Eglises d'Asie

A l’approche de Noël, les chrétiens d’Orissa craignent de nouvelles attaques

Publié le 25/03/2010




Ces derniers jours, des groupes hindous radicaux, sous l’égide du Sangh Parivar (1), ont appelé à un bandh général (« opération ville morte ») dans l’Etat de l’Orissa le jour de Noël, afin de réclamer justice au gouvernement pour le meurtre du religieux hindou Swami Laxmanananda Saraswati. Bien qu’une organisation maoïste ait revendiqué l’assassinat du chef religieux, …

… les hindouistes continuent d’accuser les chrétiens, qui subissent en représailles de violentes attaques depuis le 24 août 2008 (2).

Les journaux locaux ont rapporté que le ministre-président de l’Orissa, Naveen Patnaik, avait affirmé devant l’Assemblée législative de l’Etat, le 15 décembre, que le gouvernement n’autoriserait aucune manifestation le jour de Noël : « Je voudrais dire fermement qu’aucun bandh ne sera permis ce jour (de Noël) dans notre Etat et le gouvernement sévira contre quiconque tentera de perpétrer des violences. »

Le lendemain de la déclaration du ministre-président, un groupe hindouiste a annoncé, lors d’une conférence de presse à Bhubaneswar, capitale de l’Orissa, qu’il était déterminé à maintenir la manifestation.

Selon The Hindu, le tout nouveau ministre fédéral de l’Intérieur, P. Chidambaram (3), s’était engagé, le 10 décembre dernier, auprès d’une délégation d’ecclésiastiques menée par Mgr Vincent Concessao, archevêque de Delhi, à ce que la sécurité des chrétiens de l’Orissa soit assurée. Le quotidien indien rapporte que le P. Babu Joseph, porte-parole de la Conférence des évêques catholiques de l’Inde (CBCI) avait déclaré à cette occasion : « Nous avons informé le ministre de l’Intérieur de notre très vive appréhension concernant les célébrations qui pourraient être les cibles d’éléments perturbateurs, comme cela l’a été ces derniers temps. » Il avait ajouté que le ministre de l’Intérieur avait confirmé à la délégation qu’instruction avait été donnée au gouvernement de l’Orissa afin que les vies et les biens des communautés chrétiennes soient préservés (4).

« Nous avons entendu beaucoup de promesses du même genre. Nous avons besoin de mesures concrètes », a commenté auprès de l’agence Ucanews, le 16 décembre dernier, Mgr Raphaël Cheenath, archevêque de Cuttack-Bhubaneswar, à propos des différentes déclarations des autorités de l’Etat. Son archidiocèse comprend le district de Kandhamal, épicentre des sept semaines de violences perpétrées par les hindouistes contre les chrétiens depuis août 2008.

Ce sont les mêmes revendications qu’exprime par une grève de la faim un chrétien de New Delhi, afin d’amener le gouvernement à rétablir la paix en Orissa. Emmené de force à l’hôpital par la police le 18 décembre, après une semaine de jeûne, Rajiv Joseph (5) a refusé de s’alimenter. Il a demandé que des forces de sécurité soient envoyées en Orissa pour protéger les chrétiens et que le gouvernement empêche la manifestation générale programmée par les hindouistes. Selon Ucanews, il a déclaré refuser « le double langage » des autorités de l’Orissa comme celui du gouvernement fédéral et vouloir « des actes, pas des promesses ».

Selon des sources ecclésiastiques, des responsables chrétiens ont demandé également à rencontrer le Premier ministre fédéral le 18 décembre afin de le presser de prendre des « mesures concrètes » pour assurer la sécurité des chrétiens.

Cependant, alors que le gouvernement local proteste de sa neutralité dans la tension qui règne en Orissa, un journaliste y a été arrêté, le 8 décembre, pour avoir dénoncé dans ses écrits les récentes violences survenues dans le Kandhamal et accusé certains groupes hindouistes d’être à l’origine des campagnes de persécution contre les minorités (6).

« C’est une situation inquiétante », a déclaré, le 17 décembre, le P. Philip Joseph, qui coordonne le service social de l’Eglise en Orissa. Selon lui, l’Etat de l’Orissa n’a pas de loi permettant d’interdire une telle manifestation, comme c’est le cas dans d’autres Etats. « N’importe quel groupe peut légalement appeler à un bandh », précise-t-il. Il explique qu’il n’y aurait aucun problème si les gens fermaient boutique et stoppaient leurs activités de façon pacifique ; or, les hindous fanatiques appellent généralement à manifester « pour pouvoir tout fermer et faire ce qu’ils ont à faire», ajoute-t-il. « C’est pourquoi nous sommes inquiets. »

Il y a un an, au Kandhamal, les fêtes de Noël avaient été endeuillées par les attaques des hindouistes menées contre les chrétiens, qui avaient tué onze personnes, fait de nombreux blessés et détruit des centaines d’églises (7). Il s’agissait du même scénario : un bandh avait été annoncé pour les 25 et 26 décembre ; les responsables chrétiens en avaient averti les autorités, lesquelles n’avaient pris aucune mesure.

Afin d’éviter un nouveau « Black Christmas », les paroisses catholiques dans l’ensemble de l’Etat « termineront toutes les festivités de Noël le soir du 24 décembre », annonce le P. Philip Joseph. « Il n’y aura pas de messe de minuit et seulement quelques messes le matin de Noël ». Le P. Joseph précise que l’Eglise n’a pris aucune « décision officielle » sur le sujet, mais elle « ne veut pas exposer les fidèles au danger ».