Eglises d'Asie

A Séoul, l’Eglise catholique décerne un prix à un film retraçant la vie tragique d’un réfugié nord-coréen et de sa famille

Publié le 18/03/2010




Le 2 décembre dernier, le film intitulé Crossing, qui retrace, sur la base de faits réels, le périple d’un réfugié nord-coréen fuyant son pays et la famine pour sauver sa famille, a été distingué par la Commission pour les communications sociales de la Conférence des évêques catholiques de Corée du Sud. Le film a reçu le grand prix du 18e Festival des communications sociales de l’Eglise catholique en Corée, prix doté de cinq millions de wons (2 700 euros).

« Pendant le tournage du film, nous avons beaucoup pleuré, l’équipe technique comme les acteurs. La situation des Nord-Coréens est tellement tragique, a témoigné Kim Tae-gyun, le réalisateur. Je me réjouis de cette récompense, mais je me sens encore mal à l’aise. Ils sont nombreux à franchir la frontière (entre la Corée du Nord et la Chine populaire) pour échapper à la famine ou aux disettes. J’espère que leurs larmes sècheront bientôt. »

 

Le scénario du film est construit autour de la famille de Yong-su, un mineur. Bien que pauvre, Yong-su est heureux avec sa femme et son fils de 11 ans. Mais la vie devient très difficile lorsque la nourriture se fait de plus en plus rare et que sa femme, sous-alimentée, contracte la tuberculose. Yong-su s’enfuit alors en Chine pour obtenir des médicaments et acheter de la nourriture. Alors qu’il travaille illégalement comme bûcheron, les forces de sécurité chinoises surprennent le groupe de travailleurs clandestins. Yong-su arrive à échapper à l’arrestation mais doit fuir sans ses économies. Il décide alors d’essayer de faire sa vie en Corée et d’y faire venir sa famille. Yong-su parvient à rejoindre Séoul, mais sans savoir que sa femme est entre-temps décédée. Son fils, Jun-i, resté seul en Corée du Nord, tente alors de traverser la frontière pour rejoindre son père qu’il croit en Chine, mais les soldats nord-coréens le capturent et le conduisent dans un camp de travail. En Corée du Sud, Yong-su travaille durement et réunit suffisamment d’argent pour payer un passeur et faire venir illégalement sa femme et son fils, ignorant de leur sort. A la fin de l’histoire, Jun-i meurt des privations endurées, avant de pouvoir rejoindre son père en Corée du Sud.

 

Après la sortie du film le 26 juin 2008, le Comité épiscopal pour la réconciliation du peuple coréen et la Caritas Corée avaient lancé une campagne afin d’inciter les gens à aller le voir, mais le succès public n’a pas été au rendez-vous, avec seulement 900 000 entrées. C’était cependant la première fois qu’un film sud-coréen présentait dans toute sa cruelle réalité la vie des réfugiés nord-coréens et l’univers concentrationnaire de son proche voisin. Pour la réalisation de Crossing, un an d’enquête auprès des réfugiés nord-coréens a été nécessaire, ainsi que des interviews auprès de plus d’une centaine d’entre eux, qui ont raconté leur vie en Corée du Nord, les conditions des camps de travail et de rééducation, les risques encourus pour traverser la frontière. Depuis la division de la péninsule à la fin de la seconde guerre mondiale et la guerre de Corée (1950-53), le nombre des personnes qui ont réussi à fuir le régime de Pyongyang est resté longtemps très faible, avant d’augmenter de manière sensible il y a dix ans et de s’accélérer ces dernières années. Les ONG estiment qu’il y a aujourd’hui quelque 13 000 réfugiés nord-coréens en Corée du Sud

 

D’autres récompenses, de deux millions de wons chacune, ont été attribuées à des entreprises de l’audiovisuel, de la presse écrite et de l’édition. Etablie à Jeonju, au sud de Séoul, la chaîne de télévision JTV (Jeonju Television) a remporté le prix audiovisuel pour son programme « Let’s Make Dandelions Bloom », présentant des portraits de femmes émigrées venues en Corée pour s’y marier. « Je voue une grande admiration à ces femmes émigrées qui osent révéler leur vie au public », a déclaré le producteur Chung Han, en recevant son prix. « C’est leur courage et leur sincérité qui m’ont fait gagner cette récompense. » Le producteur a précisé que le montant du prix serait versé au bénéfice des femmes émigrées (1).

 

Le prix pour la presse écrite a été décerné à Kyunghyang Shinmun, un quotidien national installé à Séoul, pour ses reportages sur les travailleurs sous-payés du monde du travail à temps partiel. Leurs problèmes, comme le fait d’avoir des contrats précaires, les conduisent souvent à une extrême pauvreté.

 

Moonye Publishing, maison d’édition à Séoul, a obtenu le prix décerné au secteur de l’édition, pour l’amélioration de la qualité et de la distribution de ses publications. Le Comité a félicité l’éditeur d’avoir publié des livres proposant de véritables valeurs morales aux jeunes. Fondée en 1966, la maison d’édition a publié environ un millier d’ouvrages de littérature, d’art et de sciences.

 

« Cette année, les lauréats ont en commun le fait de s’être intéressés aux personnes qui sont en marge de notre société, que ce soit les réfugiés nord-coréens, les migrants ou bien les travailleurs à temps partiel », a déclaré l’évêque auxiliaire de Daegu (Taegu), Mgr Thaddeus Cho Hwan-kil. Président du Comité pour les communications sociales, il a souligné que bon nombre de personnes, dans la société multiculturelle d’aujourd’hui, faisaient face à une discrimination qui prend des formes multiples : avoir des idées différentes, venir de pays pauvres ou être un travailleur sans protection. « J’apprécie le travail des médias. Ils ont une forte influence sociale. Ils peuvent parler en faveur des gens socialement vulnérables. J’espère qu’ils continueront ce bon travail, avec encore plus d’audace », a-t-il ajouté.

 

Le Comité épiscopal organise tous les ans ces remises de prix afin de promouvoir les valeurs universelles comme la justice, la paix et la charité à travers les mass media. Il a décerné les premiers prix catholiques pour la liberté de la presse en 1987, puis à partir de 2000, sous leur dénomination présente.