Eglises d'Asie

Des théologiens indiens appellent l’Eglise catholique à s’engager davantage auprès des plus pauvres et de la société civile

Publié le 18/03/2010




A Aluva, près de Kochi, dans l’Etat du Kerala, une soixantaine de théologiens, réunis lors d’un colloque organisé du 26 au 30 avril dernier et intitulé : « L’engagement de l’Eglise dans la société civile : une nouvelle manière d’être chrétien aujourd’hui », ont appelé l’Eglise catholique à s’engager davantage auprès des plus pauvres, notamment ceux qui sont délaissés par les communautés en milieu rural. Dans leur déclaration finale, les 64 théologiens, dont cinq laïcs et sept religieuses, ont également invité le clergé catholique à modifier ses comportements « paternalistes et suffisants » envers les laïcs.

Pour le P. M. K George, jésuite, qui est intervenu durant le colloque, il est regrettable que les institutions éducatives chrétiennes « portent leurs priorités sur l’éducation en milieu urbain », particulièrement dans l’enseignement supérieur, qui nécessite de gros investissements financiers et humains, alors qu’elles « négligent l’éducation en milieu rural », et ce malgré différentes déclarations de l’Eglise soulignant que 70 % des personnes ayant besoin d’aides vivent en milieu rural.

« Gérer des institutions d’études supérieures est devenue une activité très lucrative » et les chrétiens se sont lancés « dans cette course, tombant dans le cercle vicieux des structures d’exploitation », a-t-il indiqué. Selon lui, la mondialisation et l’économie de marché ont fait monter les prix dans les domaines de la santé et de l’éducation, y compris ceux des services publics dans ces secteurs, les rendant inabordables et inaccessibles pour les maigres revenus de la très grande majorité des ruraux. « L’Eglise se doit de trouver une nouvelle manière d’être chrétien en Inde aujourd’hui », a-t-il ajouté, appelant l’Eglise à faire le point sur sa manière de mener ses missions éducatives.

Un autre intervenant, le jésuite Michael Amaladoss, a pour sa part regretté que les chrétiens ne s’engagent pas activement dans la société civile et que leur présence soit réduite au service minimum lorsqu’il s’agit d’aborder la question des problèmes sociaux. « L’Eglise a commencé d’exister lorsque les disciples ont vendu leurs biens et partagé ce qu’ils avaient avec la communauté. Ensuite, l’Eglise s’est institutionnalisée et l’institution a pris le dessus. L’Eglise existe-t-elle pour célébrer des sacrements, ou est-ce les sacrements qui sont la célébration symbolique de la vie de l’Eglise dans le monde ? », a-t-il interrogé.

Selon lui, le clergé cherche bien souvent le pouvoir spirituel mais également le pouvoir économique, social et politique au sein et au-delà de la communauté chrétienne en Inde, qui représente 2,3 % de la population du pays. « Nous devrions prendre conscience que l’autorité qui nous vient de Dieu nous est donnée pour servir et non pour dominer », appelant à davantage d’implication des laïcs dans la vie de l’Eglise. « Les laïcs ne sont pas de simples auditeurs, ils ont le droit et le devoir de participer au discernement et à la mission de l’Eglise. » D’autre part, « il y a quelques années, les évêques ont déclaré que le système des castes était honteux, mais depuis, rien n’a été mis en place pour abolir ce système au sein même de l’Eglise », a-t-il regretté.

Dans leur déclaration finale, les théologiens ont souligné le fait qu’aujourd’hui, la société en Inde est « de plus en plus polarisée sur des principes religieux, idéologiques, de castes et d’appartenance sociale », l’urgence étant d’assurer à chacun la liberté, une dignité et une qualité de vie équitable. « Notre humble plaidoyer consiste à inciter l’Eglise d’aujourd’hui à s’engager activement et de manière appropriée au sein de la société civile, sur un pied d’égalité avec ses autres composantes », ont-ils proposé.