Eglises d'Asie

Après la décision des autorités de Vinh Long de transformer la propriété d’une congrégation religieuse en jardin public, l’évêque du diocèse élève la voix

Publié le 25/03/2010




La transformation en jardin public de propriétés accaparées par l’Etat et réclamées par les diocèses ou les congrégations religieuses catholiques semble être devenue, pour les autorités vietnamiennes, la panacée permettant de régler tous les conflits. En effet, c’est encore la décision que viennent de prendre les autorités provinciales de Vinh Long à l’égard d’un ancien orphelinat…

… des religieuses de Saint-Paul de Chartres, confisqué par l’Etat en 1977 et ayant fait ensuite l’objet de diverses tractations commerciales. Le 3 décembre dernier, lors d’une réunion où était invitée la supérieure provinciale des religieuses, le Comité populaire provincial a fait annoncer que la propriété accaparée serait transformée en jardin public, car, précisait le communiqué, les religieuses avaient fait savoir que « si l’Etat utilisait cette propriété pour le bien commun, elles n’exigeraient pas sa restitution » (1).

L’évêque de Vinh Long, Mgr Thomas Nguyên Van Tân, a réagi avec éclat dans une lettre envoyée à l’ensemble du diocèse, le 18 décembre. Il y rappelle d’abord qu’il avait déjà élevé la voix sept mois plus tôt (2), après que les autorités provinciales eurent décidé de construire un hôtel touristique de luxe sur la propriété des religieuses dont les bâtiments avaient été abattus en 2003. Il dénonce, cette fois, la décision annoncée par le communiqué du 12 décembre. L’évêque souligne combien il peut être affligeant pour les religieuses d’être accusées « d’avoir éduqué des enfants déshérités pour en faire des membres des forces contre-révolutionnaires ». Tel était en effet le motif officiel inscrit sur le décret de confiscation de l’orphelinat. Pendant 31 ans, chassées de leur monastère les mains vides, les religieuses ont été les témoins de la dégradation progressive et de la ruine de l’établissement dont la construction avait demandé un siècle d’efforts à la congrégation, un siècle pendant lequel elles s’étaient dépensées sans compter au service de la population locale.

La voix du gouvernement, explique ensuite l’évêque, étouffe aujourd’hui celles des consciences. Mais, même si son cri « résonne dans le désert », l’évêque tient à le faire entendre pour les futures générations, pour qu’elles sachent que les catholiques concernés par ces événements n’appartenaient pas à la catégorie de ceux « qui ont des yeux pour ne pas voir, des oreilles pour ne pas entendre et des bouches pour ne point crier ». Il invite ses fidèles, en ces jours de Noël, à prier pour qu’advienne la justice.

C’est le 7 septembre 1977, deux ans après le changement de régime au Vietnam du Sud, que les forces de sécurité de Vinh Long avaient investi la maison des sœurs et, après perquisition, avaient confisqué la maison et tous ses biens, dispersé ses jeunes pensionnaires orphelins et handicapés, et jeté toutes les religieuses en détention. Au bout d’un mois, 17 religieuses avaient été renvoyées dans leur famille. La supérieure de la maison, elle, avait été gardée un mois de plus et ensuite reconduite à la maison-mère de la congrégation, à My Tho.

Aucune action judiciaire, aucun procès et aucune condamnation n’est venue apporter une apparence légale à l’action menée par la police contre les religieuses. Vingt-huit ans plus tard, au mois d’août 2006, les religieuses eurent connaissance d’une décision, numérotée 958/QD.UBT, qui aurait été signée le 6 juillet 1977. C’est sur ce document que l’on trouve la phrase injurieuse à l’égard des religieuses, citée par l’évêque de Vinh Long dans sa récente lettre.