Eglises d'Asie

Des bouddhistes soupçonnent le président Lee et son administration de chercher à favoriser la religion chrétienne

Publié le 18/03/2010




Selon l’Ordre Jogye, la plus importante organisation bouddhique du pays, le président Lee Myung-bak, élu en décembre 2007, et son administration font preuve d’un tel favoritisme envers la religion chrétienne qu’il est devenu nécessaire de protester.

Dans ce pays dont un petit quart des habitants déclarent être bouddhistes et un tiers chrétiens (1), les responsables de l’Ordre Jogye déplorent que le site d’information des transports en commun de Séoul ait omis d’indiquer les temples bouddhiques de la capitale sur ses plans en ligne. Ils soulignent qu’en cherchant sur Algoga (‘trouver son chemin’, sur www.algoga.go.kr), il est impossible de localiser les temples Jogyesa et Bongeunsa, deux édifices bouddhiques qui figurent pourtant sur les principaux guides touristiques. Dans un communiqué en date du 24 juin, le vénérable Seungwon, porte-parole de Jogye, va jusqu’à accuser le président Lee et son administration de faire preuve de favoritisme à l’endroit du christianisme, notamment de la religion protestante. Il fait valoir qu’en 2003, lorsque le gouvernement alors au pouvoir avait mis en ligne un service d’information sur le système de transport à Séoul, les temples bouddhiques figuraient sur les plans, mais que, lorsque le nouveau système a été mis en ligne, le 9 juin dernier, ils avaient disparu.

 

Le 23 juin, le ministère des Transports a reconnu que cette omission était « une erreur » et les temples bouddhiques ont réapparu sur Algoga quatre jours plus tard. L’affaire aurait pu s’arrêter là si, le 25 juin, 28 des 81 membres du Conseil central de l’Ordre Jogye n’avaient publié un nouveau communiqué affirmant que l’omission était intentionnelle et n’était pas le fruit d’une erreur ; de très nombreux temples protestants sont indiqués d’une croix rouge sur le plan mis en ligne, ont-ils fait valoir. Les 28 conseillers de l’Ordre Jogye ont ajouté que le cabinet mis en place en février dernier par le président Lee faisait la part trop belle aux protestants. Sur quinze ministres, dix sont protestants et deux sont catholiques, l’appartenance religieuse des trois derniers n’étant pas connue (2).

 

Les moines bouddhistes ont relevé d’autres éléments qui, à leur sens, dénotent d’un biais en faveur du protestantisme dans l’administration actuellement au pouvoir. Ainsi, dans un entretien à la presse, l’adjoint à la sécurité du président, qui est de religion protestante, a déclaré que son « rêve [était] d’évangéliser tous les ministères du gouvernement ». Un conseiller du président, pasteur protestant de son état, a été cité comme ayant déclaré, lors d’un rassemblement de presbytériens à Séoul le 5 juin dernier, que les manifestants qui, ces jours derniers, défilent massivement dans les rues pour dénoncer la levée par le président Lee de l’embargo sur la viande de bœuf américain étaient « des suppôts de Satan ». Par ailleurs, le chef de la police nationale n’hésiterait pas à promouvoir « des prières de jeûne pour l’évangélisation de la police » ; catholique, Eo Cheong-soo figurerait à cette fin sur un poster de l’Eglise du plein Evangile, une des Eglises évangéliques les plus importantes du pays.

 

Au sein de milieux protestants, les accusations des bouddhistes de l’Ordre Jogye trouvent un certain écho. Le président Lee, au centre-droit sur l’échiquier politique, ne fait pas mystère de sa foi protestante et de ses orientations religieuses, perçues comme « conservatrices ». A la suite de la mobilisation populaire sur l’affaire de l’importation de bœuf américain, il est tombé au plus bas dans les sondages et, le 4 juillet dernier, un millier de moines bouddhistes de l’Ordre Jogye n’ont pas hésité à prendre part à une marche silencieuse pour dénoncer la répression policière des manifestations liées à cette affaire de viande bovine américaine.

 

Selon le pasteur Kim Tae-hyon, directeur du Bureau pour les relations œcuméniques au Conseil national des Eglises (protestantes) en Corée, la place de la religion en politique, et notamment du christianisme, est un sujet « très sensible ». Pour Park Kwang-seo, bouddhiste et professeur à l’université jésuite Sogang de Séoul, le fait est que quatre des dix présidents qu’a connus la Corée depuis 1948 et la fondation de la République de Corée ont été – ou sont – des chrétiens. En comparaison du bouddhisme, le christianisme a fait l’objet d’un certain traitement préférentiel. Ainsi, dès 1948, l’armée s’ouvrait à la présence d’aumôniers chrétiens, les bouddhistes devant attendre 1968 pour jouir de semblables prérogatives ; une radio protestante a pu commencer à émettre dès 1954, là où il a fallu attendre 1990 pour que des bouddhistes soient autorisés à faire de même.