Eglises d'Asie – Inde
Tamil Nadu : après deux mois et demi de fermeture, l’église paroissiale d’Eraiyur a rouvert ses portes malgré des tensions entre castes encore fortes
Publié le 18/03/2010
L’accord qui a permis le retour à une certaine normalité a été conclu sous l’égide de fonctionnaires d’Etat et de représentants du diocèse de Pondichéry-Cuddalore, sur le territoire duquel se trouve la paroisse d’Eraiyur.
Selon le P. Pon Anthonysamy, vicaire général du diocèse de Pondichéry-Cuddalore et prêtre d’origine dalit, il a fallu trois sessions de négociations pour que les représentants des deux communautés parviennent à un accord. A chaque fois, les médiations ont eu lieu en présence du P. Anthonysamy ainsi que celle des autorités civiles du Tamil Nadu. Un comité pour la paix et l’application de l’accord conclu a été mis sur pied par l’archidiocèse ; il a reçu la mission de veiller à ce que les directives de l’évêque du lieu, Mgr Antony Anandarayar, soient appliquées. Il s’agit principalement de garantir aux deux communautés un égal accès à la rue principale du village, qui mène à l’église paroissiale, notamment pour les cortèges funéraires et de mariage ; il est aussi question de n’utiliser qu’un seul char funèbre, placé sous le contrôle exclusif du curé, ainsi que de l’aménagement d’un cimetière unique, où les deux communautés pourront inhumer leurs morts.
Du côté dalit, un des responsables de la communauté, Gnanaprakasam Mathews, s’est déclaré heureux de l’issue du conflit : « Une solution à l’amiable a été trouvée à la plupart de nos demandes », ajoutant qu’il s’attendait à ce que les tensions persistent encore longtemps. Du côté des Vanniyars, un des responsables de la communauté, Sathianathan Asirvatham, a déclaré que les Vanniyars acceptaient la solution proposée par l’archidiocèse et que le retour à la paix était une bonne chose. Le 21 mai, signe du retour à la normalité, la paroisse a entamé les célébrations de dix jours habituellement organisées durant le mois de mai en l’honneur de la Vierge Marie ; le vicaire général a émis le souhait que dalits et Vanniyars catholiques participent ensemble à ces célébrations.
Le conflit entre les deux communautés à Eraiyur avait pris une tournure particulièrement grave lorsque le 7 mars dernier, des catholiques dalits avaient commencé un jeûne afin de demander aux autorités ecclésiales et civiles d’intervenir pour faire cesser les discriminations exercées à leur encontre. Des Vanniyars avaient alors attaqué la cherry des dalits (quartier où habitent les dalits). La police était intervenue, faisant usage de ses armes et tuant deux Vanniyars. Les Vanniyars avaient ensuite fermé l’église paroissiale, demandé aux dalits de quitter la paroisse et menacé de se convertir à l’hindouisme. L’archevêque de Pondichéry-Cuddalore était intervenu pour rétablir le calme, mais la tension restait forte. Selon Gnanaprakasam Mathews, les Vanniyars interdisaient aux dalits de s’approvisionner dans leurs magasins et un rien aurait suffi pour que la violence se déchaîne à nouveau.
En Inde, les castes n’existent plus officiellement et la Constitution garantit cette abolition, en faisant un crime de toute discrimination exercée sur la base d’une appartenance de caste. Toutefois, dans de nombreuses régions, notamment en milieu rural, le phénomène de la caste reste vivace et informe toute la vie sociale et privée des personnes. A Eraiyur, le conflit entre dalits et Vanniyars est ancestral, témoignent des responsables de l’Eglise catholique en Inde. En 1955 déjà, la paroisse avait été fermée durant trois mois à la suite d’un conflit similaire à celui de ces derniers mois. Afin de cerner plus précisément l’ampleur de ces phénomènes, le Conseil des évêques catholiques du Tamil Nadu a formé une équipe de trois évêques, qui a reçu la mission de se rendre à Eraiyur pour y étudier la situation ; de plus, chacun des quatorze diocèses du Tamil Nadu devra préparer une liste des paroisses où de semblables tensions existent, des solutions devant être proposées afin de résoudre les problèmes constatés (2).