Eglises d'Asie – Népal
Les maoïstes réaffirment leur volonté de voir garantie la liberté religieuse dans la future Constitution
Publié le 18/03/2010
Le 18 mai dernier, à Katmandou, devant une assemblée de 500 chrétiens protestants réunis par le Conseil national des Eglises du Népal, l’un des dirigeants du PCN-M, Barsha Man Pun, a déclaré : « La nouvelle Constitution ne favorisera aucune religion (…) et il n’est pas envisageable que ce pays soit à nouveau le pays d’une seule religion », allusion au fait que, jusqu’en avril 2006, le Népal était un royaume hindou. « Nous ferons en sorte que le peuple jouisse de la liberté religieuse. Je m’y engage », a-t-il ajouté.
L’élection, le 10 avril, d’une Assemblée constituante est une étape majeure pour le Népal, désormais engagé sur la voie de la démocratisation après plus de dix années d’une guerre sanglante entre les militants du PCN-M et les forces armées gouvernementales. Fondée en 2005 pour réclamer la suppression des pleins pouvoirs que le roi Gyanendra s’était octroyé le 1er février de cette année, l’« Alliance des sept partis », entre les principaux partis (dont le Parti du Congrès népalais et le Parti communiste du Népal marxiste-léniniste, CPN-UML) et les maoïstes, milite pour la suppression de la monarchie et la proclamation de la République. Il appartient désormais à l’Assemblée constituante, qui commencera à siéger le 28 mai prochain, de décider des formes que prendront les nouvelles institutions du pays ; les élus devront notamment formaliser, en l’inscrivant dans la Constitution, la transformation du royaume hindou en un Etat laïque, réforme votée en mai 2007 par le Parlement d’alors (1). Mais, d’ores et déjà, il est clair que les maoïstes, qui ont gagné 220 des 601 sièges de l’Assemblée, sont les acteurs-clefs des changements à venir.
Devant le responsable maoïste, Kalai Bahadur Rokaya, secrétaire général du Conseil national des Eglises du Népal, a été très clair : « La liberté religieuse complète, telle est notre souhait et notre demande aux députés de l’Assemblée constituante. » Dans un pays où les hindous représentent 80,6 % de la population, la Constitution doit contenir des dispositions garantissant aux minorités religieuses le droit à pratiquer et à professer leur religion, a-t-il précisé, devant un auditoire réuni autour du thème : « La nouvelle Constitution du Népal et la liberté religieuse ». Il a ajouté qu’il était important que le futur gouvernement comprenne « un ministère des religions », ou, au minimum, « une Haute Commission pour les religions » ; de plus, le Parlement devrait voter une loi permettant l’enregistrement légal des Eglises. A ce jour, les Eglises présentes dans le pays n’ont d’existence légale qu’à travers le statut d’ONG (2).
A ces différentes demandes, le leader maoïste a répondu que la liberté religieuse était un point auquel tenait son parti et que les autres points (ministère des religions, loi sur l’enregistrement des Eglises) feraient « l’objet de discussions afin de voir ce qui peut être fait ».
Pour les responsables religieux non chrétiens qui ont pris la parole devant l’assemblée, la revendication des chrétiens à la liberté religieuse pour tous semble aller de soi. Damodar Gautam, président de la Fédération mondiale hindoue, a souligné le fait qu’étant donné les circonstances, le Népal ne pouvait pas demeurer un Etat hindou. Il a dissipé les craintes exprimées par des chrétiens quant au fait de voir des extrémistes hindous recourir à la violence pour restaurer le caractère officiel de leur religion au Népal. « Les gens religieux ne prennent pas les armes », a-t-il assuré. Nazrul Hussain, pour les musulmans – qui représentent 4 % de la population –, a seulement émis le souhait que les maoïstes « ne trahissent pas le peuple ». Bhikchu Chandrakriti, pour les bouddhistes – 10,7 % de la population –, a souhaité que les maoïstes fassent pression sur les autres partis politiques afin que l’ensemble de la scène politique s’engage pour la liberté religieuse.
Du côté catholique, le vicaire apostolique du Népal, Mgr Anthony Sharma n’a pas assisté à la rencontre ; il estime que l’arrivée des maoïstes au pouvoir n’aura a priori pas de conséquences pour la vie de l’Eglise dans le pays. « Nous avons de bonnes relations avec tous les acteurs de la société. Nous n’entretenons pas de liens avec tel ou tel parti politique ; nous n’avons pas à nous prononcer sur quel parti doit diriger le gouvernement, a-t-il déclaré à l’agence Ucanews, le 28 avril. Le résultat des élections montre que les gens veulent que les choses changent pour le bien de la nation. Nous espérons et prions pour que les mesures prises par les maoïstes le soient pour le bien du pays. »