigènes pour la plupart, vivent dans des abris de fortune installés dans des camps gérés par les autorités civiles, mais celles-ci se désengagent peu à peu et diminuent l’aide allouée.

 

La Cour suprême ayant fait droit à l’Eglise de venir en aide à ces populations. Mgr Cheenath a précisé que l’action des institutions catholiques serait double. La priorité est d’« apporter une aide d’urgence à ces personnes ». Le gouvernement local ayant récemment cessé les distributions de vives, l’Eglise va prendre le relais, a déclaré l’évêque. A plus long terme, l’Eglise aidera les chrétiens à reconstruire leurs maisons. Entre temps, il est également impératif d’agir sur le plan judiciaire, a continué Mgr Cheenath. Des chrétiens sont en prison après avoir été faussement accusés d’avoir attaqué des hindous ; 38 d’entre eux viennent d’être remis en liberté sous caution ; le diocèse a mis sur pied trois centres d’aide juridique afin de les conseiller et de les aider.

 

Selon le P. Rabi Sobhasundar, curé à Bamunigam, l’une des zones les plus affectées par les violences antichrétiennes, « les gens ont bien accueilli la décision de la Cour suprême ». « L’aide de l’Eglise a commencé à arriver, mais les gens sont encore traumatisés. Des familles entières se terrent dans la jungle, de peur d’être à nouveau attaquées. Les réfugiés ont passé Noël dans la forêt, le Carême dans des camps de réfugiés. Les fêtes de Pâques ont été marquées par le manque de nourriture et les maladies ». D’autres soulignent que les attaquants n’ont pas été inquiétés par les autorités et que la police est apparue comme soutenant, au moins implicitement, les extrémistes hindous.