Eglises d'Asie

Au Parlement, l’examen du très controversé projet de loi contre la pornographie a été ajourné

Publié le 18/03/2010




Le 23 septembre dernier, la Chambre des représentants devait examiner, pour éventuellement le voter, un projet de loi contre la pornographie. Le 18 septembre, la Commission des lois de la Chambre a fait savoir que ses membres avaient besoin d’un délai supplémentaire pour débattre des avis émis par différents acteurs de la vie publique au sujet de cette loi, très controversée.

« Il nous est nécessaire de tenir une série de débats pour intégrer les éléments qui ressortent des forums que nous avons organisés dernièrement dans quatre provinces », a expliqué Yoyoh Yusroh, membre de la commission des lois. Dans ces quatre provinces, aux Moluques, à Célèbes-Sud, à Kalimantan-Sud et à Djakarta, les opinions exprimées sont très contrastées, a ajouté la députée, membre du Parti de la justice prospère, parti islamiste.

 

Le projet de loi contre la pornographie a une longue histoire (1). A l’étude depuis 2003, il est vivement défendu par les milieux islamistes, notamment par le PKS, qui y voient une manière de défendre la foi en Dieu et de protéger les femmes et les enfants. Il est dénoncé par toute une partie des musulmans modérés, par les chrétiens, par les Balinais, très majoritairement de religion hindoue, ou encore par l’industrie du tourisme. Selon ses contradicteurs, le texte est attentatoire aux libertés individuelles et la législation actuelle suffit, notamment celle relative à la protection de l’enfance, à la presse et à la diffusion audiovisuelle. Plus fondamentalement, un tel texte ne peut que mener à la désintégration de la nation indonésienne, font-ils valoir. Le 17 septembre, la Conférence des évêques catholiques d’Indonésie a publié un communiqué pour dénoncer le tour « idéologique et politique » pris par cette affaire. « Les législateurs ont des sujets plus importants et urgents à étudier », peut-on lire dans le communiqué, où il est souligné que ce projet de loi est facteur de divisions et porteur de conflits.

 

La plupart des mesures proposées dans ce texte visent les modes vestimentaires et les comportements féminins ; la pornographie y est définie comme tout acte ou attitude qui « provoque le désir sexuel ». Si la loi était votée, la tenue traditionnelle balinaise qui, pour les femmes, laisse apparaître les épaules serait interdite. Bon nombre de danses traditionnelles, que ce soit à Bali ou à Java, tomberaient aussi sous le coup de la loi.

 

Ces dernières semaines, l’effervescence au sujet du projet de loi était montée d’un cran, les milieux islamistes demandant que le texte soit voté à l’occasion du Ramadan, qui a débuté le 1er septembre, et soit « offert en cadeau » aux musulmans à cette occasion. Mahfudz Siddiq, président du PKS à la Chambre, s’était exprimé en ce sens au début du mois de septembre. Yoyoh Yusroh a spécifié que les consultations supplémentaires ne seront menées qu’après les festivités d’Idul Fitri, marquant la fin du Ramadan ; elle a aussi évoqué, sans spécifier de dates, la fin de cette année pour un examen du texte en session ordinaire à la Chambre des représentants.

 

Le 17 septembre, le président Susilo Bambang Yudhoyono était monté au créneau, sans toutefois évoquer directement le texte en question. Lors de la fête religieuse de Nuzulul Quran, liée à la révélation du Coran, à la grande mosquée Baitussalam de Puwokerto (Java-Centre), le président a affirmé que « l’islam devrait être considéré comme une religion protectrice, qui est une bénédiction pour tout l’univers ». Dans un appel aux musulmans à se montrer tolérants envers les non-musulmans, il a ajouté que « la commémoration (de Nuzulul Quran) devrait inspirer tout musulman à revenir aux enseignements du Coran, lesquels sont empreints de bénédiction, d’amour et de tendresse ». Il a continué en établissant un lien entre un passage du Coran dans lequel il est dit à Mahomet qu’il doit savoir lire et la politique du gouvernement en matière éducative. « Nous sommes déterminés à améliorer la qualité de l’éducation dans ce pays en y consacrant les moyens nécessaires », a-t-il déclaré, soulignant qu’en 2009, l’éducation représentait le premier poste budgétaire de l’Etat, avec un cinquième des dépenses.