Eglises d'Asie

Vinh Long : depuis six ans, des religieuses luttent pour récupérer un établissement accaparé par l’Etat en 1977

Publié le 18/03/2010




Depuis quelque temps, les demandes de restitution des propriétés d’Eglise s’expriment publiquement et sont parfois accompagnées de manifestations, comme à Hanoi, Nha Trang et d’autres lieux. Mais, auparavant, surtout depuis une dizaine d’années, elles étaient formulées par écrit à l’adresse des autorités centrales ou locales. Ce fut le cas, par exemple, pour les religieuses de Saint-Paul de Chartres qui ont perdu, à partir d’avril 1975, la plupart de leurs écoles et de leurs œuvres caritatives, très nombreuses avant cette date.

En novembre 2002, 25 années après que les autorités se furent approprié leur établissement de Vinh Long, dans ce qui était à l’époque la province du Mékong, les religieuses ont rédigé leur première requête, demandant la restitution de l’ancienne maison, qui autrefois abritait orphelins et handicapés. Elles ont ensuite multiplié les demandes, fait intervenir des associations reconnues, le Front patriotique, certains organes de la presse officielle, des personnalités influentes. Jusqu’à présent, les autorités ont rejeté les demandes et ne sont jamais revenues ni sur les faits qui avaient accompagné la confiscation de cette maison, ni sur les accusations grossières portées alors contre les religieuses. Bien au contraire, les responsables provinciaux ont loué le terrain à une compagnie de tourisme, Saigon-Vinh-Long, pour une durée de 50 ans, afin d’y construire des hôtels quatre-étoiles. Ils se sont contentés de promettre aux religieuses une indemnisation et un terrain pour y construire une nouvelle maison.

 

L’occupation de la maison des religieuses de Saint-Paul de Chartres s’était déroulée dans des circonstances particulièrement dramatiques pour les religieuses et leurs pensionnaires. Le 7 septembre 1977, les forces de sécurité de Vinh Long avaient investi la maison des sœurs et, après perquisition, avaient confisqué la maison et tous ses biens, dispersé ses jeunes pensionnaires orphelins et handicapés, et jeté toutes les religieuses en détention. Au bout d’un mois, 17 religieuses avaient été renvoyées dans leur famille. La supérieure de maison, elle, avait été gardée un mois de plus et ensuite reconduite à la maison-mère de la congrégation à My Tho, province de Tiên Giang. Aucune action judiciaire, aucun procès et aucune condamnation n’est venue apporter une apparence légale à l’action menée par la police contre les religieuses. Vingt-huit ans plus tard, au mois d’août 2006, les religieuses eurent connaissance d’une décision (958/QD.UBT) qui aurait été signée le 6 juillet 1977, affirmant que l’orphelinat, tenu par une congrégation « étrangère », « formait de jeunes enfants malheureux pour en faire des forces antirévolutionnaires ».

 

L’affaire avait d’autant plus ému les milieux aussi bien chrétiens que non-chrétiens que le couvent des sœurs était connu de plusieurs générations d’habitants de Vinh Long et que les activités caritatives des religieuses pendant plus d’un siècle leur avaient toujours attiré la sympathie de la population. Premières religieuses d’origine étrangère à venir s’établir au Vietnam, les sœurs de Saint-Paul de Chartres étaient arrivées à Saigon en 1860. Dès 1861, elles fondaient un hôpital dans le sud-ouest, à My Tho. En 1871, les religieuses commençaient à travailler à Vinh Long ; en 1874, elles y faisaient construire la maison aujourd’hui accaparée par les autorités locales.