Eglises d'Asie

Plus d’un mois après le début des attaques antichrétiennes en Orissa, les violences continuent

Publié le 18/03/2010




En dépit des assurances du gouvernement fédéral quant à un rapide retour au calme, les attaques antichrétiennes en Orissa, qui ont commencé voici plus d’un mois avec l’assassinat d’un religieux hindou (1), se poursuivent. Des sources ecclésiastiques font état de situations dramatiques, notamment dans le district de Kandhamal, épicentre des violences.

Selon le P. Dibakar Parichha, porte-parole de l’archidiocèse de Cuttack-Bhubaneswar, dont le territoire couvre les districts les plus affectés par les violences, au moins trois lieux de culte chrétiens et plus d’une centaine de maisons ont été incendiés ou détruits les 24 et 25 septembre dernier. Sœur Suma, supérieure régionale des Missionnaires de la Charité, rapporte que leur couvent et l’église du village de Sukananda, dans le district de Kandhamal, ont été « entièrement détruits » dans la nuit du 25 septembre par une foule de 700 hindouistes, venus en camion vers 23 h. « Ils n’ont pas pu s’en prendre aux nôtres », précise Sœur Suma car les religieuses et les pauvres dont elles s’occupent avaient auparavant été transférés « en lieu sûr ». Elle ajoute que « des amis hindous et les voisins » du couvent, de l’église paroissiale et du presbytère attenant montaient la garde devant les bâtiments, mais qu’ils ont dû se mettre à l’abri face à la détermination de la foule. « Je n’ai pas d’information quant aux attaques qu’ils auraient eu à subir de la part des hindouistes. »

 

Au sujet de l’attitude des forces de l’ordre, la supérieure des Missionnaires de la Charité est très claire : « Sachez que tout ceci s’est produit dans une région censée être soumise à un couvre-feu nocturne. Or, il n’y avait personne, pas de police, pas de forces paramilitaires. Les hindouistes ont agi à leur guise. » Selon elle, les extrémistes hindous mènent des opérations de ratissage dans la jungle, où des chrétiens ont cherché refuge, mais, parce qu’ils empêchent tout journaliste de pénétrer dans la région, il est impossible de savoir ce qui se passe. « Combien seront tués et jetés dans la forêt, nous ne le saurons jamais. »

 

Selon le P. Parichha, le regain de violences de ces derniers jours serait l’effet de représailles suite au fait que, le 23 septembre, un hindouiste a été tué et deux autres blessés par la police, alors qu’ils attaquaient un commissariat afin d’exiger la remise en liberté de deux suspects arrêtés pour leur implication dans les violences antichrétiennes. « Les hindouistes agiraient par esprit de revanche », explique-t-il, tout en ajoutant que le retour à la normale est loin d’être acquis dans la région. Ainsi, dans le district de Raikia, où se trouve la plupart des 14 camps de personnes déplacées mis en place par les autorités, « les gens ne sortent pas de leurs tentes » de peur d’être attaqués. La situation humanitaire de ces camps est critique, les hindouistes bloquent les routes qui y mènent et empêchent tout ravitaillement. « La situation dans laquelle nous nous trouvons est totalement désespérante. Le gouvernement ne peut pas agir. Nous ne pouvons pas agir. Que faire ? », interroge-t-il.

 

Le 30 septembre, de nouveaux rapports indiquent une poursuite des violences dans le district de Kandhamal. Dans les villages de Gadaguda et de Rudangia, rapporte le curé, le P. Leo Parichha, des descentes d’extrémistes hindous avant l’aube ont fait un mort, une femme tuée à coups de hache, et une dizaine de blessés graves. La veille, dans une localité voisine, un catholique qui refusait de renier sa foi chrétienne a été laissé pour mort après avoir été torturé par des hindouistes. Le 28 septembre, trois corps, dont celui d’une femme, ont été retirés du fleuve Salunki. Selon le P. Leo Parichha, les hindouistes incitent des hindous, voisins des chrétiens, à se livrer sur eux à des violences au motif que les chrétiens réussissent mieux socialement et qu’ils pourront ainsi se saisir de leurs biens.

 

A New Delhi, le 25 septembre, un haut fonctionnaire du ministère fédéral de l’Intérieur a reconnu que « les attaques ont eu lieu de manière extrêmement méthodique, par exemple en bloquant les routes avec des arbres pour que la police ne puisse pas se rendre sur les lieux ». Dans un pays où la sécurité est du ressort des Etats locaux, un porte-parole du gouvernement fédéral se contentait de déclarer : « Des instructions très strictes doivent être données à toutes les parties concernées pour garantir un retour à la normale » (2). Le 26 septembre, la Conférence des évêques catholiques de l’Inde a dénoncé « l’apathie et l’inaction du gouvernement » tant central que dans les Etats de l’Union indienne.

 

En déplacement en France à l’occasion d’un sommet Union européenne-Inde dominé par les questions économiques et politiques, le Premier ministre indien a répondu à un journaliste du Figaro qui l’interrogeait sur les persécutions antichrétiennes qu’il s’agissait là d’« accidents sporadiques » (3). Déclarant regretter « profondément ces incidents », Manmohan Singh a ajouté : « Il ne faut pas généraliser et en tirer des conclusions sur le sort des minorités en Inde. »

 

Selon un décompte dressé par des chrétiens indiens, le bilan des violences de ces cinq dernières semaines est le suivant :

Orissa : 14 districts touchés, 300 villages détruits, 4 300 habitations incendiées, 50 000 sans-abri, 47 morts, 10 prêtres, pasteurs et religieuses blessés, deux femmes violées, 18 000 blessés, 149 lieux de culte détruits, 13 écoles et établissements scolaires détruits.

Karnataka : 4 districts touchés, 19 églises attaquées, 20 femmes et religieuses blessées.

Kerala : 3 églises endommagées.

Madhya Pradesh : 4 églises endommagées.

Delhi : 1 église détruite, 4 tentatives d’attaque contre des églises.

Tamil Nadu : 1 église attaquée.

Uttar Pradesh : 2 morts (un prêtre âgé et un employé à son service).