Eglises d'Asie – Inde
Au Tamil Nadu, plus de quatre ans après le tsunami, l’Eglise catholique contribue à redonner un avenir à des femmes et à des enfants
Publié le 18/03/2010
Dans le district de Nagapattinam, le diocèse catholique de Thanjavur a monté une action d’aide de longue haleine qui vise moins à reconstruire des biens matériels qu’à redonner une perspective d’avenir à des femmes victimes de violences et à des enfants devenus orphelins dans une société bouleversée par ce cataclysme.
Kajitha Nachiar est musulmane. Agée de 34 ans, elle a été mariée à deux reprises, à l’âge de 14 ans puis à 19 ans. A deux reprises, ses maris l’ont abandonnée. Récemment, ses parents, avançant en âge et ruinés par le tsunami, ont voulu la marier à un homme de 70 ans doté d’une fortune confortable à l’aune des standards locaux. Kajitha Nachiar a trouvé l’assurance et la force de refuser ce mariage après avoir été accueillie par les travailleurs sociaux de Suraksha. Cette organisation, dont le nom signifie ‘protection’, a été fondée par la Multipurpose Social Service Society (TMSSS) du diocèse de Thanjavur afin de venir en aide aux femmes dont la vie a tourné au cauchemar après le tsunami. Pour Kajitha Nachiar, qui n’avait pas été scolarisée au-delà de la classe de quatrième, les membres de Suraksha ont proposé une formation professionnelle. Aujourd’hui, elle « travaille et gagne sa vie, sans plus être une charge pour [ses] parents », témoigne-t-elle, affirmant que c’est le travail accompli avec les conseillers de Suraksha qui lui permet désormais d’« avoir confiance en [elle] et dans la vie ».
Après le 26 décembre 2004 et la phase d’organisation des secours d’urgence (1), les responsables du diocèse de Thanjavur ont lancé le programme Suraksha, conscients que bien des victimes du tsunami étaient en situation de détresse morale et physique. Après une étude de six mois menée dans sept des villages les plus touchés, TMSSS a estimé qu’il était important de venir spécifiquement en aide aux enfants et aux femmes, proies faciles pour les auteurs de violences physiques ou sexuelles. Les résultats de l’étude indiquait en effet une recrudescence des maltraitances d’enfants, des abandons de scolarité, du travail ou des mariages d’enfants ; de plus, l’alcoolisme, la prostitution ou les affaires d’adultère étaient devenus plus fréquents dans ces villages.
Selon Murugaiyan Vasantha, coordinatrice de Suraksha, dans les mois qui ont suivi le tsunami, bien des femmes et des enfants étaient devenus « des charges trop lourdes à porter » pour leurs proches, qui « ne cherchaient qu’à s’en débarrasser ou à les marier ». Un phénomène aggravé par le fait que le gouvernement a accordé des aides spécifiques aux jeunes couples, entraînant ainsi une recrudescence des mariages d’enfants. Par ailleurs, les enfants devenus orphelins « constituaient des proies faciles, et des cas d’abus sexuel ont été rapportés ». Enfin, souligne la coordinatrice, « la pauvreté a poussé des enfants à échanger des services sexuels contre de la nourriture ou un toit ».
Dans le cadre de Suraksha, des assemblées d’enfants ont été organisées, tout comme des groupes de parole ou bien des cercles d’entraide pour femmes. « Nous avons aussi incité les habitants à ne pas passer sous silence les cas de violence domestique ou d’abus sexuel qu’ils auraient à connaître », explique Murugaiyan Vasantha, qui estime que, grâce à l’action de l’Eglise catholique, des mariages d’enfants ont été empêchés.
Pour Thilagavathy, 25 ans, mère de famille abandonnée par un mari alcoolique, c’est la participation à un cercle d’épouses délaissées qui lui a permis de « dépasser la dépression » dans laquelle elle était tombée. « Une fois conseillées, ces femmes reprennent courage et, dès lors qu’elles retrouvent une motivation, elles se sortent généralement des situations de violence dans lesquelles elles se débattaient », souligne Jeyaseelan Punitha, conseillère de Suraksha. Le travail qui reste à accomplir est important, conclut-elle.
Selon les données fournies par TMSSS, le travail mené dans le cadre de Suraksha a concerné très exactement 17 784 personnes, appartenant à 2 870 foyers hindous, 355 foyers chrétiens et 85 foyers musulmans. De plus, 269 jeunes en rupture de scolarité ont été identifiés et 163 d’entre eux ont repris le chemin de l’école.