Eglises d'Asie

Supplément EDA 5/2008 : Le regard d’un missionnaire américain

Publié le 07/10/2011




 Le P. William Grimm, MM, est membre de la société missionnaire des Maryknoll. Rédacteur en chef du Katorikku Shimbun, l’hebdomadaire édité par la Conférence des évêques catholiques du Japon, il réagit ci-dessous à l’article paru dans le New York Times du 14 juillet 2008, relatif au déclin du bouddhisme au Japon. *

Nous avons l’habitude de nous inquiéter du manque de prêtres dans le clergé catholique. Ce que le bouddhisme affronte au Japon nous force à nous interroger, nous chrétiens, sur notre propre situation. Les deux solutions qui sont proposées à l’Eglise en manque de vocations sont le mariage des prêtres ou une meilleure inculturation. Or la situation du bouddhisme montre bien que ces propositions, quoique pertinentes par ailleurs, ne résoudront pas le problème. Il est dans l’air du temps de dire qu’il est inconcevable que les prêtres ne soient pas mariés. Mais, si l’expérience des bouddhistes peut nous être d’une quelconque utilité, il n’est pas évident de dire que le mariage des prêtres catholiques soit LA solution aux difficultés rencontrées par l’Eglise au Japon.

Une bonne part du débat sur l’inculturation de l’Eglise au Japon nous présente la méditation bouddhique, sa liturgie, son architecture, etc. comme des modèles que nous devrions suivre. Bien qu’il y ait certainement de bonnes raisons de « désoccidentaliser » le catholicisme, adopter les pratiques et manières bouddhiques ne nous apporterait rien. Après tout, cela ne fonctionne pas pour le bouddhisme lui-même, puisque de plus en plus, surtout dans les villes, la population perd tout intérêt pour ce qui pendant plus d’un millénaire a été central dans la définition même de la culture traditionnelle japonaise.

Quand, après plusieurs années d’absence, je suis retourné vivre au Japon, un catholique japonais m’a dit : « Quoique vous fassiez, ne tombez pas dans ‘l’archéologie religieuse’, piégée par le zen ou d’autres formes de religions traditionnelles. Regardez le Japon tel qu’il est aujourd’hui et trouvez le moyen de proclamer l’Evangile dans ce temps-ci. » Le déclin du bouddhisme est en partie dû au fait qu’il n’a pas osé prendre les mesures nécessaires dans sa façon de se présenter à la société japonaise, afin de pouvoir survivre aujourd’hui.

Peut-être une part de naïve assurance fondée sur le fait que le bouddhisme était une religion traditionnelle à la culture japonaise et le sentiment que les gens n’avaient pas d’autre choix que de se tourner vers le bouddhisme ont-ils empêché le bouddhisme de répondre avec suffisamment de réactivité à un monde en pleine transformation.

Cela fait écho avec la situation du christianisme en Europe, y compris dans les pays qui étaient traditionnellement catholiques. La situation en Asie n’est pas sensiblement différente. Ici aussi, il peut sembler à l’observateur extérieur que nous ne faisons que conserver les anciennes institutions, les façons d’être et des structures qui, en toute franchise, ne sont pas très performantes de nos jours et le seront encore moins dans le futur.

Trouverons-nous le moyen d’être une Eglise – et non pas une « antiquité » – qui puisse proposer l’Evangile aujourd’hui et répondre aux attentes des hommes et des femmes du XXIème siècle ? Cela fera-t-il se lever des pasteurs pour proclamer la Bonne Nouvelle ? Il nous faudra aller au-delà de nos institutions, de nos préjugés et de notre cocon confortable afin de nous imprégner des espoirs, des craintes et des doutes de ceux qui nous entourent. Les laïcs en particulier devront développer des outils spirituels et intellectuels pour comprendre et donner des réponses ; et c’est le rôle du clergé de les aider dans ce travail. Le bouddhisme a peut-être manqué sa chance de toucher le cœur des Japonais du XXIème siècle. L’Eglise catholique est-t-elle prête à relever le défi ?